Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/601

Cette page n’a pas encore été corrigée
2501
2502
FIN DERNIERE


Irinal : la doctrine de la fin dernière avec ses multiples applications ; comme centre moteur : la préoccupation constante, universelle de la fin dernière. « C’est ce retour continuel à la dernière fin qui donne à la pastorale sa grandeur : quoi de plus grand que de toujours s'élever jusqu’au sommet de toutes choses ; sa beauté : quoi de plus beau que de tout ordonner en vue du bien suprême ; sa force : quoi de plus fort que de toujours redire à l’homme qu’il doit être homme ; sa douceur : quoi de plus doux que de s’adresser toujours aux instincts les plus intimes du cœur humain 1° A. Desurmont, La charité saccrdolate on leçons élémentaires de théologie pastorale, Antony, 1899, t. i, p. 24. Le grand art, le grand moyen de la pastorale sera donc de faire aimer, désirer, vouloir résolument la fin dernière, comme la justice, la vérité, le bonheur et l’amour sans lesquels rien n’est absolument juste, vrai et bon, mais tout est définitivement et éternellement corruption, désordre, malheur, haine. D’ailleurs, c’est un fait que l’homme est toujours profondément sensible et ému à cette pensée de la fin présentée avec conviction et force. Bien maladroits et bien malheureux ceux qui négligent ces sources profondes de vie morale et religieuse, pour ne faire appel qu'à des considérations superficielles, vagues et impuissantes. Voir un beau traité pastoral de la fin dernière dans A. Desurmont, op. cit., c. III, p. 71-102, et puis dans les deux volumes de tout l’ouvrage, informé constamment des principes expliqués dans ce chapitre.

2. L’apologétique, science de la crédibilité de notre religion, conduit partiellement à la foi, par la présentation des motifs intellectuels de croire. Voir Crédibilité, t. III, col. 2227-2228. Mais la foi, au moins, la foi catholique, suppose essentiellement l’intervention de la volonté. Voir Croyance, col. 2382-2395 ; A. de Poulpiquet, L’objet intégral de l’apologétique, part. II, c. I. La volonté, d’autre part, dépend de nos dispositions morales diverses ; amener à la foi supposera donc toujours un travail sur ces dispositions morales, sur la volonté ; et là encore la grande force qui soulèvera l’homme incrédule ou impie sera le besoin, le désir, l’intention, la conviction de plus en plus précis et puissants de quelque chose au-dessus des biens créés, de la fin dernière. L’apologétique, en elle-même, si son objet intégral est d’amener totalement à la foi, voir A. de Poulpiquet, toc. cit., ou dans son application, comme la pastorale, devra donc essentiellement se préoccuper de la fin dernière.

Histoire.

1. Si la providence n’est pas un mot,

tout doit être en ordre dans l'évolution de l’humanité comme dans l'évolution cosmique ; de façons diverses, puisque les facteurs sont divers, nécessaires ou libres ; mais aussi réellement, aussi parfaitement. Voir S. Thomas, Quæst. disp., I)e vcritnte, q. v, a. 5, 7. (Jr, l’ordre vient de l’unité de la cause finale. Toute riiumanité est donc dirigée par Dieu vers une même fin dernière, l’humanité non seulement comme agrégat d’atomes humains, mais comme société universelle et famille du genre humain. Cette vérité seule permettra à l’histoire, si elle le fait jamais, de donner la science du développement humain, c’est-à-dire de devenir elle-même une science. Les rationalistes finissent par l’avouer. Sans finalisme transcendant, pas de lois, par d’ordre, dans l’humanité, pas de science historique. Voir Max Nordau, Le sens de l’histoire, trad. S. Janivclevitch ; A. Laborde-Milaa, La notion de loi historique, dans la Revue des études historiques, mai-juin 1909, p. 304.

