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FILS DE DIEU


en ces conjonctures ? L’histoire, disposant de documents très imparfaits (Ilippolyte et Terlullien sont des ennemis de Calixte et presque les seules sources à consulter), en est dilTicile à reconstituer ; elle sera faite à l’art. Monarchianisme ; on consultera les auteurs indiqués et l’art. Calixte I", t. ii, col. 1334-1338. En résumé, ces deux papes furent avec l'école trinitaire (Hippolyte) contre les adoptianistes (condamnés déjà par Victor ! « ) et contre les monarchiens ou sabelliens, et puis avec la foi orthodoxe traditionnelle contre les exagérations de cette école trinitaire. Quoi qu’en dise, en effet, l’antipape des Pliitosoplioumena (Hippolyte lui-même), ou plutôt d’après son propre témoignage, Zéphirin, déjà inspiré par Calixte, ne fit que maintenir, peut-être un peu timidement, entre les partis extrêmes, la stricte divinité de Jésus-Christ ( « un seul Dieu » : consubstantialisme) et sa réelle distinction d’avec le Père. Pbilosoph., IX, 11. Quant à Calixte, les erreurs qui lui sont imputées sont manifestement contradictoires : c’est tantôt du sabellianisme pur, tantôt du sabellianisme mitigé (Hprnack croit que là est la vérité. Chronologie, ii, p. 204) et tantôt de l’adoptianisme. Philosoph., IX, 12, 3 ; 5, 5 ; 11, 8-9. Deux choses seulement sont sûres : c’est qu’il condamna formellement Sabellius et qu’il refusa de suivre Hippolyte (dont il détourna même Sabellius sans doute à ses débuts) dans un subordinatianisme qui conduisait, déclarait-il, au dithéisme, Philosoph., IX, 11, 12 ; Adv. Praxeam, 3 ; nous verrons bientôt combien il avait raison. Cependant il ne voulut jamais condamner Hippolyte, parce qu’il était substantiellement orthodoxe et c’est de lui-même que celui-ci se lança dans le schisme par une obstination intellectuelle qui ne voyait que dans son système le juste milieu entre Sabellius et Théodote. Ce n'était pas cependant le juste milieu, mais un faux sentier, frayé d’abord par les apologistes, condamné par Irénée, mais trop vaguement, repris par les docteurs antimonarchiens et qui conduisait aux abîmes. Au milieu des hérésies et des écoles incertaines, la papauté seule avec Victor, Zéphirin, Calixte surtout et bientôt saint Denys de Rome, sut garder la route sûre de la foi traditionnelle révélée, la route qui conduit à Nicée. Après Calixte, le sabellianisme disparut d’Occident ; nous le retrouverons en Orient dans la seconde moitié du iii'e siècle. Peut-être la condamnation du monarchianisme a-t-elle laissé des traces dans une transformation du Credo romain faite au commencement du 111'e siècle (Credo in Deum Patrcm omnipoientem au lieu de credo in unnm Deum omnipotentem). Voir Apôtres (Symbole des), t. i, col. 1670-1671.

c) Les docteurs anlimonarcliiens. — A côté de l’auto-. rite, en face de l’hérésie, nou.s avons déjà vu Hippolyte et Tcrtullien et reconnu rapidement leur position ; il nous faut maintenant étudier celle-ci de plus près.

Ce sont les deux principaux représentants à cette époque et en Occident de ce qu’on a appelé, justement en un certain sens, l'école du Logos ; nous devons leur adjoindre, bien que légèrement postérieur, Novatien, qui reste dans leur suite, sauf sur quelques points, lui aussi, docteur de l'école romaine (vers 240-250), puis schismatique. Nous exposerons synthétiqucment leur doctrine, en notant le progrès qui va d’Hippolyte à Tertullien, puis à Novatien.

