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FILS DE DIEU


que cette vérité soit vraiment signifiée par ce texte, ou qu’elle ait été vraiment dite par l’auteur du texte. A fortiori, cela est vrai s’il ne s’agit que d’application accomniodatice.

Or, pour le doome trinitaire, et la divinité du Messie en particulier, les textes sont nombreux qui ont été invoqués et qui sont CTicore invoqués comme révélateurs et qu’il faudra désormais laisser de côté en faisant plus attention aux principes que nous venons d’analyser. On sait, en elïet, que certains attributs divins absolus sont appropriés aux personnes divines. S. Thomas, Sum. iheol., I’, q. xxxix, a. 7, 8. Mais l’appropriation suppose connue la distinction des personnes et ne se comprend qu’après cette connaissance. Les textes qui parlent d’attributs absolus, comme de la sagesse, de la parole créatrice, de la vertu sanctificatrice, etc., ne sont donc pas des textes révélateurs de personnes distinctes en Dieu. Voir Appropriation, t. i, col. 1708 sq.

Bien plus, il faut distinguer enfin avec soin les personnifications des personnalités. Une personnification en Dieu est la description d’un attribut en soi absolu, comme la sagesse, sous forme de personne ; mais comme, par hypothèse, il ne s’agit encore que d’un attribut absolu, cette personnification elle-même ne constitue pas l’affirmation d’une vraie personnalité. Cela est surtout vrai du style biblique où la personnification est une figure très exploitée en toute matière. Cependant, notons qu’après révélation directe, faite ailleurs, nous pourrons légitimement voir en certaines personnifications l’intention divine de décrire une personnahté par des appropriations. Si les patriarches et les prophètes eurent cette révélation directe spéciale, ils pouvaient faire comme nous, soit pour les personnifications, soit pour les expressions générales, confuses, virtuelles.

Dans l’étude critique de l’Écriture, il faudra donc chercher les textes qui contiennent formellement la révélation d’une personnalité distincte en Dieu, c’est-à-dire d’un « subsistant réellement distinct, dans la possession de l’unique nature divine intelligente et aimante » et de ce subsistant, de cette personne qu’on appelle le Fils de Dieu.

Livres historiques.

Laissant de côté les textes

qui font une allusion plus ou moins certaine à une pluralité de personnes divines en général, Gen., i, 26 ; III, 22 ; XI, 7, etc., ou même à une trinité, Gen., xviii-xix, 28, etc., nous examinerons les théophanies de l’ange de Jahvé, première manifestation, d’après beaucoup d’interprètes anciens et modernes, du Fils de Dieu.

1. Les faits et les textes.

Le Seigneur apparaît

fréquemment dans l’histoire juive aux patriarches, à Moïse, aux juges, sous la forme d’un être mystérieux qui se donne comme Jahvé lui-même et qu’on appelle pourtant le male’âk Jahvé, le messager, l’ange de Jahvé. Comme ange ou envoyé, il semble se distinguer évidemment de celui qui l’envoie ; et cependant il porte son nom inconununicable ; il exerce des pouvoirs divins, il reçoit des adorations dues au seul Être suprême.

Il est ainsi décrit dans l’épisode d’Agar, Gen., XVI, 7-14 : « L’ange de Jalivé lui dit… » et plus loin : « Agar donna à Jahvé qui lui avait parlé le nom de Atta-El-Roï [vous êtes un Dieu de vision], car elle avait dit : Ai-je donc ici même vu le Dieu qui me voyait ? » Cf. xxi, 17-19. Dans l’épisode du sacrifice d’Isaac, xxii, 11-14, c’est de même l’ange de Jahvé qui arrête le liras d’Aliraham en lui disant : « Je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils… » Cꝟ. 15-18. A Jacob aussi Dieu apparut à Béthel, lui disant, (îen., xxviii, 12-19 : « Je suis.Jahvé, le Dieu d’Aljraham or jilus loin.

XXXI, 11-13, c’est l’ange de Dieu qui lui apparaît et lui déclare : « Je suis le Dieu de Béthel. » Cf. Ose., XII, 4-6. Voir encore Gen., xxxii, 24-32 ; mais il faut laisser Gen., xlviii, 16, car il faut y lire sans doute melek (roi) au lieu de male’âk et ainsi.Jacob bénit son Dieu-roi sauveur, non son Dieu-ange.

