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FIN DERNIÈRE


mieux définitif, absolu, cliacun selon son idéal. Voir A.-D. Sertillanges, Les sources de la croijunce en Dieu, c. ix-xii, p. 327-112 ; M. Scrol, Le besoin et le devoir religieux, Paris, 1908, c. i-iv, p. 9-119. Scot attaqua autrefois cette doctrine, Cajetan lui a répondu. Voir Acte humain, t. i, col. 343-345.

Une grosse difficuIté contre cette conception du dynamisme volontaire humain est tirée du péché véniel. Nous avons dit qu’il respecte l’ordre à la fin i dernière et cependant ne lui est ni rapporté, ni rapportable. Cette dilTiculté a été diversement résolue : possibilité de deux fins dernières concrètes, l’une positive, l’autre négative (Suarez) ; toutes deux positives, mais l’une virtuelle (Gotti) ; une seule fin dernière diversement atteinte par l’amour habituel et le péché véniel actuel ; enfin une seule fin dernière concrète qui reste inchangée, mais qui n’est pas et ne peut être la fin d’aucun péché ; le péché véniel dès lors, acte spécial, possible seulement dans une psychologie abstractive, n’aurait pas de fin dernière concrète, mais seulement la fin dernière abstraite, du bien, du bonheur. "Voir Pègues, op. cit., p. 42-45 ; L. Billot, De naturel peccali, Rome, 1911, De peccato venicdi ; ?>. Thomas, Sum. lIieoL, I^ 11^, q. lxxxviii, a. 1, ad 2°™, 3'"" ; IIa-IIæ, q. XXIV, a. 10, ad 2'"" ; Péché véniel.

II. Fin dernière relative.

Dieu, premier principe, ramène tout à lui, fin dernière, fermant ainsi un cercle ineffable qui contient dans l’infini toutes choses. C’est l’ordre divin ou absolu que tout soit définitivement pour Dieu ; et nous avons expliqué jusqu’ici en quoi consiste cet ordre.

Nous avons dit aussi que toutes les créatures matérielles ne rapportant rien à Dieu, sont tout entières, finalement, dans l’ordre de la finis cui utilitatis, pour la perfection et le bonheur des créatures spirituelles. Cette affirmation toute philosophique n’a aucun rapport avec l’hypothèse géocentrique des anciens. En effet, Dieu est pure bonté et ne peut créer que pour répandre sa bonté, ses perfections, son bonheur. L’ordre divin, absolu, de gloire objective ou de gloire formelle, est précisément fait de ces effusions de la bonté divine et ne peut être fait d’autre chose. Créer, pour Dieu, c’est faire le bien. Tout ce qui est est donc bien, perfection venant du pur amour de Dieu. Et tout est bien, perfection d’abord pour soi évidenmient. Ensuite tout tend à sa plus grande perfection possible. Là les créatures se divisent en deux catégories : les unes tendent à leur propre perfection et ne sont en cela subordonnées à aucune autre créature ; les autres sont subordonnées, êtres périssables, aux créatures spirituelles.

Mais pour celles-ci, il n’y a plus de subordination dans l’ordre de la perfection personnelle. Apres leur avoir donné un certain degré d'être. Dieu les dirige à en recevoir encore davantage, suivant leurs capacités ; et quand elles en auront atteint le summum, la plénitude fixée par Dieu, ce sera leur fin dernière. Elles ne pourront y parvenir, il est vrai, qu’en voyant, aimant, glorifiant Dieu comme l’unique parfait à aimer pour lui seul : subordination dans l’ordre de la finis ciijus gratia. Mais elle sera leur perfection et leur perfection consciente, donc leur bonheur ; perfection et bonheur en quelque sorte infinis, puisqu’il s’agit de Dieu lui-même à posséder.

C’est ce qu’on appelle la fin dernière secondaire ou relative de la créature spirituelle : fin dernière qu’il est très légitime d’aimer comme telle, c’est-à-dire comme perfection personnelle. Voir Création, t. iii, col. 21642171.

