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FILS DE DIEU


appeler Dieu le Saint-Esprit (et le Fils), mais « quiconque étend à d’autres l’appellation de Dieu introduit le polythéisme. » In Prov., xxii, 28, t. xvii, col. 221. Celse avait accusé les chrétiens de polythéisme ; mais Origène répond, non en disant que le Père seul est le vrai Dieu, mais en montrant leur identité d’après l’Évangile : « le Père et moi nous sommes une seule chose ; » le Père et le Fils sont deux en hypostase, mais un seulement par l’accord, l’harmonie, l’identité, xa-j-TCTï ) ;, de la volonté (ou de l’agir et donc de l’être — ainsi il n’y a qu’un Dieu). Conl. Cels., viii, 12. Si les trois sont appelés Dieu, ils sont bien le Dieu unique du monothéisme. Voici d’ailleurs un texte qui, bien que i conservé seulement dans les chaînes bibliques, n’est’pas en dehors de la façon d’Origène, In Malth., xxviii, 18, t. XVII, col. 309 : « Un est celui qui sauve, un est le salut. Un est le Pore vivant, le Fils et l’Esprit-Saint ; ’un, non par le mélange des trois, mais par l’identité de j substance dans trois hypostascs parfaites et corréla- | tives.Le Père a engendré suivant la nature, /taxa yjrji^ : c’est pourquoi celui qui est engendré lui est consubstantiel, ôjj.oo-Jt’.oç… le Plis est né de la substance du Père. » Voir enfin de très beaux textes dans les Comm. in Episi. ad Rom., i, 16 ; iv, 9, t. xiv, col. 863, 997 ; vin, 5, proprietates… suas cuiquc dabit, nihil autem diversiiaiis confilebitur in siibstanlia vel natiira, ibid., col. 1169 ; viii, 13, col. 1201-1202. Pourquoi le Fils est-il ainsi consubstantiel au Père ? C’est qu’il n’est pas une créature produite du néant, mais le Fils engendré de la substance du Père, nous le dirons bientôt.

c) Notons auparavant que, malgré cette intime consubstantialité qui a fait accuser Origène de sabeUianisme, le Fils garde sa personnalité distincle. Origène, nous l’avons observé, a démontré ce point plusieurs fois contre les sabclliens et sa terminologie ici encore est en avance sur son siècle, étant celle qui triomphera définitivement plus de cent ans après, avec les Cappadociens. Les modalistes disaient que la Trinité est une, h/, non seulement par l’essence, o-juiix, mais aussi par le suppôt, ûuox£t| ;, Év( ;), et distincte seulement en raison, vtaTa Tiva ; iTtiv^iaç, mais non. d’après la réalité, y.aTà jTtôa-TaiTiv ; il faut, au contraire, alhrmer, établit le champion de l’orthodoxie orientale, que les trois de la Trinité sont distincts àoiOfXf.i, numériquement, -jtic/axy. GE.1, dans la réalité, jt : o-/.b.ijàvm, par le suppôt, bien qu’un en substance, o-Jrria. Conl. Cels., viii, 12, t. xi, col. 1533 ; In Joa., x, 21, t. xiv, col. 374 ; i, 23, ibid., col. 65 ; II, 6, col. 128 ; In Mallh., xvii, 14, t. xiii, col. 1520. Origène n’emploie pas le mot TrpôcrfOTrov pour signifier personne, mais seulement personnage. Il faut remarquer cependant que o jfj ; » n’est pas toujours la substance, mais parfois encore la réalité individuelle, ou mieux l’essence, même individualisée et personnelle. Cent. Cels., i, 23 ; vi, 71 ; viii, 67, etc. Ceci doit servir à interpréter un texte par ailleurs corrompu, sur lequel insistent les partisans du subordinatianisme d’Origène, De oral., 15, t. xi, col. 465 ; le Fils y est dit autre que le Père /.ar’oùuitx’/ y.al iiTi'>y.îî[j.E-/rj{ç]y, qu’on traduit selon l’essence et selon le suppôt ; mais il n’y a pas à insister sur ce mot qui peut et doit être pris dans le sens indiqué d’essence individuelle personnelle qu’il gardera longtemps après Origène et malgré lui. Voir F. Prat, op. cit., appendice i, p. 169-173. Le Fils est donc une réalité distincte, vivante, (iTtiiTTaircç, In Joa., I, 23, 39, t. XIV, col. 65, 89, non un simple son proféré au dehors qui tombe dans le néant, ni simplement l’ensemble des pensées de Dieu, lit c’est dans ce sens qu’il faut entendre les nombreux textes où le Fils, le Verbe, est dit la Raison, la Vérité, la Sagesse, l’Intelligence, la Vie même substantielle de Dieu. Ces perfections, appartenant à l’essence de Dieu, sont inséparables de sa substance, et si la raison peut les distinguer, elles sont en réalité une seule et même chose en quoi consiste