2. De plus, telle fin, tels moyens, telle marche, telle direction. Si la fin présente est surnaturelle, toute l’histoire de l’humanité sera donc essentiellement surnaturelle ; nous disons toute, puisque tout est pour la fin. Mais tout n’est pas synonyme de total ; dans

l’action créée, tout est de la créature, mais non totalement ; et tout est de Dieu, mais non totalement en un sens. Avec la providence tout entière surnaturelle dans notre ordre, dans notre histoire, il y aura donc l’action créée naturelle d’abord ; puis cette action divinement aidée et surélevée ordinairement ; et il pourra enfin y avoir des actions spéciales divines, interventions sans concours direct créé quelconque, bien que non sans préparation peut-être. En tout cas, parmi ces divers éléments, quelque chose restera constamment surnaturel : la direction à la fin surnaturelle. Concrètement de plus, nous avons dit que, sous la fin surnaturelle absolue, une autre fin surnaturelle subordonnée avait été donnée à l’humanité : JésusChrist.

Il pourra donc être difficile parfois de reconnaître pratiquement, dans tel ou tel ensemble d'événements, la direction à la fin surnaturelle, c’est-à-dire la connexion avec l'œuvre surnaturelle de Dieu dans le monde. Mais, en définitive, cette difficulté ne pourra pas être si grande qu’on ne puisse à peu près nulle part voir la providence surnaturelle dans l’histoire de l’humanité, même en ce qui touche plus immédiatement à Jésus-Christ, le surnaturel incarné, comme le judaïsme, l'Église, etc. Ce serait affirmer que la fin surnaturelle n’a, au fond, à peu près rien modifié à la nature des choses : ce qui est absurde lorsque l’on songe à la révélation divine continue, à l’incarnation, à l'Église, aux sacrements, à la grâce sanctifiante, etc.

La grande erreur est ici le naturalisme historique, malheureusement trop à la mode. Non pas qu’il faille chercher partout des « coups d'État divins » ; il y en a eu, et de sufiisamment éclatants, comme la libération d’Israël de la captivité égyptienne, comme la vie et la mort du Christ au milieu du judaïsme, comme l'établissement du christianismedans lemonderomain, etc., sans parler des miracles particuliers très caractérisés, nombreux à travers tous les siècles. En tout cas, en tout il y a une direction providentielle, une poussée d'événements, de préparations et de concours naturels eux-mêmes dans un sens qui, à la longue, est manifeste. Voir Battifol, L'Église, l’histoire et le libéralisme, dans Conférences pour le temps présent, Toulouse, 1903, vW conf., p. 235-256 ; J.-B. Aubry, Essai sur la méthode des études ecclésiastiques, Lille, 1890, part. ii, c. XV, p. 446-479 ; Vie de dom Guércatger, Paris, 1909, t. ii, p. 138 sq., 162 sq., 176 sq.

Conclusion. — Nous avons parcouru à grands pas le domaine de la fin dernière : c’est l’universahté des choses. Tout est le domaine absolu de la fin dernière, car tout est le domaine de l’ordre et de Dieu. En résumé. Dieu est le premier principe, la cause des causes, non seulement dans l’ordre de l’efiicience, mais encore et surtout dans l’ordre de la finalité ; finis est causa causarum. Tout va à Dieu ; dans notre ordre, tout va à la possession par les élus de la vie intime de Dieu ellemême, par Jésus-Christ et en Jésus-Christ : ordre admirable que s’efi’orce de mettre en lumière pas à pas chaque partie de la science sacrée ; mais qu’on ne peut qu’entrevoir ici-bas, même avec la foi et les dons et les grâces extraordinaires du Dieu d’amour.

I. Ouvrages générau.x. — S. Thomas, Siini. llieol., 1' II', q. i-v, xci-xciv ; I", q. vi, xliv, a. 4 ; q. ciii, a. 2 ; Contra gcitles, 1. III, c. i-LXiii ; In II Ptujsic., c. m ; In V Melaph., c. Il ; In I Etliic, ; les commentateurs des deux Sommes de saint Thomas : Cajetan, Médina, Sylvius, Ferrariensis, Billuai’t, etc., spécialement Jean de Saint-Thomas, In Summum, Paris, 1885, t. v, p. 1-157 ; J. Capréolus, Defensiones theolixjicx, dist. I, q. m ; dist. XLIX. Tours. 1900, t. i, p. 95-117 ; t. vii, p. 131-259 ; Salmanticenscs, Cursus Iheologicus, tr. VIII, De uHimo fme ; tr. IX.Ue beatiludine, disp. I, VI, t. V, p. 1-187, 206-273, 373-400 ; Th. Pègues, Commentaire littéral de la Sommejliéologique, loc. cit., spécialement,