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FIN DU MONDE

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les embrasera. Les verbes employés indiquent la nature de l’action du feu sur eux : le feu les dissoudra et les détruira. Les cttocx^'" » dont il est ici question, sont différents des aTor/eîa toO xoujj.ou, dont parle saint Paul. Gal., iv, 3, 9 ; Col., ii, 8, 20. Ils ne désignent pas les astres, car l’emploi de l’expression rs-w/^io. oJpâvta est postérieur à l'ère chrétienne et ne remonte qu’au ii<e siècle, ni les « esprits élémentaires » , ou les anges qui conduisent les astres ou veillent à la conservation des éléments du monde. Ils désignent les éléments dont se composent les corps matériels. Platon aurait le premier employé le mot n-.rjiyv.a en ce sens et Empédocle passe pour avoir fixé le nombre des éléments corporels à quatre : le feu, l’air, l’eau et la terre. Cette signification du mot avait été adoptée par l'école juive d’Alexandrie. Sap., vii, 17 ; xix, 17 ; Philon, De incorniplione mundi, 21, Opéra, Londres, 1742, t. ii, p. 508. Elle était usitée chez les Juifs de la dispersion. Saint Pierre l’adopte ici. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. ii, p. 156-164. Or, à la conflagration générale, ces éléments euxmêmes, embrasés par la flanune, se fondront et se dissoudront. Le monde corporel périra par le feu jusque dans les éléments qui composent tous les corps. Quant à la terre et à toutes les œuvres qu’elle contient, elles seront consumées et brûlées. L’embrasement final produira donc, selon saint Pierre, la dissolution complète du monde corporel et de l’univers matérielTout efois, cette dissolution ne sera probablement qu’une transformation, puisqu’il y aura des cieux nouveaux et une nouvelle terre, vraisemblablement produits de la dissolution des anciens. Voir plus loin. Quelle est maintenant l’origine de cette doctrine sur la conflagration universelle, qui est spéciale à l’auteur de la II « Épitre de saint Pierre ? Comme on ne la trouve expressément formulée dans aucun autre livre de l’Ancien et du Nouveau Testament, plusieurs critiques rationalistes en concluent qu’elle ne fait pas partie de l’enseignement de Jésus ni de la révélation chrétienne, qu’elle n’est pas cependant une doctrine originelle, inventée par cet auteur, mais qu’elle a été empruntée par lui, à la fin du i'^"e siècle (après 90), à une tradition perse ou babylonienne ou juive. iCf. Bôklen, Die Vcrwandschaft der jiïdischcliristlichen mit der persischen Eschatologie, 1902, p. 119-125 ; W. Bousset, Die Religion des Judenthums, 2^ édit., p. 323-324, 573-574, 583, 588 ; Der Antichrist, 1896, p. 159-165. Les Iraniens attendaient un torrent de flamme qui devait purifier le monde entier et les stoïciens enseignaient que le monde actuel finirait par une conflagration. Cf. Arnim, Vêlera stoiconini fragmenta, Leipzig, 1803, t. i, p. 32 ; t. ii, p. 183-191 ; Sénèque, Ad Marciam de consolalione-, Opéra, édit. F. Haase, Leipzig, 1852, t. i, p. 138-139. Sénèque rapportait l’origine de cette idée aux Babyloniens. Natur. qiiœsl., iii, 29. Saint Pierre n’a emprunté directement sa doctrine de la conflagration finale ni aux Babyloniens ni aux Perses ni aux stoïciens, dont la doctrine est différente, ainsi que l’ont bien remarqué les saints Pères. Voir plus loin. Cf. Clemen, Religions geschiehtliche Erklânmg des Ncuen Testaments, Gie^sen, 1909, p. 127-128. S’il y a emprunt, il vient plutôt de la tradition juive, qui a peut-être subi elle-même l’influence des doctrines étrangères antérieures. Cf. Clemen, op. cit., p. 125. Il est donc nécessaire de comparer son texte avec la tradition juive sur la destruction de l’univers par le feu. M. Windisch en trouve des traces obscures dans les Psaumes de Salomon, dans le livre d’Hénocli et dans le IV° livre d’Esdras, puis des descriptions claires dans les oracles sibyllins, diuis Josèphe et dans la Vie d’Adam et d' Eue. Die katholischen Briefe, dans Handbuchzum Ncuen res/anien^, Tubingue, 1911, t.iv, p.l00.