Sur saint Hippolyte, A. d’Alès, La tliéoloyie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 20-3."> ;, J. Tixeront, op. cit., t. i, p. 322-328 ; H. Achelis, Llippolutsliidien, Leipzig, 1897, et la bibliographie du monarchianisme. — Sur Tertullien, . d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 67-103 ; .1. Tixeront, op. cit.. p. 335-338 ; J. Stier, Die Gottes iind Logos Lehre l’eriullians, Gœttingue, 1899 ; Freppel, Tertullien, 2 in-8°, Paris, 1864, xxxii" leçon, t. ii, p. 317-345 ; .J. Schwane, op. cit., t. i, p. 161-170, et les ouvrages géné raux, sur le monarcliianisme, sur l’orthodoxie Irinitaire des Pères anténicéens (Petau, Bull, etc.), enfla sur Tertullien E. Nœldechon, P. Monceaux, etc. — Sur Novatien, J. Tixero.it, op. cit., p. 354-355 ; H. Jordan, Die Théologie der neuendeckten Prediglen Novalians, Leipzig, 1902. Les traités que nous allons citer le plus souvent se trouvent Contre Noël, dans /'. G., t. X, col. 804-830 ; Pldlosophoumena, P. G., t.'xvi, col. 3017-3454, ou Cruice, Paris, 1860 ; Ady. Praxeam, P. L., t. II, col. 153-196 ; De Trinitate, P.L., t. iii, col. 885-952.

Cette école du Logos est d’abord l'école de l’orthodoxie, au moins substantiellement. Contre l’adoptianisme et pour la stricte divinité du Fils de Dieu, saint Hippolyte écrit le traité Contre Artémon (ou Artémas) celui que cite Eusèbe, H. E., V, xxviii, et que Théodoret appelle Le petit labyrinthe, cf. A. d’Alès, op. cit., p. 107-109 ; Tertullien développe le même sujet en repoussant l’accusation d’impiété lancée contre les chrétiens dans son beau chapitre xxi de V Apologctieuni ; Novatien afiirme la même doctrine en résumant une controverse terminée. De Trinitate, XIXVII. Contre le monarchianisme, tous trois écrivent ex professo : saint Hippolyte son Conira Noetum (probablement le XXXII <* et dernier chapitre du Syntagma adversus omnes hæreses, ; f. A. d’Alès, op. cit., p. 7677) et les deux derniers livres, IX et X, des Philosophoumena ; Terlullien son Adversus Praxeam, et Novatien les c. xviii-xxix de son De Trinitate.

Avec la foi orthodoxe, c’est dans cette école, fdle des apologistes, une théologie encore incertaine et même parfois inconsciemment égarée, malgré les rappels à l’ordre d'évêques traditionnels comme saint Irénée et de souverains pontifes comme Calixte : cela mérite notre attention. On trouvera spécialement dans A. d’Alès, La théologie de Tertullien, p. 84-96, une très belle étude comparative de Justin à Tertullien sur la doctrine du Verbe Fils de Dieu ; après cela, lire L. Duchesre, op. cit., t. i, p. 305-312. Voir Création, t. iii, ccl. 2123-2124.

Les philosophes catholiques, nous l’avons vii, cherchant à s’expliquer et à expliquer aux autres, païens, juifs, fidèles, ce qu'était ce Jésus, Fils de Dieu, Dieu adoré par les chrétiens, avaient pris avec joie comme point de départ de leurs recherches (l’histoire de la philosophie donne la raison de cette joie) le mot de saint Jean : c’est le Verbe qui s’est fait chair ; le Fils de Dieu était donc, d’après la révélation elle-même, le Logos de Dieu. On chercha à la lumière de la foi d’abord (nous l’avons constaté et cela est encore plus évident au nie siècle) et puis secondairement de la raison (informée ici de néo-platonisme, sinon spécifiquement de philonisme) ce qu'était le Logos Fils de Dieu. La sj’nthèse exacte de la foi et de la raison ne fut pas trouvée au ii'e siècle, elle ne le fut pas non plus dans la première moitié du iii"=, au moins en Occident ; car il faut observer que le ferme enseignement de Calixte maintenait la foi, avertissait de leur erreur les docteurs du Logos, mais n’essayait lui-même aucune explication positive.

a. Le Verbe éternel. — Le Verbe (Logos pour Hippolyte, le dernier écrivain grec de Rome, Sermo pour Novatien et Tertullien qui distingue même Sermo et Ratio pour exprimer tout le sens du Logos grec), le Verbe existe éternellement en Dieu et cela de façon plus clairement distincte que chez les apologistes ; saint Hippolyte, Cont. Noetum, 10, afiirme une pluralité éternelle en Dieu, (jôvo ; l’nv tto/ùç Y|V> parce qu’il n'était pas sans Logos, sagesse, puissance, volonté. Cf. Adv. Judœos, 7, édit. Lagarde, p. 66 sq. Tertullien, Adv. Praxeam, 5, écrit d’abord une belle page de psychologie sur le verbe mental humain per quem loqueris cogitando et cogitas loquendo (les apologistes ne concevaient le verbe-parole que proféré au dehors) ; il se place ainsi au vrai point de départ (analogique) de la spécu-