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FILS DE DIEU

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A l’abbaye de Saint-Victor, on était non seulement traditionnel et dialecticien, sans les excès de l'école d’Abélard, mais mystique. Le même Richard essaie de démontrer la Trinité en Dieu, en partant de l’idée de charité et de bonheur qui est censée inclure la pluralité des personnes, et d’abord, une seconde, venant de la première, pour la beauté de l’ordre, la douceur de la parenté, etc. Dr Trinilalc. 1. V, c. i-ii, iv, v, vii, etc., P. L.. t. cxcvi, col. 947 s([. II a de la peine à expliquer que cette procession, et elle seule, soit une génération : elle est imnrédiate, principale, naturelle, I. VI, c. n-v, ibid., col. 9C9 sq. ; volontaire cependant d’une façon immuable, comme il convient à une volonté toutepuissante, c. iii, mais tendant à une connnunication de majesté ou de nature, tandis que l’autre procession tendra à une comnum-cation d’amour, interest (iiiiem multiim… inlcr velle habere condigniim et velle Imbcrc condilecliim, c. vi-ai, col. 971-972. Cet écrivain mystique, qui semble épris des anc’ens et spécialement des Grecs, revient manifestement en arrière. Voir de Régnon, op. cit., t. ii, p. 277-335.

3. Les grands docteurs de la scolastique.

a) Alexandre de Halés subit profondément l’inlluence de Richard de Saint-Victor. Il chercha donc à son tour à prouver la génération divine du Fils de Dieu par l’idée du bien <iui doit être nuliiralilcr et essenlialiter sui diffusiriun. parce qu’il est le bien, parce qu’il est puissance ou mieux vertu infinie, parce qu’il est perfection renfermant la perfection (simple) de la reproduction. Siinima. ii, q. xi.ii, m. i. Le m. ii, après avoir écarté le procédé de quelques-uns qui disaient : in divinis idem est generurc quod intelligere, ou inlclligendo genercd. ce qui n’est vrai que pcr concomilanliam, met déjà en relief la distinction entre cognosccrc et generarc nolitiam. Cependant, pour Alexandre, la génération du Fils est formellement une dilïusion de nature, et la procession du Saint-Esprit une diffusion d’amour et de volonté, et toutes les deux sont nécessaires au bomim sui perfccle diffusivum, Summa, I^, q. xliii, m. i-v ; les explications de détail approchent de la théorie de saint Thomas, mais sans en avoir la clarté dans les principes fondamentaux. Cf. de Régnon, op. cit., p. 368-406.

b) Xalurellement saint Bonaventure, ami des idées traditionnelles, est un fidèle disciple de son maître ; la génération du Verbe suit une fécondité de nature, comme la « procession » suit une fécondité de volonté, Jn IV Sent., 1. I, dist. II, q. iv ; dist. IX, a. 1, q. i ; dist. XIII, a. 1, q. m ; et toutes deux découlent du bonum sui dif/usivum au nom de sa béatitude et de sa cliarité, dist. II, q. ii. Cependant, si la meilleure explication de la génération est la communicabilité de nature, saint Bonaventure admet et développe la doctrine psychologique du Verbe, et seul le Verbe, le Fils, est engendré, parce que seul, par son mode même de procéder ex natura, il est image parfaite de Dieu. In IV Sent., 1. I, dist. XXXI, p. ii, a. 1, q. ir. Cet e.v natura, opposé à ex voluntate, gâte cette doctrine qui parvient presque à la pleine lumière ; elle est d’ailleurs encore imparfaite dans l’analyse des éléments du Verbe ; il faudrait d’abord y voir le Fils comme conception de la pensée, puis l’Image dans la vérité de cette pensée, enfin le Verbe qui condense le tout et y ajoute le caractère d’expression et de manifestation, In IV Sent., I. I, dist. XXVII, p. ir, a. 1, q. m ; cette explication est bien meilleure que celle de saint Anselme, mais elle n’est pas encore parfaite.

e) Dans la même direction, Duns Scot a systématisé plus tard toute cette tliéologie du docteur séraphique, procession de nature et de volonté, etc. ; de plus il a introduit là sa distinction formelle a parte rei, par exemple, entre l’intclltction et la diction et fait de celle-ci une véritable opération féconde du Verbe ou

