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FILS DE DIEU


ciale qu’il se place, lui, si humble, en dehors de toutes les catégories de créatures, fussent-elles des Moïse, des Jonas, des David, des anges — bien plus, et c’est cela qui est remarquable, d’une façon tellement propre et personnelle qu’il semble souvent faire sortir de son essence même et de sa propre individualité ces pouvoirs pourtant certainement divins : pouvoir absolu sur toute la nature physique inanimée ou animée, sur les âmes, sur les démons, sur les légions des bons anges, et de plus faculté de communiquer cette puissance à ses disciples pour qu’ils l’exercent en son nom ; pouvoir de législateur qui en son nom réforme les lois divines de Jahvé ; pouvoir de sanctificateur qui en son nom remet les péclics, comme si les péchés étaient des dettes dues à lui-même, et de plus, de nouveau faculté de communiquer ces pouvoirs à ses disciples ; pouvoir de fondateur de religion qui semble se constituer lui-même, aussi bien que Dieu le Père, le centre de toute cette religion, alors que la tendance de tous les prophètes fut toujours de s’efiacer le plus possible devant Dieu, centre de foi en qui il faut croire, centre d’espérance de qui il faut tout attendre, centre de charité qu’il faut aimer par-dessus tout, centre total, en un mot, de vie religieuse et morale ; pouvoir de juge universel qui, assis à la droite de Dieu, fixe le sort éternel de tous les hommes et cela d’après l’attitude prise par chacun devant le Christ, et lorsque toute l’ancienne révélation et toute la tradition judaïque faisaient du jugement universel une prérogative de Dieu en personne ; pouvoir enfin sur l’Esprit même de Dieu, sur l’Esprit-Saint qui certainement est quelque chose (quelqu’un) de Dieu lui-même.

Tout cela est certainement très suggestif, il n’y aurait rien de plus dans l’iïvangile historique, que cela sufiirail pour nous faire dire que la illvinitô de Jésus-Christ n’est pas une pure pensée de foi (subjective), mais une induction historique sérieuse. En tout cas, cela suffit pour nous introduire dans cette atmosplière évangélique céleste où se meut le Christ, où il faut s’élever pour mieux comprendre les déclarations plus explicites que nous allons étudier.

b. Écartons en route quelejues nuages que les ariens de tous les temps se sont en vain efforcés de orossir pour assombrir notre foi. On objecte d’abord les multiples imperfections liumaines par lesquelles Jésus-Christ était en tout semblable à nous (sauf le péché) ; mais qui ne voit que cela ne ferait difficulté que pour des docètes ; nous croyons à l’iiumanité très réelle de Jésus ; et par conséquent Jésus peut souffrir, prier, adorer, obéir, se soumettre aux lois physiques, psychologiques et sociales (en dehors du miracle), etc., cela ne prouve pas qu’il n’y ait pas en lui, avec l’humanité, la divinité. On exagère donc lorsqu’on voit un mystère profond dans les cris de prière et d’adoration de Jésus vers son Père, car il prie et adore comme tous les hommes ; on ne veut pas sans doute faire prier et adorer et obéir Jésus en tant que Dieu ; le pouvoir d’agir est un en Dieu et faire adorer le Père par le Fils, ce serait faire Dieu s’adorer lui-même ou se prier : ce qui n’a pas de sens. Cf. Lebreton, op. cit., p. 232. Ensuite on oppose que]ques textes où le Christ semble se distinguer absolument de Dieu : Marc, x, 17-18, par exemple, dans lequel il refuse d’être appelé bon, car Dieu seul est bon ; mais cette répartie ne fait sans doute que repousser une grossière flatterie, Lel>reton, op. cit., p. 234-235 ; Dalman, Die Worte Jesii, p. 277, ou mieux peut-être ne vise qu’à exciter la réflexion d’une âme superficielle : Pourquoi donc m’appelles-tu bon ? Songe que Dieu seul est bon, la bonté définitive ; viens-tu à moi pour aller à Dieu ? Quelques textes encore qui seniljlent limiter la science du Fils divin lui-même par ignorance

