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FILS DE DIEU


mal opposé à l’action organisatrice divine ; et puis il y a l’iiilluence de Dieu, du logos, des puissances, devenue force, germe, logos particulier, Plutarque, De def. oracul., 29, 37 ; celui-ci dans chaque être combat pour l’ordre divin. Le logos finalement triomphe, mais ne gouverne pas tout et n’impose pas à la matière tout ce qu’il veut. On retrouvera ces principes dans la théologie trinitaire du gnosticisme.

Qu’est-ce en réalité que ce logos et ces puissances ? Lorsque ces écrivains parlent mythologie, ils disent, à l’exemple des stoïciens, que ce sont les dieux audessous de Zeus ou mieux que les dieux du polythéisme ne sont pas autre chose que ce logos et ces puissances. Plutarque, De Isi et Osiri, 33, 50, 51, 55, 61. Lorsqu’ils parlent sans figures, décrivent-ils de vrais agents intermédiaires personnels ou des abstractions de forces, divines dans leur source, mais réalisées en dehors de Dieu dans le seul être sensible ? Cela spécialement pour le logos ? La chose n’est pas toujours très claire, nous ferons la même constatation chez Philon ; mais de plus en plus on personnifiera ces forces divines intelligentes pour en faire un monde divin hiérarchisé de vrais intermédiaires philosophiques et religieux entre Dieu et l’homme (néo-platonisme). Cette conception rationnelle fut appliquée à la mythologie, nous l’avons dit ; nous allons la voir essayer de s’appliquer aussi à la dogmatique juive (Philon), puis à la dogmatique chrétienne (gnosticisme et, dans un degré très mesuré. Pères apologistes).

J. Lebretoii, op. cit., p. 41-73, et trois arlicles dans les Éludes, 1906, t. cvi, p. 5t sq., 310 sti-, 704 scj. ; M. Heinze, Die Lehrc von Lot/os in der griecliiclien Philosophie, Oldenbourg, 1872 ; A. Aal, Geschiclile der Loijosidee in der griechichen Philosophie, Leipzig, 1896 ; E. Zcller, Die Philosophie der Griechen, 3° édit., Leipzig, 1880, t. ni ; E. Caird, The évolution of theology in the Greek phUosophij, Glascow, 1904, t. Il ; R. Reitzenstein, Pùimandrcs, Stud. zur griech. iiggpt. und friilicluisll. Lilteratur, Leipzig, 1904 ; E. Krebs, Der Logos als HeiUmd. l’rihourg-en-Brisgau, 1910, et les ! éludes sur 1? Logos de Philon ou de saint Jean. 1

2. Philon.

Sans avoir beaucoup de génie, ni peut-être m ?me beaucoup de talent, Philon a beaucoup écrit ; il a écrit au plus beau moment de la spéculation gréco-judaïque, au moment où Jésus allait parler lui aussi en Palestine, et surtout ses ouvrages ont eu la chance de survivre à peu près seuls de cette nombreuse littérature qui naquit de l’union de la pensée juive et de la pensée grecque. De cette union Philon n’est pas le créateur, m.iis le principal, l’unique témoin pour nous. Or, les histoires rationalistes aiment à voir dans cette union, qui histori-quement était fatale, la source première, sinon de la religion, du moins de la dogmatique chrétienne. Cf. B. Allô, U Évangile en face du.syncrétisme païen, Paris, 1910. De là l’importance accordée à Philon, importance toute relative comme on le voit. Dans Philon, à ce point de vue, aucune doctrine n’est plus fondamentale que celle du logos.

Pour les généralités, voir Alexandrie (École juive, École chrétienne : le milieu, les doctrines), t. i, col. 803-809. La bibliographie dcPliilon et en particulier de son logos est immense ; jusqu’en 1898 on trouvera un répertoire très détaillé et colossal dans E. Schiirer, Gt'.sc/iic/i/c des jUdischen Volkes, t. iii, p. 487, 542 ; jusqu’en 1908, dans E. Bréhier, Les idées philosophiques et religieuses de Pliiton d’Alejcandrie, Paris, 1908 (10 pages dans l’introduction). Nousdonnons ici d’abord les éludes les plus importantes : J. Lebreton, op. cit., p. 183-205, et article des Études, 1906, p. 764-795 ; J. Drunimond, Philo Judieus or the Jevish-Alcvandrian philosophtj, in ils développaient and completion, 2 vol., Londres, 1888, t. II, p. 156-273 (de l’avis commun, la plus complète et la meilleure étude parue) ; du même, l’art. Philo, dans le Dictionary o ; the Bible, Extravolume, § 6, 7, p. 203-207 ;

