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FILS DE DIEU

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manière le Verbe jusqu’alors immanent en lui, pour être le Principe de toute création et de toute révélation. Parcourons, en effet, les textes relatifs à la filiation et à la génération du Verbe, Fils de Dieu ; ou bien ils ne font que les mentionner, ou bien ils les mettent de façon ou d’autre en connexion avec la création. Citons saint Justin, Apol., ii, 6 : « Son Fils, le seul qui soit appelé proprement Fils, le Verbe existant avec lui et engendré avant la création, lorsque au commencement il ordonna par lui toutes choses, est

appelé le Christ… » 6).ô-{’tc, Tipô tôiv TH-jtriixirtov xal nt^/u}’i

(la subsistance éternelle probablement, cf. A. d’Alès, Études, 1907, t. ex, p. 114-116), vat Yewt.Sasvo ; (génération, temporelle comme le montre la détermination suivante) ô : e tt, v àp/ ! -|V (au commencement) ôi’ol-j-c/j TLi’/TOL iy.rjoii.r, ’yt. Du même, voici un second texte classique, Dial. cum Tryph., Gl : « Comme principe (ipyr^y = premier, commencement, et non pas au commencement ; c’est ainsi que tous les contemporains de Justin, Tatien, Athénogore, Théophile, Irénée, Tertullien, voir note d’Archambault sur ce passage, comprenaient Prov., viii, 22 : le Seigneur m’a créé commencement de ses voies pour ses œuvres, texte que^^le Dialogue va citer immédiatement après), avant toutes les créatures. Dieu engendra de lui-même, è5 âauToO, une certaine vertu verbale (évidemment il ne s’agit pas ici du Verbe exprimé en image dans la création, mais du Verbe en lui-même), nommée tantôt gloire…, fils…, sagesse…, ange…, Dieu…, Seigneur…, Verbe, et elle peut recevoir tous ces noms parce qu’elle exécute la volonté du Père et qu’elle est née du Père par volonté. « Suit alors la comparaison des deux verbes qui sont en nous, quand nous parlons : celui qui est proféré et celui qui reste en nous non diminué ni amputé ; puis la comparaison des deux flambeaux ; le texte de Prov., viii, 21-36, les textes pluralistes delà Genèse, enfin une nouvelle affirmation du double état d’indéfinie subsistance (t-jv ?, /) du Verbe avec le Père et de génération (yivvoij.x èyeréwriT’, ) comme principe (ïp//i, ici sans équivoque) avant la création, 62 ; cf. 100 : a II est sorti du Père avant toutes ses œuvres par sa puissance et sa volonté ; » de même, 61, 127, 128. A noter encore, TcptôTov -, -ivvi, |j.a, Apol., i, 21, et TipozoTÔy.o ; qui revient sans cesse comme l’épithète essentielle du Fils de Dieu, 23, 33, 53, 58, 63, 84, 85^ 111, 116, 125, 138.

Tatien continue et peut-être même exagère ici l’enseignement du maître, Oral., 5 : « Dieu était dans le Principe (sens hypostatique de àp//, ) et nous avons appris que le Principe, c’est la Puissance (sens hypostatique, voir plus loin) du Verbe. » Dieu était seul, en effet, avant la création ; cependant le monde était déjà en lui en puissance par le moyen de son Logos. Alors « par la volonté de sa simplicité sort de lui le Verbe, et le Verbe qui ne s’en va pas dans le vide (comme va notre parole à nous) est l’œuvre’première engendrée, k’pyov TipwTOTo/.rjv.du Père. C’est lui… qui est le principe du monde. Il provient d’une distribution, non d’une division… ; ce qui est distribué suppose une dispensation volontaire et ne produit aucun défaut. .. ; » suivent les exemples des flambeaux et du verbe humain ; « le Verbe donc, engendré en principe, engendra à son tour notre monde » (la première génération ne peut par conséquent pas être la reproduction du Verbe dans le monde), en en produisant et la matière et l’ordonnance.