Mais le Livre d’Hénoch, dans les Paraboles, lii, trad. Martin, Paris, 1906, p. 105-107, par l’image des montagnes de fer, de cuivre, d’argent, d’or, d'étain et de plomb qui, après l'établissement du royaume des justes sur terre, seront devant l'Élu « comme la cire devant le feu et comme l’eau qui tombe d’en haut sur ces montagnes » et qui « s’amolliront à ses pieds, » ne décrit pas la dissolution des montagnes à la fin du monde. Ces montagnes semblent symboliser les différents royaumes qui précéderont le règne du Messie, ou les puissances qui existeront sur la terre quand ce règne s'étabUra, et leur amollissement signifie que ces puissances seront abattues devant le Messie et que les métaux dont elles sont formées seront sans valeur à ses yeux. Les versets 7-9 indiquent clairement cette signification symbolique. Cf. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, p. 93. Le Psaume de Scdomon, xv, 6, 7, n’a rien de commun avec la conflagration finale. Le juste qui, dans ses tribulations, invoque le Seigneur et chante un psaume de joie « ne sera jamais ébranlé par le malheur ; la flamme du feu et la fureur des méchants ne le toucheront pas, quand elles viendront de la face du Seigneur sur les pécheurs, pour anéantir toute la substance des pécheurs. » J. Viteau, Les Psaumes de Salomon, Paris, 1911, p. 329. Si « la flamme de feu » était prise au propre, elle désignerait le feu du jugement plutôt que le feu de la conflagration ; mais le sens figuré est plus probable : cette flamme de feu, c’est la méchanceté des impies qui voudraient dévorer les justes ; l’image est traduite au propre par l’expression qui suit : « la fureur des méchants. » L’homme que l’auteur du IV^ livre d’Esdras (fin du !e siècle de notre ère) voit, dans sa sixième vision, iii, 5-11, monté de la mer et attaqué par une grande multitude, ne tue pas ses adversaires en les frappant de son bras ou d’une épée ou de toute autre arme, mais comme d’im souffle de feu, expiré par sa bouche, d’un esprit de flamme émis par ses lèvres et d'étincelles et de tempêtes produites par sa langue ; ces trois choses, réunies en une, fondent sur la multitude des ennemis et les brûlent tous en sorte qu’il n’en reste plus que des cendres et une odeur de fumée. L’explication qui est donnée ensuite de la vision, 25-38, en indique clairement le sens : le Messie, fils de Dieu, venu sur terre pour délivrer les bons, c’est-ù-dire les Israélites, détruira les nations conjurées contre lui et contre Sion, et s’il n’a point d’armes, s’il les frappe par des flammes, cela veut dire qu’il leur imposera des tourments symbolisés par ces flammes, et qu’il les détruira sans fatigue par une loi qui est assimilée à du feu. Cf. Kautzsch, Die Apocnjphen und Pscudepigraplien des Allen Testaments, t. ii, p. 395-397. La doctrine de l’embrasement final du monde n’apparaît donc pas dans la littérature juive apocryphe, antérieurement à l'ère chrétienne.

L’historien juif Josèphe, en parlant des colonnes de Seth, rapporte incidemment qu’Adam avait prédit qu'à la fin des temps ime partie des hommes périrait par la force du feu et une autre partie par la violence et l’abondance de l’eau. Anl. jud., I, ii, n. 3, Opéra, Amsterdam, 1726, t. i, p. 11. Cette donnée se retrouve dans la Vie d’Adam et d’Eue, 49, 50, dans Kautzsch, op. cit., t. II, p. 528. Mais il ne s’agit que de la ruine du genre humain. Le IV « livre des Oracles sibyllins, que les critiques actuels attribuent à un juif et dont ils placent la composition vers l’an 80 après Jésus-Christ, parle pour la première fois de la conflagration imiverselle : TtOp k’atai v.n.'à y.rj.Tnov SXov, 172 ; puis, après en avoir indiqué les signes, il en décrit les effets : çXéHet 6è yjiwot. Tiâaav, aTtav S' oXéiEt ypo^ àv5p(bv Y.oC : KJ.aa.i iro).ta ; reoTafj.où ; 6' (X[j. « rlï ÔâXacKTa/ 'v/.-/.xjai : 5î zt Tiivra, xôvt ; ô' ëucT* cd^oùÀtaio.. Après