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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS ;


s’opposera non plus à ce que le corps du Christ soit nuiltipliéen raison de lamultiplicitedes lieux. Bouvier, Instilutiones theologiæ, Paris, 1834, t. iii, p. 26. Évidemment, les conceptions de l’abbé de Lignac n’ont que la valeur d’une ingénieuse conjecture ; elle ne saurait être présentée comme une explication positive sans ôter à la présence réelle son caractère de mystère. Elle peut être utile là ou un préjugé naturel, consistant à limiter le possible aux formes connues de l’expérience, déclarerait impossible, sans plus, la présence d’un même corps en divers lieux.

Nous ne pouvons songer à reproduire ici toutes les liypothèses ingénieuses imaginées pour rendre plausible la multilocation du corps du Christ. Cf. Pluquet, Mémoires pour servir à l’histoire des égarements de l’esprit humain, Paris, 1767, t. i, p. 492, art. Bérenger, 2° difficulté. L’abbé de Feller croit découvrir dans la nature un fait qui rend en quelque sorte sensible la thèse de Lignac, « celui des rayons de lumière, qui, partant d’un seul et même corps, en forment dans les j’eux et dans les miroirs des millions d’images parfaites et absolument finies. Si la lumière, dit-il, est un corps, deux rayons lumineux seront impénétrables et, par conséquent, devront partir de points différents du corps lumineux. Comme chaque image est totale, il faudra donc que le corps lumineux soit constitué d’une infinité de corps partiels, de même forme que le corps total. La théologie, à cette époque, trahit l’influence du philosophisme régnant. Elle montre partout le légitime souci de prouver que nos dogmes ne sont pas contradictoires. Elle appelle au besoin à son secours les sciences et le calcul. Déjà .Malebranche, dans le Traité de l’infini créé, imprimé à Amsterdam en 1769, où l’éditeur a inséré son Explication de la possibilité de la transsubstantiation, avait soutenu que Dieu peut vouloir, c’est-à-dire produire un même corps en divers lieux. Cf. André, Vie de Matebranche, Paris, 1886, p. 57. Cette thèse est défendue contre le reproche d’absurdité avec une science parfois extrêmement ingénieuse. Feller cite, sans le nommer, un physicien théologue qui, par des calculs étonnants sur la division de la lumière et du temps, prouve qu’un même corps peut être en 2 335 252 555 lieux différents, par une simultanéité morale, équivalant pour nos sens à une simultanéité absolue. F.-X. de Feller, Catéchisme philosophique, Lille, 1825, t. iii, p. 38.

Un opuscule anonyme, dû à la plume de Jean Cochet, ex-recteur et ancien professeur de l’université de Paris, publié à Paris en 1764 sous le titre de Preuve sommaire de la possibilité de la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie, se rattache aux idées de Varignon qu’il développe, en ce sens que la formation de petits corps humains complètement organisés est étendue également aux parties sensibles de l’hostie. I/auteur suit une méthode presque géométrique. Il démontre sa proposition : » L’existence du corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie est évidemment possible » moyennant cinq lemmes, dont trois ont leurs corollaires ; le troisième lemme a un scolie, montrant que la résurrection de nos corps est évidemment possible. La conclusion de l’auteur est que « si l’on suppose que l’âme de Jésus-Christ a été unie (par la transsubstantiation) à ces portions de matière (organisée) et que l’on nomme hostie ce qui est sensible, après la transsubstantiation, chacune de ces l)ortions de matière organisées, de la dernière petitesse sensible, unie à l’âme de Notre-Seigneur, serale même Jésus-Christ, avec le même corps qu’il a eu dans les entrailles de la sainte Vierge et il sera tout entier dans chacune sous les mêmes espèces de pain. » Ce système, d’après Mgr François-Joseph-Gaston de Partz de Pressy, évêque de Boulogne, « renferme en peu de mots beaucoup de choses ti’ès bonnes, » mais il

