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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS^


Summce Sylvestrinæ Anvers, 1581, t. i, Euchuristia, n. 5. Dans un ouvrage analogue, la Summa angelica, dû à un autre frère mineur, Ange de Chivasso, on trouve inséré au mot Eucharistia un résumé substantiel et succinct des sententiaires sur les accidents eucharistiques. L’auteur de cette sorte de répertoire de renseignements utiles, dont le succès fut considérable à en juger par les éditions successives qu’il compta, mourut la même année que Gabriel Biel, qu’on nomme communément le dernier des scolastiques. Biel, comme Brianson, cite pour toute autorité la leçon du bréviaire romain ; pour le reste, le Colleclorium n’olïre qu’un résumé fidèle des doctrines d’Occam. C’est l’inconvénient du procédé d’enseignement adopté depuis des siècles : un commentaire sur un texte invariable, imposant à l’avance les questions, traitées successivement, où l’on voit les mêmes réponses reparaître, dans le même ordre, parfois dans les mêmes mots. Cela crée une lassitude qui fera accepter favorablement les synopses et les répertoires qui condensent le contenu utile des commentaires verbeux. Dans son écrit apologétique, Triumpbus crucis, Jérôme Savonarole concentre dans un chapitre, 1. III, c. xvii, à peu près toute la doctrine de saint Thomas sur les accidents eucharistiques. Il s’y montre fidèle thomiste et il serait aisé d’indiquer les articles des deux Sommes qui ont inspiré les lignes suivantes : Habel qiioque quantitas dimensiva hoc inler cselera accidenlia, quod ipsa sccundum se individua est. Non enim apprehendi muliie albediiws possunt, nisi prout sunt in diversis subjectis. Possiini lamen miillæ lineæ, eliam secundum se consideratæ, apprehendi : divcrsus cnim siliis, qui per se lineæ inest, su/ficit ad lincarum pluralilatem, Anvers, 1633, p. 288. La conclusion est celle de saint Thomas, dans la Somme, III", q. lxxvii, a. 2 ; Conlra génies, 1. IV, c. Lxv. Dans le dialogue qui a pour titre Solalium ilineris mei, au 1. IV, intitulé : De arliculis fidei conlra philosophas, l'âme objecte à l’esprit, son interlocuteur, un passage de la Métaphysique d’Aristote : Accidenlia non possunt esse sine subjecto, quia accidenlis esse est inesse. L’esprit répond : Respondeo quod elsi accidens’semper dependeal a subslanlia et hoc sit de ratione ejus, non lamen est de di/fmilione accidenlis, ul sil in subslanlia aclualiler. S. Thomas, Su/77. Iheol., III", q. lxxvii, a. 2. Ideo per potentiam Dei potest accidens sine subslanlia conservari, præcipue loquendo de quanlilale, quia seipsa habet quamdam individualionem, cum in ejus ralione posilio includatur, Leyde, 1633, p. 213.

En même temps, le dogme eucharistique influence toujours, chez les penseurs chrétiens, la philosophie proprement dite ; elle leur impose une métaphysique. Pour Dominique de Flandre, un admirateur passionné de saint Thomas, l’inhérence, propriété de l’accident, n’est pas une relation du genre ad aliquid ; si elle l'était, elle disparaîtrait par la disparition de son terme, la substance, ce qui est faux, comme il paraît par le sacrement de l’autel, in quo remanent accidenlia cum apliludinali inhærcntia absque subjecto. Qusest. sup. XII Metaph., 1. VII, q. i, ad 3°™. Une relation réelle peut se rencontrer en fait hors de toute substance ; inhérence actuelle et relation réelle dilTôrent donc réellement : Probatio nnnoris clare est in sacramento allaris. Nam ibi est similitudo et equalilas quæ jundantur in qualilale et quanlilale ul palet in duabus hosliis consecralis ejusdem quanlilalis. El lamen sunt absque subslanlia. Ergo. Loc. cit. Même attitude chez le scotiste Antoine Tronibetta, qui publie en 1502, à Padoue, son Opus in Metaphysicam Arislotelis in Ihomiskis discussum. Si Aristote admet que la dépendance actuelle vis-à-vis de la substance est essentielle à l’accident, il faut à l’exemple de Scot et des théo logiens l’abandonner sur ce point spécial : Scolus el alii Iheologi neganl hoc propler sacramentum cdlaris. Igitur oporlel discordare ab co (Aristolele) in conclusione el lenere quod dependentia aciualis ad subjectum non est cadem realilcr accidenti absoluto, quum scparetur ab ipsa : melius est nempe Iheologo dissenlire a philosopho in conclusione ubi dissentit in principio quam convenire in conclusione et dissenlire in principio quam conclusioncm non leneret si principium cum iheologo concederct. Op. cit., I. VII, q. i, 1502. Les grands commentateurs de saint Thomas, Thomas de Vio et Sylvestre de Ferrare gardent le même point de vue. Pour prouver la thèse catholique, ils s’adressent presque exclusivement à l’argument de raison. 2° Les protestants.