II faut la considérer en deux ordres distincts : l’ordre d’intention et l’ordre d’exécution, que la liberté créée, défectible, rend parfois bien différents. Nous nous occuperons surtout de l’homme ; pour les anges, voir

Anges, t. i, col. 1190, 1202-1205, 1223-1225, 1227, 1235-1241.

Ordre intentionnel.

C’est l’ordre de ce qui doit

être, ou de ce que Dieu veut de volonté antécédente et de ce que nous devons vouloir. On peut essayer d'étudier cet ordre analytiquement ou synthétiquement.

1. Voie analytique.

a) Aspirations à l’infini, comme fin dernière : les faits. — C’est un fait d’universelle expérience : tout être pauvre, capable d’avoir mieux, s’efforce de tout son pouvoir vers ce mieux. Et plus l'être est grand par nature, plus il est pauvre en un sens, car plus grandes sont ses capacités, encore vides des biens qui doivent les remplir et qu’il doit acquérir ou conquérir. L’homme, né pauvre, aspire essentiellement à quelque bien parfait qui le satisfera pleinement.

II faudrait plutôt étudier la nature et la portée de ces aspirations universelles. On sait combien a été fouillé ce sujet dans l’apologie religieuse contemporaine. Il a été touché plusieurs fois ici à des points de vue divers : Apologétique, t. i, col. 1533-1580, passim ; Béatitude, t. ii, col. 497-515 ; Dieu, t. iv, col. 788806, 810-823, 853-871, 876 sq., 905-923 ; Expérience religieuse, t. V, col. 1787-1804, 1806-1814, 18231828, 1841-1847. Pour une étude plus directe, voir Immanence (Méthode </'). On consultera spécialement S. Thomas, Sum. theol., l’II » ^, q. ii-v ; Conl. génies, 1. III, c. xxv-xlviii ; A. D. Sertillanges, Les sources de la croyance en Dieu, c. ix-xiii, p. 327-434, etc.

En résumé, soit par expérience universelle, soit par expérience et étude d’introspection personnelle, les faits suivants sont eerlaius. "Tous nous voulons vivre toujours. Tous nous voulons être heureux, mais d’une béatitude sans mélange, complète : avec la lumière dans notre intelligence sur tous les problèmes qui nous troublent, sur toutes les questions qui nous intéressent ; avec la rectitude d’un empire moral pleinement libéré et intégralement ordonné dans notre volonté ; avec cette félicité immense d’un cœur (volonté et facultés sensitives) en possession du bien, du beau, de ce quelque chose d’idéal qui le remplit enfin. Tous nous le voulons incoereiblement, dans un élan « fatal » qui part des profondeurs les plus intimes de notre nature. Nos aspirations à la béatitude intégrale ont ainsi trois caractères : profondeur et nécessité qui tiennent à notre nature même ; immensité dans la durée que nous voulons stable, immortelle ; immensité dans l'étendue eu quelque sorte indéfinie, infinie. Ce dernier caractère a besoin d'être mis en relief. Pratiquement, rien de tout ce que nous pouvons avoir ici-bas ne nous satisfait, faute de stabilité et surtout d'étendue : ni les biens extérieurs, matériels, comme les richesses, ou sociaux comme les honneurs et la gloire, le pouvoir, l’amour et l’amitié ; ni les biens intérieurs en quelque sorte à notre personnalité : corporels comme la santé, les plaisirs, les voluptés, ou spirituels comme la science et la vertu. Ces deux derniers biens, il est vrai, semblent pouvoir s'étendre à l’infini ; mais sur la façon dont on peut les posséder ici-bas, il faut remarquer que plus on les possède, moins on est satisfait, non par dégoût comme pour les voluptés, par exemple, niiàs par désir de mieux ; plus nous savons, plus nous comprenons le peu que nous savons ; plus nous sommes vertueux, plus notre misère morale éclate à nos yeux. Ce désir de mieux est d’ailleurs le compagnon imposé de toutes nos satisfactions humaines. Sauf à des moments plus ou moins longs de distraction ou de surexcitation passionnelle, notre état intérieur est un état de malaise. On s’y résigne et l’habitude le rend parfois comme inconscient. Mais qu’on y fasse attention, le malaise est là, sourd ou aigu ; des satisfactions, des jouissances, nous en