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lui soil si intimement unie ; mais cette divinité qu’il a en lui, qu’il est, Jésus priant, obéissant la considère pourtant le plus souvent dans son Père ; il est Dieu et pourtant distinct de son Père qui, lui aussi, est Dieu ; il est Dieu comme Fils en sorte qu’évidemment Jésus affirme dans la même unité absolue de la divinité des distinctions réelles de Père et de Fils (et puis d’Esprit d’amour).

La révélation du Fils de Dieu en Jésus-Christ s’intègre donc de ces deux affirmations : Jésus est Dieu et Jésus est distinct du Père qui, lui aussi, est Dieu.

Personnalité distincte du Fils de Dieu.

Il

semble inutile de s’arrêter sur ce point et de s’appliquer longuement à montrer que le sabellianisme n’est ni enseigné ni suggéré par aucun écrit du Nouveau Testament, malgré les insinuations de J. Réville, Le quatrième Évangile, p. 257 ; d’A. Loisy, Le quatrième Évangile, p. 106 ; de J. H. Holtzmann, Neutestamentliche Théologie, t. ii, p. 463-465, pour saint Jean ; d’A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, Ccffonds, 1907, 1908, pour les autres Évangiles ; d’A. Sabatier, L’apôtre Paul, 3e édit., Paris, 1896, p. 366, pour saint Paul. Non seulement en Jésus-Christ, mais en lui-même, lorsqu’il s’agit de son existence divine, le Verbe, le Fils, le Seigneur sans aucun doute possible est distinct de Dieu le Père et distinct réellement : réellement distingué d’après les Synoptiques par ce seul nom de Fils que lui donne le Père pendant son baptême, Matth., iii, 17 ; Luc, iii, 22, et qu’il se donne lui-même, par exemple, dans la parabole des vignerons homicides, Marc, xii, 1-9, dans l’annonce du jugement, Marc., xiii, 32, dans l’affirmation de son intimité intellectuelle transcendante avec le Père, ILatth., XI, 25-27 ; Luc, x, 21-22, enfin dans la formule trinitaire du baptême, Matth., xxviii, 19 ; réellement distinct d’après saint Jean qui le contemple logos monogène dans le sein du Père, i, 1, 18, car il y aurait absurdité à imaginer un être engendré dans son propre sein ; d’après saint Jean encore qui l’a entendu se dire le Fils envoyé par le Père dans le monde, iii, 16 ; v, 24 ; xii, 45-49, etc., possédant tout ce que possède le Père, mais parce qu’il l’a reçu de lui, v, 17-26 ; x, 37-38 ; xiv, 6-11 ; xvi, 15 ; xvii, 10, etc., en particulier ayant reçu du Père de donner à l’Esprit-Saint et de l’envoyer consolateur et inspirateur après son départ, xiv, 26 ; xv, 26 ; xvi, IS-IS, etc. ; réellement distinct dans saint Paul, dont il suffirait de citer les multiples formules trinitaires, cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. ii, p. 198-205, 218-220, ou les inscriptions « dualistes » répétées, II Cor., i, 3 ; Eph., i, 3, etc., ou mieux enfin les textes que nous étudierons plus tard sur la « forme divine » du Christ, propre Fils de Dieu, Rom., i, 1-4 ; v, 10 ; VIII, 3, 32 ; I Cor., i, 9 ; Gal., iv, 4-6 ; Col., i, 13, 15 ; Eph., I, 6 ; Phil., ii, 5-10, etc., réellement distinct enfin dans la foi de toute l’Église primitive : formules trinitaires de Act., ii, 32-39 ; v, 31-32 ; x, 36-38 ; xi, 15-17 ; I Pet., Il, 3 ; élévation du Christ à la droite de Dieu, Act., II, 34-3 ; vii, 55-57, d’où il envoie l’Esprit-Saint promis, Act., ii, 33, uapà xoO 7t3tTp.oç, etc. Considérons donc ce point comme acquis définitivement : Jésus, même lorsqu’il est revêtu, dans les écrits du Nouveau Testament, de ces attributs qui le font pénétrer dans le sein même de la divinité, y reste distinct de son Père : ainsi est révélée la dualité divine comme disait saint Épiphane. D’ailleurs, si le Verbe, le Fils de Dieu en Jésus-Christ, est réellement distingué du Père, ce que personne n’oserait nier, et si là du moins il ne peut plus être considéré simplement comme une modalité de l’action divine, ne semblet-il pas évident que cette incarnation exclusive présuppose et ne fait pas la distinction réelle du Fils

et du Père ? Comment concevoir le Logos -Dieu seul s’incarnant sans que Dieu le Père s’incarne si les deux sont une même réalité ? Lespatripassiens étaient plus logiques et n’admettaient aucune distinction entre le Fils et le Père même après l’incarnation.

