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FIN DERNIÈRE


infuser ces grâces et ces vertus, s’il le veut bien, par exemple, au moyen de sacrements ex opère operato, dans toute âme vide des oppositions à sa grâce. Voir Attrition, t. i, col. 2244-22 19. Dans la deuxième h^iDothèse, l’amour parfait désintéressé de la fin dernière est absolument nécessaire de nécessité de moyen. Voir Charité, col. 2251 ; Contrition, t. iii, col. 16841686.

Dans la première hj’pothèse elle-même, en laissant de côté les enfants morts avant l’usage de leur raison et les adultes qui mourraient de suite après une justification sacramentelle, sera-t-il loisible aux hommes, dans le cours ordinaire de leur vie, de ne jamais s'élever jusqu'à cet acte d’amour désintéressé qui seul nous met totalement dans l’ordre moral en nous subordonnant à Dieu, notre fin dernière ? Cola ne leur est pas loisible, car il y a un précepte d’aimer Dieu pour luimême imposé à tous. Voir Charité, col. 2252-2256, 2246-2250.

Telle est la meilleure et la plus radicale réponse à l’objection d'égoïsme, d’utilitarisme, etc., tant de fois ressassée contre la morale catholique. Voir d’autres explications. Espérance, col. 672-675.

b. Nous avons répété jusqu’ici que notre fin dernière est de posséder Dieu, ou de participer à cette perfection suprême communiquée au monde par Dieu : Dieu vii, aimé, possédé. Et cela est précisément la gloire de Dieu. Posséder Dieu, en effet, c’est le connaître, c’est-à-dire le voir en vérité comme le bien infini, le premier aimable, le seul aimable même en un sens, pour qui seul toute la création est définitivement aimable. Posséder Dieu, c’est l’aimer, c’est-à-dire c’est acquiescer de la volonté à cette vision de l'être infiniment aimable, en s’y complaisant et s’y reposant définitivement, mais d’un acquiescement, d’une complaisance, d’un repos qui emportent en un élan immense tout ce que la volonté a de force et d'énergie. Et c’est ensuite laisser librement, dans le même élan, se presser dans le cœur et la volonté ces flots d’actes d’adoration, d’admiration, de vénération, de louange uniques, réclamés par l’infini aimé. Ainsi Dieu est glorifié parfaitement ; ainsi la fin dernière absolue de l’homme et de toute la création est atteinte.

() Fin dernière et moyens. — Les moyens qui nous conduisent à la fin dernière sont, d’une façon prochaine et formelle, nos actes (dans l’ordre surnaturel élevés par la grâce) et, d’une façon matérielle et éloignée, les multiples biens de la création, objets de ces actes.

à. Tout est pour la fin dernière ; tout doit donc être volontairement rapporté par l’agent libre à cette fin dernière. Est bon ce qui nous conduit à la fin dernière et rien que cela ; est bon, et lui seul, l’usage des créatures, quelles qu’elles soient, naturelles ou surnaturelles, qui, par celles-ci, comme par des moyens, conduit à la fin dernière. Voir un saisissant exposé de cette vérité dans J. Tissot, Lu vie intérieure simplifiée, 9<^ édit., Paris, 1903, part. 1, 1. 1, c. vi-x, p. 60-89.

Cependant il est légitime et licite de tendre à sa fin dernière par un amour intéressé ; il n’est donc pas nécessaire, il n’est pas possible, d’y tendre toujours par pur amour de charité. Voir Espérance, col. 648-676 ; Baius, t. II, col. 83 sq., 90-92 ; Quiétisme. On peut ainsi rendre à Dieu ces devoirs essentiels d’adoration, de vénération, de culte, de glorification pour des motifs inférieurs à la charité, par religion, par obéissance, par crainte, etc. Et cela sufiil pour qu’ils soient remplis, bien que d’une façon imparfaite et possible seulement (/ ; statu vise. Faut-il pourtant de temps en temps, et d’abord au principe de sa vie morale, diriger celle-ci toute entière, du moins virtuellement, à Dieu par charité? Voir Charité, t. ii, col. 2253-2255.

