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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS^


le rayonnement du corps de Jésus-Christ, quand nous l)ercevons le rayonnement de l’hostie ; le prêtre à l’autel touche réellement sa chair ; le fidèle qui communie touche de la langue les atomes du corps divin et celui-ci éprouve sensiblement ce même contact. Dans l’eucharistie, tous les sens de Notre-Seigneur peuvent s’exercer à notre endroit, malgré l’exiguité du volume de son corps. La vie des sens ne requiert que la proportion et l’harmonie des divers organes, non une grandeur locale déterminée. « Le corps est surtout un ensemble de monades ; et comme les monades sont des substances simples, leurs influences réciproques ne dépendent que de leurs rapports harmoniques. » Ibid., p. 184.

L’abbé A. Veronnet s’efforce de compléter et de corriger le système eucharistique du P. Leray. L’espace, contrairement à la thèse du P. Leray, ne saurait être une substance réelle ; il faut « débarrasser les monades de cette gangue matérielle, de ce volume pesant qui n’est qu’un être de raison. » Annales de phi !, chrétienne, décembre 1901, p. 279. M. Veronnet s’efforce ensuite de présenter le mystère eucharistique « sous un nouveau jour en montrant ses rapports avec la vie plutôt qu’avec la matière. » Ibid., p. 300. Et, effectivement, les explications de M. Veronnet sont empruntées aux conceptions et aux conclusions de la science physiologique. La forme extérieure, la grandeur, les organes mêmes ne sont pas nécessaires pour constituer un corps humain. Ibid., ]i. 291. La cellule originelle forme à elle seule tout l’organisme de l’être vivant. Dans l’eucharistie, Notre-Seigneur détruit, en quelque sorte, son humanité même. « Ici, dit M. Veronnet, comme sur la croix, ce n’est plus même un homme, mais un ver de terre, un embryon d’homme. » Ibid., p. 291. La physiologie peut nous aider aussi à comprendre la multilocation du corps de Jésus-Christ. « Les découvertes récentes ont montré que le système nerveux ne réalise pas un ensemble continu. Les cellules nerveuses, les neurones ne sont pas même contigus, mais leurs cylindraxes et leurs prolongements protoplasniiques sont nettement séparés les uns des autres. Et, cependant, une seule âme anime toutes ces molécules vivantes… » Ibid., p. 293. Dans un corps d’homme, s’il y a une seule âme, un seul individu, il y a aussi des millions de cellules distinctes et toutes animées par cette même âme… Ces | cellules ne sont-elles pas aussi distinctes vraiment que les hosties d’un même ciboire, p. 294 ? Ainsi, j conclut M. Veronnet, « tout, dans les êtres vivants, nous montre que les âmes peuvent agir dans plusieurs [ lieux à la fois, animer des substances différent es, placées dans des lieux différents, quel cpie soit leur éloignement. On conçoit plus facilement encore ciu’il en soit de même de l’âme de Notre-Seigneur, unie substantiellement au Verbe et participant en quelque sorte à son ubiquité, » p. 296. On admettra difficilement, je crois, qu’un organisme, considéré comme un tout formé de parties distinctes et hétérogènes, ne soit pas plus continu que les hosties numériquement distinctes d’un seul ciboire. D’après RI. Veronnet, cpii reprend ici une idée de Descartes, le pain devient chair parce qu’uni à l’âme du Christ par les paroles de la consécration. « La transformation, dit-il, est tellement profonde qu’il n’en paraît rien â la surface. La question de la permanence des accidents a-t-elle même besoin d’être posée ? » p. 299. II nous paraît qu’elle est posée par le fait même que M. Veronnet affirme que ce qui est corps vivant de Jésus-Christ est « extérieurement, physiquement et chimiquement parlant, toujours du pain. » A moins qu’on ne dise que ces propriétés sensibles sont celles de la chair vivante de Jésus-Christ, ce qui est lu thèse du P. Leray. Signalons enfin les articles hitéressants que M. G.

