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EUCHITES


terrain tout préparé pour l’cclosion de nouvelles hérésies, qui devaient accentuer ses erreurs de doctrine et de morale, telle d’abord que celle des pauliciens, qui se recruta tout spécialement parmi les euchites survivants et fut si énergiqucment combattue par Michel Psellus, l’auteur du dialogue nepl ÈvEpyeia ; îj.it/.ovwv, et telle ensuite que celle des bogomiles, qui fit revivre tant d'éléments gnnstiques. Cf. Dœllinger, Sekiengeschichle des Mittelalters, Munich, 1890, t. I, p. 34 ; t. II, p. 926-930. Depuis lors, absorbés qu’ils semblent avoir été dans ces sectes nouvelles, il n’est plus question d’eux, en tant que secte distincte encore vivante. Il est à remarquer que, si les euchites ont rempli tout l’Orient depuis les bords de la Méditerranée et de la mer Caspienne jusqu'à la Mésopotamie, y compris l’Egypte, ils n’ont point pénétré en Occident.

III. Erreurs de doctrine et de pratique. — 10 Sur l'Écriture. — A l’exemple de tous les hérétiques, qui se disaient chrétiens tout en entendant et pratiquant le christianisme autrement que l'Église, les euchitesou massaliens avaient la prétention de justifier leur doctrine et leur conduite sur l'Écriture. Tout d’abord, ils n’admettaient' pas le canon ecclésiastique, car ils répudiaient la Loi et les Prophètes et n’acceptaient que les livres du Nouveau Testament. Encore ici se bornaient-ils à un choix : n’ayant que leurs préjugés pour guide et ne tenant aucun compte de l’interprétation des Pères, ils se bornaient à certains textes, interprétés selon une exégèse assez simpliste, mais décisive, et négligeaient complètement tous les autres qui servaient à les éclairer et à les compléter dans un tout cohérent et harmonieux. On en verra plus loin quelques exemples.

Sur la Trinité.

Les spéculations philosophiques

et théologiques ne paraissent pas avoir été leur grande préoccupation ; ils ne comptaient parmi eux ni des métaphysiciens ni des théoriciens. Il n’est pas dit cependant qu’ils aient trempé dans l’erreur arienne qui agita le ive siècle ou dans les erreurs subséquentes du v « ; toutefois la manière singulière dont ils parlaient de la Trinité rappelle quelque peu le sabellianisme. Une fois parvenus à l'état d’impassibilité, comme ils disaient, ils prétendaient voir des yeux du corps Dieu et la Trinité elle-même. Théodoret, Hæret. fab., IV, 11, P. G., t. LXxxiii, col. 429 ; Timothée, De recept. heer., P. G., t. lxxxvi, col. 48 ; Euthymius Zigabène, Panoplia dog., tit. xxvi, P. G., t. cxxx, col. 1277. Les trois hypostases divines se confondaient au point de n’en faire plus qu’une, Timothée, ibid., col. 49 ; Zigabène, ibid., col. 1273 ; et celle-ci s’unissait étroitement aux âmes dignes de Dieu. Un Dieu accessible aux sens, voilà d’abord qui était en contradiction formelle avec l'Écriture et avec l’enseignement chrétien sur la nature divine ; cela ressemblait à un anthropomorphisme déguisé. D’autre part, trois hypostases qui n’en font qu’une, c'était purement et simplement nier la Trinité pour retomber plus ou moins ouvertement dans le sabellianisme. Selon la logique du système, les trois hypostases unifiées ne devaient être autre que le Saint-Esprit ; car, d’après les massaliens, c’est le Saint-Esprit qui entre visiblement dans l'âme, dès que l'âme est délivrée de la présence du démon, selon la manière bizarre qui sera indiquée.

Sur Jésus-Christ.