Faut-il même, sous peine de péché, rapporter expli citement, par charité ou autrement, tous ses actes à la fin dernière ? Non ; un rapport implicite suffît, comme le démontrent tous les moralistes en traitant des éléments de la moralité de l’acte libre. Du moins, pour le mérite surnaturel, cela est-il requis ou faut-il une intention surnaturelle actuelle à tout acte méritoire ? Non encore ; une intention virtuelle, qui de nouveau peut-être explicite ou implicite, suffit, intention probablement de charité. Voir Charité, col. 22462250 ; Mérite.

b. Sont bons tous les moyens qui, diversement employés, conduisent à la fin dernière, c’est-à-dire qui y conduisent de par leur nature ou du moins de par leurs aptitudes, et non de par la seule intention de l’agent : la fin, en effet, ne justifie pas les moyens ; une chose intrinsèquement mauvaise reste telle et donc défendue, quelles que soient mes intentions. Voir G. Goyau, Fin justifie les nioijens, dans le Dietionnaire apologétique de la foi catholique, t. ii, col. 10-17.

Parmi les moyens aptes à conduire à la fin, il faut distinguer les moyens de précepte et les moyens de conseil. En effet, certaines routes peuvent être nécessaires pour arriver à un but ; et d’autres peuvent être non nécessaires, mais plus faciles, plus utiles, plus sûres, etc., et dès lors simplement conseillées ; il n’y a pas d’obligation à prendre le parti le plus sûr en général, ni même à prendre un moyen dont la nécessité est vraiment douteuse. Comme le précepte cependant, le conseil tire toute sa moralité ou sa bonté morale de sa relation à la fin dernière, bien que relation non nécessaire. Voir S. Thomas, Sum. theoL, I » II', q. cviii, a. 4 ; Ascétique, t. i, col. 2037-2041 ; Conseils, t. III, col. 1176-1182 ; A. Hamon, Ascétisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. I, col. 296-300. Cette question des rapports de la fin dernière et de la perfection avec les conseils et les préceptes a été très obscurcie par le protestantisme et le jansénisme. Voir Perfection ; Denifle, Luther cl le luthéranisme, trad. Paquier, Paris, 1911, t. i.

c. Tout ce qui est moralement bon l’est par sa relation à la fin dernière ; par conséquent aussi tout ce qui est moralement mauvais est tel parce que opposé à l’ordre de la fin dernière. Cependant il faut se garder des exagérations luthériennes, baianistes et jansénistes et ne pas transformer tout péché en péché mortel. Est péché mortel l’acte qui détruit l’ordre à la fin dernière obligatoire, en ordonnant l’homme à une autre fin dernière que Dieu. Est péché véniel l’acte qui ne va pas à la fin dernière obligatoire, lorsque tout doit y aller et qui cependant laisse intacte la volonté habituelle de cette fin obligatoire. Enfin est imperfection le refus d’une invitation positive, mais nullement imposée, ad melius. Voir Imperfection, Péché.

d. Telles sont les relations abstraites des moyens et de la lin. Concrètement, l’homme en tous ses actes tend-il nécessairement à une fin dernière ? Pour saint Thomas, Sum. theoL, h IP, q. i, a. 6 ; q. viii, oui sans aucun doute. Voir le Commentaire littéral du P. Pègues, Paris, 1911, t. vi. Toute volition est volition du bien complet, adéquat de la volonté, du bien aimé pour soi, c’est-à-dire de la fin dernière, ou vohtion d 'un bien imparfait, inadéquat et dès lors non aimé pour soi, mais aimé pour le bien parfait ; en effet, seul le bien adéquat peut mettre en branle, en acte nécessairement la volonté ; celle-ci ne pourra donc se porter à tout bien particulier qu’en vertu de cette première motion et actuation contenant virtuellement toute volition particulière. Et c’est d’expérience universelle : au fond, tout ce que nous voulons ici-bas, nous sentons ne le vouloir que pour être heureux, parfaits, etc., sans restriction. Et nous voudrions plus que ne nous donnent les biens présents ; mais il faut prendre ce qu’ils donnent, en attendant et pour arriver à mieux, au