la plénitude de la divinité, Periarch., IV, 28, t. xi, col. 403, etc. ; car si ces textes affirment clairement la parfaite consubstantialité du Fils et l’aspect spécial de sa personnalité, ils ne nient pas celle-ci, expliquée ailleurs, par exemple, avec des développements semblables, Periarch., I, ii, 2 : Nemo pulet aliquid nos insubstanlivum dicere cum eum (Filium) Dei Sapieniiam nominamus… Si ergo semel recle receplum est, unigenitum Filium Dei Sapienliam ejus esse subslaniialiter subsistenlem. Cf. In Joa., i, 22, t. xiv, col. 5657 ; Com. in Epist. ad Eph., i, 17, dans Journal of theol. studies, t. m (1902), p. 398.

d) Le Fils est consubstantiel, parce qu’il a été engendré de toute éternité par le Père. Ce point de doctrine, déjà clairement atlirmô par Clément d’Alexandrie, est expressément enseigné par Origène. Les formules tant odieuses aux ariens : le Fils n’est pas du néant, èÇ oùx ovtwv, mais de la substance du Père par génération, et il ne fut jamais d’instant où le Fils n’était pas, sont répétées dans Origène, S. Athanase, De décret, nie. syn., 27 ; Periarcli., IV, 28 ; le Fils est de toute éternité engendré, car toujours la splendeur accompagne la lumière. In Epist. ad Rom., i, 5, t. xiv, col. 848-849 ; In Epist. ad Heb., fragm., ibid., col. 1307 ; d’ailleurs, pour Dieu, il n’y a aucune succession, c’est l’éternel instant qui est toujours, et ainsi le Père engendre toujours le Fils. Periarch., I, ii, 2, 3, 6, 9, 11 ; IV, 28 ; In Joa., i, 32, t. xiv, col. 77 ; In Jcr., homil. IX, 4, t. xiii, col. 357. On a voulu incriminer, J. Schwane, toc. cit., mais à tort, cette magnifique conception de l’éternité divine et de l’éternelle génération ; d’autre part, on a voulu en diminuer la portée en remarquant que, pour notre Alexandrin, toute la création est éternelle ; mais les deux modes d’éternité sont essentiellement différents comme l’ordre de l’absolu nécessaire et immuable diffère de l’ordre du créé contingent, qui est essentiellement temporel. Periarch., IV, 28 ; cf. In Matlh., scolie sur xxviii, t.xvii, col. 309 ; Eusèbe, Adv. Marcel. Ancyr., i, 4, t. xxiv, col. 760, etc. Origène cherche à concevoir cette génération éternelle ; il répète les métaphores bibliques dites de la Sagesse émanée de Dieu, Periarch., I, ii, 6 ; IV, 28 ; fragment conservé par saint Pamphile, t. xvii, cot. 580-581, etc. ; il veut surtout écarter toute imagination corporelle et toute idée de projection au dehors, npoêolr, , ibid., et In Joa., i, 23, t. xiv, col. 65, etc. ; enfin il dit que, si l’on veut une analogie moins imparfaite, il faut plutôt penser à notre volonté procédant de notre intelligence sans division et sans séparation (immanence consubstantielle), Periarch., l, ii, 6 ; IV, 28 ; fragment cité par Pamphile, t. xiv, col. 183 : natura non adoptionc Filius est ; nalus autem ex ipsa Patris mente, sicut voluntas ex mente. Ceci est d’ailleurs bien différent de l’idée des apologistes et des occidentaux : le Fils engendré par la volonté du Père. CeUe-ci, il est vrai, est attribuée à Origène par Justinien, Epist. ad Menam, t. Lxxxvi, col. 481, mais ilfaut se défier de ces citations antiorigénistes du vie siècle. Dans les textes indiqués, Origène, sans doute pour éviter toute comparaison avec notre verbe, même avec notre verbe intérieur, et voulant rester dans cet ordre psychologique immanent, a indiqué la « procession » de notre vouloir, comme analogie générique et non spécifique (ainsi elle convient seulement à l’Esprit-Saint), peut-être sous l’influence du texte, Col., i, 13, ô’jib ; xf^i ayaTir] ; a’JxoO.

e) Malgré ces vues très élevées, surtout sur la consubstantialité divine, on a voulu voir dans Origène, j encore plus clairement que dans son maître, le plus franc subordinatianisme. J. Tixeront, op. cit., t. i, i p. 287. L’ensemble de l’antiquité ne l’a pas vu dans Origène ; pour les Pères du ive siècle, il est le grand génie de l’orthodoxie ; sauf quelques anonymes con-