Divinité de Jésus-Ctvist.

Mais est-il bien sûr

qu’à Jésus-Christ soient donnes ces attributs strictement divins qui font de lui vraiment un Dieu, le Dieu unique de l’absolu monothéisme ? C’est ce qu’il importe de constater.

1. Enseignement de Jcsus-Clirist d’après les Synoptiques. — Il s’agit bien de l’enseignement de Jésus-Christ, et non de l’évolution de la conscience de Jésus-Christ qu’ont tente arbitrairement d’exposer la plupart des critiques rationalistes jusqu’en ces derniers temps, cf. M. Lepin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, p. 170-246, avec si peu de succès qu’on commence de tous côtés à en être rassasié. Voir J. Lebreton, op. cit., p. 216-217. Nous ne voulons pas davantage étudier l’évolution de la foi de ses disciples au Fils de Dieu, J. Lebreton, op. cit., p. 217, comme si les Évangiles ne témoignaient que de cette foi de leurs auteurs. Nous prenons les Évangiles comme des témoins authentiques et sûrs de l’enseignement de Jésus lui-même, que nous voulons étudier, même le quatrième Évangile. Cf. M. Lepin, La valeur historique du quatrième Évangile, Paris, 1910, t. ii, spécialement c. VI, p. 303-327 : J. Lebreton, op. cit., p. 374382.

a) Le Messie ayant des pouvoirs divins. — Nous avons distingué déjà plus haut, col. 2353, les notions de Messie et de P^ils de Dieu. Dieu aurait pu établir la forme dernière de la religion humaine par un saint, par un docteur, par un thaumaturge, par un rédempteur même (rachetant l’humanité coupable de congruo, non de condigno), par un roi créé de la cité éternelle, par un Messie en un mot, en prenant ce mot dans son sens plénier, qui n’aurait été qu’un homme, une pure créature, la première de la création. Il faut donc certainement déclarer insuffisants, comme preuves de la divinité de Jésus-Christ, ces arguments pourtant si souvent répétés par les apologistes, les orateurs, les théologiens, etc., de sa doctrine sublime, lumière du monde ; de sa sainteté imi aculée et ineffable et unique ou même enfin de ses pouvoirs merveilleux de législateur, de purificateur des âmes, de juge universel, de soutien perpétuel de son Église et de riiumanité, etc. Cf. Am ; du clergé, 1911, p. 121 sq. Tout cela, en effet, est, en fait, dans l’humanité du Christ et donc n’est pas formellement divin ; dans cette humanité, tout cela, en fait, est disposition de convenance ou mieux fruit de l’union hypostatique divine, mais celle-ci n’en est pas l’unique principe possible, et si nous parlons de puissance absolue, la chose est évidente.

a. Il ne faut pas nier cependant que le mode suivant lequel tout cela est attribué à Jésus -Christ n’enferme quelques indications plus ou moins claires de sa personnalité surhumaine, transcendante, divine. On trouvera développées ces indications, et souvent trop sollicitées, dans toutes les études de la div’.nité de Jésus-Christ. Voir deux bonnes mises au point chez M. Lepin, op. cit., p. 267-281 ; et surtout J. Lebreton, op. cit., p. 217-242 : cf. aussi W. Sanday, Son of God, dans Dictionary of the Bible ; Freppel, La divinité de Jésus-CIvist ; F. Hettinger, Apologie du cliristianisnic, trad. Jeannin, Paris, t. ii, c. xviii, p. 421-485 ; A. Nicolas, Jésus-Christ, Paris. 1875, etc. En résumé, le Christ s’attribue les pouvoirs les plus extraordinaires, les plus divins, ceux énumérés plus haut et d’autres encore — et cela non d’une façon purement accidentelle, comme en reçurent les prophètes et les thaumaturges ordinaires — mais d’une façon tellement spé-