Ces idées nuageuses ou

fausses sur les trois personnes de la Trinité s’accompagnaient d’idées non moins erronées sur JésusChrist. Que les euchites aient nié formellement sa divinité, c’est ce qui ne ressort d’aucun texte ; mais quelle étrange conception ils se faisaient de son incarnation 1 Le Verbe, disaient-ils, est bien descendu dans le sein de Marie, mais en même temps que le sperme de l’homme. Timothée, De recept. hær., P. G., t. lxxxvi,

col. 49. Il n’aurait donc pas été conçu du Saint-Esprit comme le proclamait la formule du symbole. Quant à son corps, ajoutaient-ils, il a d’abord été rempli de démons comme celui de tous les êtres humains, et ce n’est qu’après les en avoir chassés qu’il se serait revêtu de la divinité ; et dès lors ce corps participait en quelque sorte à la nature infinie de Dieu ; il était changeant, tantôt matériel, tantôt spirituel. Timothée, ibid. Il ne ressemblait donc guère à un véritable corps humain. L’incarnation ainsi comprise n'était nullement celle qu’enseignait l'Église. Quant à la rédemption par la mort sanglante de Jésus-Christ sur la croix, il est à croire qu’ils la repoussaient, bien qu’il n’en soit jamais question parmi les erreurs qu’on leur attribuait ; car Harmenopulus affirme qu’ils avaient en abomination la croix et la sainte Vierge. De hær., 18, P. G., t. CL, col. 25-28. D’autre part, leur attitude vis-à-vis de la communion eucharistique était assez significative, puisqu’ils traitaient ce sacrement de chose indifférente, qui n'était ni utile aux bons ni nuisible auxpécheurs, bienqu’ilsyparticipassent, le cas échéant, pour n’avoir pas l’air de se séparer de l'Église. Ils ne croyaient donc pas à la présence réelle de JésusChrist dans l’eucharistie. Dans ces conditions, quels pouvaient être la nature et le rôle du Christ ? Fort peu de chose, puisqu’ils ne parlaient que du Saint-Esprit et que c’est seulement à la présence et à l’action du Saint-Esprit qu’ils attribuaient la sanctification. Il y avait donc là une méconnaissance caractéristique de l'économie divine de l’incarnation et de la rédemption.

Sur la nature et les conséquences du péché originel.

Sans mettre en doute l’existence de la faute

d’Adam et de ses funestes conséquences, les massaliens s’abusaient étrangement, sinon sur la nature même du péché originel, du moins sur ses effets. Au lieu d’y voir simplement la perte de la grâce sanctifiante et l’absence de la vie surnaturelle, ils croyaient que, par suite de la chute, l’homme, quand il vient au monde, a l'âme habitée par le démon et que, s’il est poussé au mal, c’est à cet hôte ennemi qu’il le doit. Or, la présence du démon est un obstacle à l’entrée et au séjour salutaire du Saint-Esprit. Ils regardaient donc comme la plus urgente nécessité et le plus impérieux devoir de se débarrasser à tout jamais du démon pour recevoir à sa place l’hôte absolument bienfaisant et garant assuré du salut qu’est le Saint-Esprit. Mais le moyen d’assurer ce résultat capital et décisif n'était pas, selon eux, le baptême, car ils en méconnaissaient la nature et l’efficacité ; ils l’estimaient bon tout au plus à faire disparaître le péché, et à le trancher superficiellement comme un rasoir, mais nullement capable d’aller jusqu’au fond et d’enlever jusqu’aux dernières fibres sa racine. Théodoret, Haret. fab., iv, 11, P. G., t. Lxxxiii, col. 429 ; Timothée, De recept. hier., P. G., t. LXXXVI, col. 48 ; S. Jean Damascène, Hxr., 80, P. G., t. xciv, col. 729. Ce rôle indispensable, ils l’attribuaient à la prière.

5 » Sur l’efjicacilé souveraine de la prière. — Laissant donc de côté ce moyen surnaturel de régénération qu’est le baptême, institué et déclaré nécessaire par Jésus-Christ, ou n’y recourant, puisqu’ils se prétendaient chrétiens, que comme à une pratique d’importance très secondaire, ils avaient pris pour devise ce mot de saint Paul auxThessaloniciens : 'ASia^elnzwç TtpodE-ixe’jOs, priez sans cesse, I Thés., v, 17, et firent de la prière l’instrument par excellence ou plutôt unique du salut. A les entendre, eux seuls comprenaient bien le ITirsp r, |x(i)v, Pater noster, et savaient le réciter. Or, disaient-ils, la prière seule est capable de débarrasser l'âme du démon qui l’habite depuis la naissance et d’y introduire le Saint-Esprit. L’homme qui prie expulse le démon par le mucus de ses narines