A son tour. Moïse vit le Seigneur, Exod., iii-iv, 17, la première fois dans le buisson ardent où Dieu se définit par ce nom transcendant : « Je suis Celui qui suis…, Celui qui est ; » or celui qui apparaissait et parlait ainsi, c’était l’ange de Jahvé. Exod., iii, 2 (d’après l’iiébreu). Cf. Act., vii, 31-35. Dans le désert, après l’adoration du veau d’or, Jahvé ne veut d’abord plus accompagner lui-même son peuple, mais seulement envoyer devant celui-ci son ange. Exod., xxxii, 30-xxxiii, 3. l’nis, après la prière de Moïse et la pénitence du peuple, Jahve promet que « sa face » ira avec eux, xxxiii, 12-17. La face de Jahvé, est-ce l’ange lui-même promis ici et plus haut, xxiii, 20-27, celui « dans lequel est mon nom, » et cet ange est-il Jahvé en personne ? Cf. Is., lxiii, 9 (l’ange de la face = Dieu) ; Num., x, 33 ; xii, 4 sq. ; voir dans ce sens les notes de la Bible de Crampon. Ou ne faut-il pas distinguer nettement l’ange, de Jahvé lui-même qui se renferme dans le tabernacle, Exod., xxxiii, 711 ; ou de sa face, c’e.st-à-dire de sa présence personnelle ? Cf. J. Lagrange, loc. cit., p. 215 ; J. Lebreton, op. cit., p. 109, notes 2 et 3.

Enfin, sans plus de détails, on trouve la même identification certaine de Jahvé avec son ange, dans l’histoire de Balaam, Num., xxii, 22-35 ; xxiii, 4-12 ; de Josué, Jos., v, 13-vi, 2 ; de l’établissement d’Israël en Chanaan, Jud., ii, 1-5 ; puis des juges comme Gédéon, Jud., vi, 11-24, et Samson, xiii, 21-22 ; peut-être encore dans Ps. xxxiii, 5-11 ; dans Zacli., m, 2, il faut sans doute lire l’ange de Jahvé, comme au verset 1, au lieu de Jahvé.

En un très grand nombre d’autres textes, l’ange envoyé par Dieu pour diverses missions est franchement distingué de lui, par exemple, Gen., xxiv, 7 ; Num., XX, 16 ; II Sam., xxiv, 16-25 ; I Par., xxi, 15-30 ; I Reg., XIX, 5-7 ; II Reg., i, 15-16 ; xix, 35 ; Is., xxxvii, 36. Chez les prophètes d’après l’exil surtout, Dieu plus transcendant se distingue très nettement des anges ses médiateurs auprès des hommes et spécialement auprès des voyants. Zach., i, 10, 12 ; iii, 1, 2. Cependant, pour clore le prophétisme hébraïque, Malachie, iii, 1, identifie de nouveau « l’ange de l’alliance » avec Jahvé lui-même, semble-t-il. INIais cet ange de l’alliance est bien différent de l’ange messager dont parle le même verset et auquel ressemblerait plutôt le male’âk Jahvé des anciens.

2. Interprétations de ces faits et de ces te.ttes. — a) Philon commença à identifier le Logos avec l’ange de Jalivc, par exemple. De cherubim, 3 (ange d’Agar), édit. Mangey, t. i, 139 ; De somniis, i, 226 (ange de Jacob), t. i, p. 655 ; Quis rer. divin, hæres, 201, 205 (ange de l’Exode), t. i, p. 501, etc.

Après lui, la plupart des Pères reconnurent semblablement dans l’ange du Seigneur l’apparition personnelle du Verbe lui-même qui préludait dès lors à ses communications familières avec les hommes. Les textes ont été rassemblés et étudiés par Petau et récemment par dom Legeay, loc. cit. Nous nous bornerons à mentionner S.Justin, Dial. cnm Tryphone, 57-60, P. G., t. VI, col. 605-613 ; Novatien, De Trinitate, n. 18-20, P. L., t. III, col. 918-927 ; S. Irénée, Conl. hser., 1. IV, c. v-vii, P.G., t. vii, col, 983 -993 ; S. Cyrille de Jérusalem, C « /., xiv, 27, P. G., t. xxxiii, col. 8*1 ; S.Basile. Co ; i/ ; a Eunomium, 1. II, 18, P. G., t. xxix, col. 609-612 ; S. Hhme, De Trinitate, 1. IV, 23-34, P. L., t. x, col. 113-121. Voir plus loin pour S. Irénée, S. llippolyte, Tertullien, Novatien, Origène, etc.