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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


Theiner, Ada concH. trid., t. i, p. 488 sq. Les Pères du concile, en se basant sur la règle de la tradition catholique, avaient raison de juger qu’ils pouvaient faire vite, op. cit., p. 502 ; les thèses eucharistiques des novateurs étaient, comme le fit remarquer Campegius, évêque de Feltre, manifestement contraires aux conciles d'Éphèse, de Latran, de Florence et de Constance. Ils observèrent aussi avec insistance qu’ils étaient réunis pour condamner les hérétiques, non pour trancher des controverses entre docteurs scolastiques. Op. cit., p. 502, 504, 505 et passim. Aussi se contentèrent-ils, en général, d’affirmer à nouveau les dogmes eucharistiques dans le langage de la tradition. Parmi les théologiens du concile, seuls, François de Toro et Adéodat de Sienne firent allusion à la théorie des accidenlia sine subjecto ; Balthasar de Heredia, évêque de Bosa, en Sardaigne, en réfutant les arguments des utraquistes, fit remarquer que le Christ n’est pas lié aux espèces : Immo specie.s illæ in sacramento manent sine subjecto. Op. cit., p. 514. Plusieurs orateurs se montrèrent soucieux de prouver que le terme transsubstantiatio n'était pas nouveau quoad efjectum. Frédéric Nausea, évêque de Vienne, demanda même qu’on supprimât du canon 2 « le mot, dont il avait signalé l’origine relativement récente, et Corneille Mussus, évêque de Bitonto, député pour répondre au nom du concile, avait opiné qu’il fallait maintenir le mot, comme indiquant le mode de la conversion eucharistique et quia hæretici eam vocem damnant. Op. cit., p. 526.

Il faut tenir grand compte, en tirant argument des canons de la XIII « session du concile, de cette volonté des Pères de ne pas trancher les controverses entre scolastiques. Nous croj’ons cependant que les théologiens ont eu raison de recourir au décret, sess. XIII, De sacros. euch., c. i, iii, iv, et aux canons de la session XIIP du concile, pour prouver la thèse des accidentia sine subjecto. Bien que le concile n’ait pas voulu définir comme de foi la thèse scolastique, comme l’ont prétendu des théologiens, Becan, De cucharistia, q. lxxvii, a. 1 ; Suarcz, In 111'^'", disp. LVI, il a, par le texte même du canon 2, maiientibus dumtaxat speciebus panis et vint, déclaré suffisamment qu’il adhérait pleinement à la doctrine traditionnelle des théologiens scolastiques. Ces espèces qui demeurent après la disparition de la substance, qui sont susceptibles de division, can. 3, qui contiennent sub specie illarum rerum scnsibitium l’Homme-Dieu tout entier, Decr., c. i, sont, dans la pensée des Pères du concile, objectivement réelles et doivent être identifiées aux accidentia sine subjecto des scolastiques. Les Pères ont laissé à la thèse des accidents son rôle subsidiaire, comme l’avait fait l’enseignement catholique traditionnel ; elle est une dépendance logique du dogme de la transsubstantiation. Nous tenons donc avec Franzelin, De sacra eucharistia, Rome, 1868, p. 262, que les Pères ont voulu définir directement contre les protestants le dogme de la transsubstantiation et que, pour mieux expliciter leur pensée, ils ont subsidiairement affirmé la thèse incontestablement catholique, au moment du concile, des accidentia sine subjecto. C’est l’histoire qui nous paraît imposer cette conclusion. Elle ne pennet pas d’admettre que le concile réuni à Trente aurait soudain renoncé par l’emploi du mot species à ce qui était depuis des siècles l’expression de la croyance et l’enseignement autorisé des théologiens catholiques. La durée, l’unanimité, le caractère traditionnel de cet enseignement sont eux-mêmes un grand fait historique, que la méthode dite criticiste et historique est trop portée à négliger. Si donc « même, après l'épanouissement de la dialectique aristotélicienne dans l'École, comme s’exprime Mgr Batifïol,