Athénagore, Légat., x, est plus profond et plus clair. Dieu a tout créé par son Verbe ; car Dieu a un Fils, non à la façon des dieux païens, mais « le Fils de Dieu, c’est le Verbe du Père dans son idée et son agir ; » par le Fils donc tout a été fait, car le Fils et le Père ne sont qu’un, qu’un esprit, le Fils étant l’intelligence et le Verbe du Père. Cf. xxiv. Si l’on demande pourquoi

ce Fils ? « En résumé, c’est le premier être engendré par le Père, non qu’il ait été fait ( svoiisvov), car éternellement Dieu, esprit intefiigent (voO :, Xoyi/.ô :), a son Logos ; mais il a été proféré pour être l’idée et l’agir (producteur) de toutes les choses matérielles. » Suit la citation de Prov., viii, 22, « Dieu m’a créée au commencement de ses voies. »

Enfin Théophile, avec la terminologie stoïcienne, précise cette conception du double état du Verbe. Ad Autol., II, 10, Dieu, créateur de tout ex nilulo, Il voulut créer l’iiomme pour se faire connaître à lui et pour l’iiomme il prépara le monde ; ayant donc son propre Verbe immanent (Èvôià’isTov) dans ses entrailles, il l’engendra avec sa Sagesse (l’EspritSaint), le proférant avant toutes choses ; « il se servit de ce Verbe comme de ministre dans ses œuvres et par lui il a tout créé. Plus loin, ibid., 22, « le Verbe de Dieu est aussi son Fils (non à la façon des fils de dieux païens), mais comme Verbe toujours immanent (i/o’.âbjTov) au cœur de Dieu. En effet, avant que quoi que ce soit fût fait. Dieu l’avait pour conseiller, puiscpi’il est son intelligence et son jugement. Mais lorsque Dieu voulut faire ce qu’il avait décrété, il engendra ce Logos et le proféra au dehors (iyé’/yri<7t irpo^popi/dv), premier-né de I toute la création (ce qui montre encore une fois qu’il s’agit de la génération du Verbe en lui-même, non en image cosmique). Cependant, il ne se privait pas par là de Verbe, mais il l’engendrait, restant toujours

1 avec lui. » Suit la citation de Joa., i, 1-3.

1

I Pour infuser à ces textes un sens orthodoxe, on

recourt d’abord au concept d’une génération métai phorique de l’idée divine dans le monde, puis à l’appropriation de cette idée au Verbe : cela est théologiquement exact, voir t. iii, col. 2126-2127, et, très confusément senti, cela put aider à lancer les apologistes sur la voie de leurs théories. Mais il y a autre chose dans leurs textes, nous l’avons noté plusieurs fois. Si l’on dit que leurs principes substantiellement orthodoxes ne peuvent supporter de pareilles conclusions erronées et imposent donc le traitement des textes, indiqué plus haut, quoiqu’il soit subtil, il faut répondre, par exemple, avec A. d’Alès, toc. cit., « que le procédé est généreux, mais pas assez scientifique, et que, vu les lacunes et les erreurs de la philosophie (platonicienne ) des apologistes, vu surtout leur logique imparfaite et la difficulté de leur travail, il faut s’attendre sans trop de peine à trouver aussi des lacunes, des incohérences, des erreurs même dans leur théologie, malgré leur foi substantiellement intègre. »

Le Verbe, éternellement Verbe, a donc été engendré d’une façon spéciale au moment de la création, pour la création et ainsi il devint Fils ; non pas qu’il faille distinguer deux Verbes chez les apologistes, comme le pensa Petau, De Trinilale, 1. III, c. vi, mais deux états du même Verbe. Voir plus haut. Nous avons dit aussi que la génération du Verbe est une vraie génération, non une production, ni une création, nonobstant le texte des Septante de Prov., viii, 22, cité par ces écrivains. Leur Verbe, éternel, de nature vraiment divine, vraiment engendré et Fils de Dieu, Dieu de Dieu et (en comparaison) lumière de lumière, est donc radicalement distinct du Verbe arien, bien que, par un autre côté, il semble conduire logiquement au Verbe semi-arien.

Ce Verbe éternel était-il, avant sa génération, distinct du Père ? Petau l’avait nié et Harnack l’a suivi, op. cit., p. 491. A la vérité plusieurs expressions sont bien équivoques : « intelligence, jugement, sagesse, puissance rationnelle du Père, » attributs divins absolus ; cependant du moins pour le Verbe Fils de Dieu, les apologistes ne sont certainement pas sabelliens ; et même pour le Verbe éternel, lorsque son identification avec Dieu le Père semble affirmée, cela