UICT. Dr : TUICOL. catiioi, .

du Fils ; comme la spiration (rattachée à un amour libre, bien que nécessaire) l’est de l’Fsprit-Saint. ^'oir DuNS Scot, t. iv, col. 1881-1881.

d) Parallèlement au courant formé par Richard de SaintVictor, Alexandre de Halès, saint Bonaventure, qu’on peut rattacher avec quelque raison à la pensée grecque et spécialement pseudo-dionysienne, de Régnon, op. cit., t. ii, p. 240, 355, 410, 447-457, existait un autre courant formé par Pierre Lombard, Albert le Grand, saint Thomas, qu’on rattache à saint Anselme et à saint Augustin. Le Maître des Sentences ne fait, en effet, le plus souvent que découper, dans un ordre systématique, les explications du De Trinitate d’Augustin ; la dist. III du 1. I le fait pour l’analogie psj-chologique trinitaire de notre âme ; la dist. V étudie comment le Fils est de substantiel Palris, bien que l’on ne puisse dire sub.ilantia genita ; la dist. VI répond au problème suivant : le Père a-t-il engendré le Fils voluntate ou natura] par les distinctions augustiniennes de nature forcée et simplement nécessaire, puis de volonté præecdens ou accedens libre et nécessairement concomitante : le Père engendre potens et volens et neeessario comme il est Dieu. Sur ce potens, la dist. VII examine un texte très difficile de saint Augustin, Contra Maximinum. Ce texte concède que le Fils a toute la puissance du Père et donc la puissance d’engendrer, mais qu’il ne le fait pas, non enim non poluit gignere, sed non oportuit ; le Lombard interprète : toute impuissanc ? ou privation de perfection est exclue, mais une non-convenance est affirmée, c’est-à-dire que le Fils est le Fils et non le Père simplement. La dist. IX prouve la distinction, l'éternité, etc., du Fils contre les ariens, avec des textes des saints Augustin, Ambroise, Hilaire, dont les e.Kpressions ne sont pas toutes très parfaites. La dist. XIII, à la suite de saint Augustin, avoue son inr. uissance à distinguer la « génération » de la « processio i » ; il n’y a qu'à confesser que le Fils est le Verbe et eo est Filius quoVerbum, et eo est Verbumquo Filius, dist. XXVII, n. 5, 6. Le Lombard eut surtout le mérite de lancer la théologie trinitaire dans la bonne voie, en la ramenant à saint Augustin et en lui fournissant ses précisions dogmatiques générales très parfaites sur la Trinité, e) Une analyse détaillée manifesterait seule l’immense progrès réalisé encore par Albert le Grand, bien qu’il ait été un trop fidèle disciple du Lombard, dans l’ordre didactique et l’expLcation philosophico-théologique de cette question. Il suffit de dire que son enseignement est à peu près celui de saint Thomas, moins l’ordre parfait et définitif. Albert commence son traité sur la Trinité par la génération du Fils, Sum. theol., tr. VII, q. xxx ; puis après l'étude de la procession du Saint-Esprit, il considère les personnes (Père) Fils, tr. VIII, q. xxxv. Il y a en Dieu génération, seeundum quod est actus perfeclissimi communieantis bonum naturaquod est in ipso, parce que cela lui convient souverainement comme bien et comme premier principe qui doit avoir en lui d’une façon pure, unîvoque, etc., la perfection de se reproduire qu’il a communiquée aux créatures, q. xxx, m. i. Il faut concevoir cette génération comme spirituelle, intellectuelle ; or il y a trois actes intellectuels qui renferment une certaine génération : la réception de l’espèce (impresse) dans l’intellect possible passif ; la production de l’idée par l’intellect actif, mais simplement dicible ; la production de l’idée, du verbe ex propria scientia ; c’est dans ce dernier acte, l’esprit se reproduisant dans le verbe, qu’est la véritable image analogique de la génération du Fils de Dieu. Ibid. Cette génération n’est donc pas simplement dans Vintelligere se, ni même dans le dicere se, si on ne voit dans celui-ci que la relation à la chose dite : toute la Trinité est dite ainsi et non le Verbe seul (Albert semble

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