ne corrige pas ce vice de la théorie de Varignon « qui suppose que le corps sacramentel n’est formé que de la matière du pain. » Instruction pastorale et dissertation théologique sur l’accord de la foi et de la raison dans le mystère de l’eucharistie, Boulogne, 1769, p. 36. Le corps sacramentel de Notrc-Seigneur et son corps historique ne sont pas identiques physiquement. Le savant auteur de V Instruction pastorale en prend occasion pour soutenir que la foi catholique n’exige pas plus qu’une identité morale de ces deux corps. Gela nous vaut une nouvelle explication dont on ne contestera certes pas l’originalité. Elle prétend tout simplement s’autoriser de la théorie de Swammerdam sur la préformation ou l’emboîtement des germes. Les animaux et les plantes même sont dans leur germe, dit le mandement de l’évêque de Boulogne, « et il suffit de renvoyer à tout ce qu’ont dit de beau à ce sujet. Messieurs Redi, Malpighi, Levencek (sic), Swaramerdan (sic), Kerkline, DeréUncourt, Dodart, etc. » Cela posé, voici les propositions essentielles à l’hypothèse de Mgr de Pressy : 1° Le corps visible de Jésus-Christ (nous omettons un parallèle établi entre le premier et le second Adam) contenait un nombre infini d’autres petits corps invisibles. 2° Ceux-ci sont tous formés du corps de la Vierge Marie, ainsi et en même temps que le corps visible, comme celui-ci organisés, vivants, unis à l’âme et à la personne du Verbe. 3° En conséquence, Dieu avait établi, pendant la vie de Jésus-Christ sur la terre, une telle correspondance entre le corps visible de Notre-Seigneur et ses corps invisibles, que ceux-ci éprouvaient toutes les impressions sensibles de celui-là. 4° Par les paroles de la consécration (suivant le décret de Dieu), « il se détache du corps visible autant de corps invisibles qu’il y a de parcelles sensibles de pain dans chaque hostie et chacune de ces parcelles se convertit en la substance d’un de ces corps invisibles » à peu près comme la nourriture que Notre-Seigneur prenait sur la terre se convertissait dans la substance de son corps ; seulement, ici la conversion se fait en un seul instant. 5'>Si ces petits corps demeurent invisibles, c’est que « Dieu empêche qu’ils ne paraissent ce qu’ils sont et les fait paraître ce qu’ils ne sont point. » Jésus-Christ ne s’est-il pas donné une autre forme, en présence de Madeleine ? Le reste de l’hypothèse, édifiée par Mgr de Boulogne, n’est que la traduction dans son système de l’assertion théologique commune qui limite la durée de la présence du corps et du sang du Christ à celle de la persistance des propriétés et des caractères du pain et du vin. Op. cit.. p. 42 sq. Le savant évêque conclut en disant : « Nous laissons à votre examen, M. F., tous les articles de cette explication, qui paraît plus simple que celle de M. de Lignac. » Pour juger équitablement l’œuvre d’un esprit extrêmement original et, à ce titre, très sympathique, il faut se rappeler qu’il ne la donne que comme ime hypothèse à laquelle il n’attribue pas. comme il prend soin de nous en avertir, « l’actualité, mais seulement la possibilité. » Loc. cit., p. 44.

Il faut mentionner encore l’œuvre originale d’un prêtre de Palerme, du nom de Joseph Balli ou de Ballis. François Baronius, dans son De majestate Panormilana, l’appelle sacræ theologiæ doclor eximius, non Panormi modo sed etiam Romæ conspicuus. C’est en 1640 que Balli publie à Padoue sa Resolutio de modo evidenter possibili transsubstantiationis. Le soustitre de l’ouvrage nous apprend que nous avons affaire à un résumé d’un ouvrage plus complet, demeuré dans les cartons. La date de publicationet lefait que l’auteur a médité sa théorie durant trente ans environ, dont il en met quinze à l’approfondir et à lui donner la forme syllogistique, après quoi, par crainte des critiques de ceux qu’il appelle non modo