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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


Paris, 1780, Prcjace Inslorique et critique, p. xxiii sq. Grâce à M. E. Levesqiie, qui eut la clianoe de retrouver le texte complet, publié par ses soins dans la Revue Bossuet, 25 juillet 1000 ; à part, in-S", Paris, 1900, nous possé dont désormais toute la pensée de l’illustre évêque, sur la matière. L’explication directement visée est, en réalité, celle du bénédictin Robert Desgabets, contenue dans un opuscule, publié, semblet-il, sans l’assentiment de l’auteur. Lettre de Desgabets à M. l'évêque de Condom, dans P. Lemaire, op. cit., p. 379. en Hollande, vers 1671 : Considérations sur l'état présent de la controverse touchant le très saint sacrement de l’autel, in-12 de 15 pages ; elle n’est pas essentiellement différente de celle des lettres à Mestant, que Bossuet ne connaissait pas encore. Le prélat remarque d’abord que l’explication, proposée par Desgabets comme venant de Descartes, est en contradiction avec celle qu’on lit dans les quatrièmes objections et qui appartient incontestablement au philosophe : a Elle ne cadre même en aucune sorte (la nouvelle explication) à ce qu’enseigne M. Descartes lui-même dans sa réponse aux quatrièmes objections, puisqu’il s’y donne beaucoup de peine à expliquer, selon les principes de sa philosophie, les espèces et les apparences du pain et du vin dans ce mystère ; ce qui n’aurait aucune difiiculté dans cette opinion (celle de Desgabets ou des lettres à Mestant), n’y ayant rien de fort surprenant que les espèces ou apparences, ou les accidents, comme on voudra les appeler, se conservent dans une matière qui ne change point et où l’on suppose que la substance du pain et du vin demeure toujours. » Exanien, etc., p. 16 du tirage à part, note. Bossuet indiquait ainsi le vice capital de l’explication donnée à Mestant ; habilement et pour sauver l’orthodoxie de Descartes, il refusait de la reconnaître comme venant de lui et déclarait vouloir s’en tenir, touchant les vues de Descartes sur l’eucharistie, au seul texte des « quatrièmes objections » et aux Méditations métaphysiques, " écrit qu’il a publié et que luimême il a toujours appelé le plus sérieux de ses ouvrages. » Il ajoutait : « Si, dans quelque écrit particulier, il a proposé ou hasardé (c’est le mot dont Descartes lui-même s'était servi dans la i^ lettre à Mestant) autre chose, je ne m’en informe pas, » p. 17. On ne peut qu’admirer la justesse pénétrante des objections par lesquelles l’auteur de l’Exposition de la doctrine de l'Église catholique, montrait le désaccord de l’opinion nouvelle avec la doctrine de la tradition. Elles seront reprises plus d’une fois, au cours des controverses eucharistiques, entre cartésiens et théologiens fidèles au péripatétisme scolastique ou s’attachant simplement aux données positives du dogme, tel que le conçoivent les Pères : « Dans la nouvelle explication, disait Bossuet, on trouve bien le moyen de donner deux corps à l'âme de Jésus-Christ (le pain et le corps né de la Vierge Marie), et, par là, d’unir deux corps à la personne du Verbe ; mais on n’explique pas que nous recevions actuellement et en individu le même corps qui a été immolé pour nous, et qui a été dans le tombeau, qui est ressuscité de mort à vie et auquel le Verbe divin est actuellement uni dans le ciel, » p. 19. C’est l’objection de la nonidentité du corps eucharistique et du corps historique de Jésus-Christ ; Arnauld et Nicole l’opposeront avec le même ferme bon sens aux rêveries eucharistiques de Desgabets. Il y en avait une autre qui n’allait guère moins à l’encontre des idées reçues ; l'âme de JésusChrist est rendue présente au mystère par concomitance seulement, à cause de son lien indissoluble avec le corps vivant et glorieux du Sauveur ; or, l’explication donnée à Mestant renversait cet ordre de consécution naturelle : l'âme de Jésus-Christ s’unissant au pain et l’informant, en vertu des paroles de la consécration,