Études d’Itist. et de llicol. positive, 2e édit., p. 382, l'Église s’en tient au vieux langage, » si « le concile de Latran et le concile de Trente s’expriment dans les termes qui servaient déjà à Paschase et à Haymon, il ne s’ensuit pas du tout que, sans vouloir définir comme de foi la thèse des accidenlia sine subjecto, l'Église enseignante tout entière n’ait en fait, pendant des siècles, traduit elle-même le langage du sens commun species par les termes précis et d’un sens philosophique bien défini d’accidents. Toutes les subtilités logiques ne peuvent rien contre l'évidence de ce fait historique ; nier la thèse des accidentia sine subjecto ne nous paraît pas possible, sans encourir le reproche de téniérile ; soutenir que le contenu du mot species dans la pensée des Pères de Trente ou de Latran diffère « réellement » de celui du mot accidentia serait ouvrir la porte à des difficultés d’ordre historique inextricables. Un tel changement dans la conception catholique traditionnelle nous paraît pleinement inexplicable. Ceux qui aiment à justifier l’emploi des termes conciliaires par des raisons subtiles et profondes étudieront avec plaisir celles que Franzelin, op. cit., p. 265, emprunte partiellement à Suarez. Le respect dû à l’histoire nous oblige à conclure avec un théologien déjà cité : Concilium tridentinum in sessione XIII, can. 2, non quidem deflniendo sed declarando permanere species panis et vint, nomine specienim inlcllexil realia accidenlia panis et vint, prouli palet ex usu loquendi tune universaliter in scholis recepto, juxta quem de sensu vcrborum a concilia usurpatorum statuendum est. L. de San, Cosmologia, t. i, p. 270, note. Cf. Pallavicini, De universa theologia l. IX, Rome, 1628, 1. VIII, n. 121.

4° Les théologiens catholiques après le concile de Trente. — Du reste, il serait aisé de montrer que la doctrine en possession, au moment du concile, n’est autre que celle qui est exprimée par le canon 2* de la session XII1 « . Trois ans avant l’ouverture du concile, le 10 mars 1542, la faculté de théologie de l’université de Paris publie en trente-six articles une déclaration de foi catholique. Le 5% qui a rapport à l’eucharistie, s’exprime presque littéralement comme le canon 2^ : Quilibet christianus tenetur firmiter credere in consecralione eucharisliee panem et vinum converti in verum Christi corpus et sanguinem, remanenTIBUS TANTUM PAKISET viNi SPECIEBUS, subquibus realiter verum corpus Christi continetur. J. Eck, Enchiridion, Anvers, 1562, fol. 251. Quand Luther en appelle aux textes de l'Évangile où l’eucharistie est appelée pain, Eck lui répond : Propler species panis et accidentia, sicut imago nominatur ab imagine, sicut Salomo jecit boves et leunculos quia jecit imagines eorum. Enchiridion, c. xxxvi, fol. 212. Pour lui, species et accidentia sont une et même chose. Jean Hessels, professeur de théologie à Louvain, qui fut présent au concile, rappelle dans sa Probalio corporalis prsesenliæ corporis et sanguinis Domini in eucharistia, la condamnation des trois propositions de Wyclif par le concile de Constance, Louvain, 1563. p. 13, et affirme vigoureusement à plusieurs reprises la permanence de la quantité du pain et des autres accidents, p. 61, et passim. Même doctrine chez un autre théologien du concile, Josse Ravesteyn, également docteur en théologie de l’université de Louvain et député de cette université au concile en même temps que son collègue Jean Hessels : Divina virtus, écrit-il dans son Apologia seu dejensio decretorum sacrosancti concilii tridentini dirigé contre Martin Chemnit ! ', … dat remanentibus formis et accidentibus sicut subsistendi vim et potestatem, ita etiam officium et usum nutriendi, alendi et sustentandi, qualem panis habebat, Louvain, 1570, pars altéra, fol. 260, 264. François de Vittoria, qui renouvela si heureusement