Les réformateurs protestants,

en rejetant toute autorité en dehors de l'Écriture et en professant un dédain sans réserve pour la scolastique, sentiment où se reconnaît l’esprit de l’humanisme et l’inspiration de la Renaissance, contribueront à la création d’une théologie catholique positive, plus soucieuse d’histoire, de critique et de documentation précise. Luther couvre de ses railleries scotistes et thomistes, surtout Capréolus, le princeps Ihomislarurn, dont l'œuvre, très lue à cette époque, est comme le résumé des controverses entre scolastiques ; il rejette en même temps toutes les parties du dogme eucharistique qu’une réflexion plusieurs fois séculaire, due au patient labeur des saints docteurs, avait abouti à faire exprimer dans le langage savant de l'École. Il ne veut pas qu’on lui parle de « transsubstantiation )) ou d' « accidents » . L'Église qui impose ces déterminations doctrinales, c’est l'Église thomiste et aristotélicienne. De captiv. Babijl. Ecclesiæ, Werke, Weimar, t. vi, p. 508. Saint Thomas n’a ni philosophie ni dialectique : Longe enim aliter Aristoleles de accidenlibus et subjecto quum sanctus Tlwmas loquitur, ul mihi dolendum videatur pro tanto viro, qui opiniones in rébus fidei non modo ex Aristolele Iradere, sed et super cum qucm non intellexit, conalus est slabilire infelieissimi fundamenli infelicissima structura Loc. cit. Le moine apostat est mû par une haine égale d’Aristote et du thomisme. La philosophie qui distingue réellement la quantité de la substance, c’est la philosophie de Babylone. Ibid., p. 510. Qui a jamais démontré avec certitude que la couleur, la chaleur, le froid, la lumière, le poids, la figure soient des accidents ? L’oracle d’Aristote : Accidenlis esse est inesse, a forcé les thomistes à imaginer des miracles : Accidenlibus mis in altari coacti sunt fingere novum esse ac creari a Dco, propler Aristotelem qui dicit : Accidenlis esse est inesse. Loc. cil. La foi des simples ignore profondément toutes ces subtilités. Un peu plus.loin, citant l’axiome d’Aristote au sujet des propositions affirmatives : Ad affirmativam requiritur exlremorum composilio, il agrémente la citation de la réflexion suivante : Ut bestiæ ipsius verba ponam ex VI Melaphysicorum. Si le principe d’identité semble exclure i’impanation du corps du Christ, le pain ne pouvant être identiquement ce corps, comme l’exige la forme du sacrement, ne sait-on pas que l’Esprit-Saint est plus grand qu’Aristote ? Ne dit-on pas du Verbe incarné : Hic Iiomo est Deus, hic Deus est homo’l Si la philosophie ne comprend pas cela, la foi le comprend : El major est verbi Dei aucloritas quam nostri ingenii capacilas. Tout le raisonnement aboutit à la négation expresse du dogme de la transsubstantiation : si le Christ est sous les accidents, ceux-ci sont eux-mêmes dans le pain : 7/7 sacramento' ut verum corpus verusque sanguis sil, non est neccsse panem et vinum Iranssubstanliari, ul Cltristus sub accidenlibus lencatur, sed utroqu-e simul manente vere dicitur : hic panis est corpus meum, hoc vinum est songuis meus ele contra. Ibid., p. 512. Le décret Firmiler