rendait présent le corps (eucharistique) de JésusChrist. Bossuet ne manque pas d’en faire l’observation : « D’ailleurs, écrit-il, loin qu’il faille dire que nous recevions le corps de Jésus-Christ, parce que nous recevons son âme sainte ; au contraire, il est certain que nous ne recevons son âme que parce que nous recevons le même corps auquel cette âme est imie… » Ibid, M. L. Couture, dans une note critique sur la publication de M. Levesque, publiée dans le Bulletin de littérature ecclésiastique de Toulouse, 1900, p. 307, émet l’avis que l’Examen viserait plutôt l’opinion de Varignon que celle de Desgabets. Une lecture attentive du travail de Bossuet nous incline à croire que la réfutation concerne autant la théorie de l’organisation humaine des particules de l’hostie que celle, moins achevée et susceptible encore de perfectionnements ultérieurs, de Desgabets. Voir Examen, p. 17, v, 1°. Bossuet vise incontestablement celui-ci. Examen, p. 16. Distinguant l’opinion de Descartes de celle de « quelques disciples de ce philosophe, » il accuse ceux-ci de donner deux corps à Jésus-Christ. Examen, p. 19. Le reproche atteint réellement Desgabets et, à travers lui, le Descartes des lettres à Mestant que Bossuet ignore encore ou feint d’ignorer et dont il désolidarise jalousement la cause de celle de ses disciples. A la vérité, ce n’est pas deux corps seulement, c’est une infinité de corps que Varignon donnera à Jésus-Christ. Or VExamen n’ignore pas certaine hypothèse qui veut « que Dieu peut organiser le pain tout entier et chaque petite parcelle, sensible ou insensible, dont il est composé, à la manière du corps humain. » Examen, p. 17. Sans la condamner formellement, l’auteur de l'écrit abandonne aux philosophes le soin d’en discuter la possibilité. Bossuet, au moment d'écrire, a-t-il su que cette idée appartenait au géomètre cænnois ? Cela dépend de la date de composition, incertaine malheureusement, de VExamen et de l'époque précise, tout aussi incertaine, à laquelle Varignon entreprit de compléter l’opinion du moine bénédictin. Si, comme le veut M. Levesque, l’Examen remonte aux années 1674-1675, il est moralement impossible que cet écrit vise personnellement Varignon. En 1675, celui-ci n’a que vingt et un ans et est sans doute très loin encore d'être en possession de sa Démonstration de la possibilité de la présence réelle. D’autre part, quand Bossuet écrit, pour répondre à la « troisième objection » , Examen, p. 24 : « On dist qu’on ne connoist l’union de l'âme avec le corps que dans le rapport des pensées de l'âme avec les mouvements des corps, » cela ressemble, à s’y méprendre, à la proposition 4 « d’un résumé du système de Varignon, tel qu’il figure au t. xx des Mémoires du P. Niceron : « L’union de l'âme avec le corps consiste dans la correspondance mutuelle des mouvements du corps et des pensées de l'âme. » Faut-il voir seulement en Varignon l’organisateur et le vulgarisateur d’une idée découverte et connue longtemps avant lui ou bien l’Examen serait-il, en réalité, postérieur de beaucoup à la date que lui assigne M. Levesque ? Cette deuxième liypothèse aurait nos préférences ; l’Examen, en effet, vise non pas un seul, mais plusieurs systèmes eucharistiques, parmilesquels, nous semble-t-il, celui de Varignon se laisse, sans trop de difficulté, reconnaître à ses traits essentiels. En résumé donc, des deux explications données par Descartes du mystère de l’eucharistie, la première tendait à nier l’objectivité des espèces sensibles ; la seconde, qui concernait plus spécialement la transsubstantiation, était nettement inconciliable avec la doctrine de la tradition, telle qu’elle était clairement fixée depuis Paschase et Lanfranc. De plus, elles étaient contradictoires, celle donnée à Arnauld supposant l’absence réelle du pain, tandis que celle