ou par erreur : par erreur, dans les annonces d’une parousie prochaine, Marc, xiii, 1-31 ; Matth., xxiv, 1-35 ; Luc, XXI, 5-33 ; par ignorance sur le jour du jugement, Marc, xiir, 32 ; mais nous ne traiterons pas ici cette question de la science du Christ : elle est en effet christologique et nous l’écartons simplement, voir Jugement dernier, Agnoètes, t. i, col. 587 sq. ; en toute hypothèse, on ne peut discuter que de l’erreur ou de l’ignorance de l’humanité du Christ ; si en Jésus se trouve de plus la divinité, évidemment celle-ci ni ne peut errer ni ne peut ignorer ; qu’il y ait cette divinité en Jésus, de nouveau donc c’est à voir par d’autres textes. Et si l’on veut insister sur le mot neqiie Filins du texte, nous dirons que ce terme, même dit ainsi absolument, désigne tout le Christ, puisque pour tous le Christ n’est qu’une personne : c’est mettre en lui deux personnes que de mettre deux façons d’être fils, deux filiations, voir Adoptianisme, t. i, col. 408 ; sous ce vocable absolu « le Fils » , on peut donc entendre le Christ même en tant qu’homme. Enfin on insiste sur la réserve avec laquelle Jésus-Christ a parlé de sa personnalité intime : il n’a jamais dit clairement : Je suis Dieu, et il aurait dû le faire ; donc il n’est pas Dieu. Mais qui a jamais pu se persuader sincèrement que Jésus, pour les multiples desseins de sa mission et dans les circonstances qui l’entourèrent, ne pouvait s’imposer aucune réserve, toutes les réserves qu’il s’imposa ? Cf. M. Lepin, op. cit., p. 364-372. Il s’agit, d’ailleurs, de réserve, non de silence absolu, c’est-à-dire de claire et certaine révélation, mais piiidemment ménagée, pour obtenir plus sûrement l’effet désiré d’Illumination et de foi ; en sorte que ces réserves qu’on objecte deviennent un des traits les plus admirables de la divine sagesse de l’Honune-Dieu, comme leur narration est un des cachets les plus certains de la sincérité et de l’historicité des récits évangéliques.

b) Le Fils de Dieu d’après les Sijnopliques. — -Nous allons résumer les résultats des travaux indiqués à la bibliographie, y renvoyant pour les développements et les discussions. Pour les témoignages distincts des affirmations de Jésus, nous nous servirons aussi du quatrième Évangile. Ce n’est pas le Nouveau Testament qui a révélé en Dieu la paternité : cet amour de bonté qu’il a pour des êtres qui sont quelque chose de lui-même et cela même à l’égard des âmes individuelles (du moins des justes). Voir plus haut, col. 2360. Mais, de secondaire et d’effacé qu’il était, cet aspect de Dieu est devenu par Jésus-Christ central, essentiel, en un sens la substance de la religion évangélique, et a été mis en plein relief. Cf. J. Lebreton, op. c(7., p. 211-215 ; F. Prat, La Ihéologie de saint Paul, t. ii, p. 205-207. Mais c’est une erreur de prendre cette vérité comme l’essence exclusive d’un christianisme abstrait, comme le fit A. Harnack dans ses conférences sur L’essence du christianisme, tr^id. franc., Paris, 1902. Dieu est notre Père et nous sommes ses enfants, mais cela, de fait, n’est intelligible et réel et pratique qu’en fonction des premières relations fondamentales de paternité et de filiation qui existent entre le Père et le Fils qui est Jésus-Christ (voir Matth., xi, 27 ; Luc, x, 21-xxii, 20 ; Matth., xxviii, 18 ; Marc, viii, 38 ; Matth., XVI, 27 ; Luc, ix, 26 ; cf. Dalman, Die Worle Jesu, p. 231), en fonction d’exemplarité, de mérite, de participation efficiente et de finalité ; tout cela est explicite dans saint Jean, dans saint Paul, etc., mais tout cela est implicite déjà dans l’enseignement synoptique, la suite de cette étude le montrera pour une bonne part.

a. Brève cnuméralion des texles dans lesquels Jésus-Christ est dit Fils de Dieu. — a. Parmi ceux qui appelèrent Jésus fils de Dieu nous remarquons Satan