E. Scliiirer, op. cit., t. iii, p. 542 sq. ; E. Zeller, Die Philosophie der Griechen, t. iii, p. 371-386 ; M. Heinze, Die Lehre von Logos in der griechichen Philosophie, Oldenbourg, 1872, p. 204-298 ; A. Aal, Gescliichte der Logosidce in der griechichen Philosophie, Leipzig, 1891 ;, p. 184-231 ; C. Siegfried, Philo von Ale.vandrien als Ausleger des A. T., léna, 1875, p. 219-230 (ouvrage capital malgré quelques vues systématiques, dit F. Prat) ; Gfrorer, /^/1170 und die Alexandrinische Tlieosophie, 2 in-8°, Stullgart, 1831-1835, t. i, p. 168-236 ; Dàhne, Gcscltiditliche Darstellung der jiidiscli. alexandrinischen Religions-philosophie, 2 in-8°, 1834. On pourra consulter encore.J. Réville, Le logos d’après Philon d’Alexandrie, Genève, 1877 ; H. Soulier, La doctrine du logos chez Philon d’AlcJcandrie, Turin, 1876 ; H. Bois, Essai sur les origines de la philosophie judéo-alexandrine, 1890 ;

F. Horovitz, Untcrsiichungen iiber Pliilons und Platons Lehre der Weltschôpliuig, Marbjurg, 1900 ; Elw. Caird, Ths évolution of theology in the Greek philosopliers, Glasgow, 1904, t. II, p. 184-209 ; Edcrsheim, Philo, dans le Dictionary of Christian biography, t. iv, p. 377 sq. Enfin on trouvera de bons résumés à divers points de vue dans.T. Tixeront. Histoire des dogmes, t. i, p. 53-56 ; du même, une des Conférences apologétiques, données à Lyon, la ix' sur La divinité de Jésus-Christ et son origine grecque, Paris, 1910, p. 329-336 ; F. Prat, Logos, dans le Dictionnaire de la Bible, t. IV, coi. 325-327 ;.M. Louis, Doctrines religieuses des philosophes grecs, Paris, 1909, p. 262-267 ; E. Bréhier, op. cit., en, Le Logos. p. S3 sq. ; Martin, P/iiton, Paris, 1907.p.75sq. ; Hackspill, Études sur le milieu religieux et intellectuel du N. T., dans la Revue biblique, 1901, p. 379-383 ; on consultera enfin les études sur le Logos évangélique.

a) Philon dépend essentiellement de ses sources qui sont, avons-nous dit, le judaïsme (extracanonique palestinien, voir col. 2363 sq., et canonique, avec les deutérocanoniques sapientiaux, en particulier. Ecclésiastique et Sagesse) et l’hellénisme que nous venons d'étudier. Philon est-il plus juif que philosophe grec ou vice vcrsa’l II est l’un et l’autre à peu près aussi complètement, cf. M. Louis, loc. cit. ; M. Friedlander, Geschichle des jiidischen Apologie, c. vii, p. 437-499, attendu que pour lui judaïsme et hellénisme ne sont que deux formes d’une m ?me ; révélation du logos. Pour trouver cette unique révélation sous ces deux formes, il suffit de savoir se servir de ce merveilleux instrument qu’est l’allégorie. Dans l’hellénisme, d’après l’ancienne opinion traditionnelle, Philon s'était surtout assimilé le platonisme, cf. Horovitz, op. cit. ; par exemple, Eusébe, II. E., 1. II, c. IV, P. G., t. XX, col. 148 ; plus récemment on a mis surtout en relief son stoïcisme. Cf. Lebreton, op. C17., p. 194-199 ; Éludes, W06, p. 772-775 ; E. Bréhier, op. cil., p. 252-259 ; Zeller, op. cit., t. v, p. 385 ; Heinze, op. cit., p. 238 ; Schûrer, op. cit., p. 557 ; A. Aal, op. cit., p. 223, etc. Il faudrait dire, nous semble-t-il, que chez Philon la religion est juive avec ses vérités fondamentales sur l'âme, sur l’autre vie, sur les rapports de l’homme avec Dieu, péché, grâce, etc., surtout sur Dieu ineffablement transcendant, mais aussi très personnel, l’Infini simple, libre, immuable, toute perfection, providence, etc., cf. Lebreton, op. cit., p. 159-172 ; chez Philon ensuite est platonicienne la métaphysique et donc la substance intime de sa pensée : spirilualisme ; dualisme de Dieu (d’un Dieu universaliste et d’une transcendance métaphysique plutôt que morale) et de la matière opposée à Dieu (et pourtant créée par lui ? voir Création, t. iii, col. 2053) ; idéalisme exemplariste poussé jusqu’au dualisme du monde sensible et du monde intelligible ; finalisme du bien et pour l’homme de la béatitude personnelle dans l’union avec Dieu, etc. Enfin la physique philonienne : cosmologie et psychologie des facultés, ainsi que l'éthique particulière, sont stoïciennes.

Tout cela s’applique immédiatement au logos qui est à la fois pour Philon une réalité religieuse, métaphysique, cosmologique, en un sens psychologique et