Koch a donnés sur le problème eucharistique dans les Annales de philosophie chrétienne, décembre 1903, juin et novembre 1904, mars et avril 1905. Pour expliquer la présence du corps du Christ dans l’eucharistie et sa multilocation, M. Koch attire notre attention sur le mode de présence des réalités morales. Distinguant entre la substance présente et le mode de sa présence, il respecte le dogme qui veut que le corps du Christ soit présent au sacrement vere, realiter et subslantialiter ; mais le mode de présence ne doit pas être nécessairement physique. Des réalités vraies et actives, telles que le devoir, la loi, la faute, le châtiment, etc., ont en commun, avec les réalités métaphysiques, la propriété de n’être pas aussi précisément localisées que les masses et les forces physiques. Elles sont présentes non localilcr, décembre 1903, p. 308. D’après cette théorie, que M. Koch s’efforce de rendre plausible par la présence morale et juridique du roi dans la personne de son ambassadeur, juin 1904, p. 278-279, la substance du corps de Notre-Seigneur serait présente dans l’eucharistie à la manière d’une réalité morale. Cette substance n’est unie aux espèces que par un lien moral, c’est-à-dire par la volonté de Dieu ; l’union entre le Christ et le communiant n’est que morale. M. Koch atténue cette union à tel point qu’on ne voit plus pourquoi « la force morale et religieuse » du sacrement ne pourrait pas être égalée — et c’est là une grave objection — au point de vue de l’union du fidèle avec le Christ, par un moyen non sacramentel, tel qu’une prière fervente ou l’amour intense qui arrive jusqu’à assimiler physiquement les saints à leur divin modèle. Le fait que « la pensée contemporaine restreint de plus en plus le domaine du miracle » nous paraît une raison très peu valable pour diminuer, dans nos explications de l’eucharistie, la place du miracle physique. L’opinion de M. Koch atténue à tel point l’aspect physique et matériel de la présence du Christ qu’elle nous a parue franchement hétérodoxe ; elle s’inspire d’une conception totalement étrangère, pour ne pas dire opposée, aux canons eucliaristiques du concile de Trente. Voir l’exposé et la critique qu’en a faits M. Hourcade, Autour du problème eucharistique, dans le Bulletin de littérature ecclésiasiiiiue de Toulouse, novembre 1905, p. 267-291.

VI. Conclusion générale.

La doctrine qui admet la présence, après la transsubstantiation, dans le sacrement de l’eucharistie, d’un élément sensible objectif et réel, comme signe du corps et du sang du Clrrist, sans être de foi définie, nous paraît si incontestablement ccrtame qu’il y aurait témérité à la rejeter. Elle représente l’enseignement unanime et traditionnel de l’École. Avant le concile de Trente, les théologiens à tendance nominaliste, tels que Pierre d’Ailly et Robert Holkol n’osent s’en écarter ; la théologie posttridentine, d ;  ; ns la personne de ses plus illustres représentants, incline plutôt à considérer la thèse des aecidentia sine subjecto comme étant de foi définie, après la condamnation de la 2’= proposition de Wyclif et les canons de la session XIII « du concile de Trente. Cet accord unanime des théologiens rend absolument certaine la proposition suivante : après la transsubstantiation, des éléments réels appartenant au pain et au vin et dont l’effet était de les constituer présents par rapport à nos sens, de là le nom d’espèces, continuent d’exister et sont maintenant le signe objectif sensible de la présence du corps et du sang du Christ. Nous ne pensons pas qu’on puisse interpréter autrement, étant posée l’expérience sensible dont il faut maintenir intégralement les droits, les définitions conciliaires, en particulier celles de Trent'>. Ces espèces, qui seules demeurent, remanentibus dumtaxat speciebus, concile de Trente, sess. XIII, can. 2, de ces réalités que l’on