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FILS DE DIEU


DU Fils de Dieu

ANCIE.y TESTAMENT.

    1. FILS DE DIEU##


FILS DE DIEU. Il s’agit ici de théologie trinilaire et non ]ias de christologie ; on étudie la seconde personne de la sainte Trinité, comme telle, et non pas comme incarnée de fait en Jésus-Clirist : ce qui sera traité à l’art. Jésus-Christ, (x’tte étude se divise logiquement en trois parties : 1. Rés'élation progressive du Fils de Dieu dans la sainte Ecriture. II. Développement de la doctrine révélée en dogme défini pendant l'époque patristique. III. Théologie du dogme de la fdialion divine.

1. RÉVÉLATION PROGRESSIVE

DANS l'Écriture sainte. — /. — 1° Considérations générales qui s’appliqueront en partie au Nouveau Testament, mais qui valent surtout pour l’Ancien, — 1. Messie et Fils de Dieu. — Le Fils de Dieu s’est incarné : c’est Jésus-Christ ; et c’est là, dans ce fait raconté divinement à l’humanité, mieux que dans n’importe quel exposé tliéorique, qu’est la grande révélation du mystère des personnes divines. Cf. J. Lebreton, Les origines dn dogme de la Trinité, 2^ édit., Paris, 1910. p. xvi sq. Ce sont par conséquent les écrits inspirés du Nouveau Testament t(ui nous manifesteront l’existence et la personnalité du Fils de Dieu. Cependant l’Ancien Testament était une ombre du Nouveau, Col., ii, 17 ; Heb., x, 1 ; VIII, 5, et surtout sa préparation, Gal., iii, 24, c’està-dire en premier lieu la préparation de la personne et de l'œuvre du Messie. Rom., x, 4, 5. Le Christ, c’est le centre, la fin, la perfection, le tout de l’ancienne alliance. Cf. S. Thomas, Siim. llieoL, I » ir'=, q. xcviii, a. 2, 3 ; q. xcix, a. 6 ; F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 191'2, t. ii, p. 139-142, 148. Il ne doit donc pas être étonnant pour nous, il est très convenable à Dieu que l’Ancien Testament ait annoncé en prophéties, Luc., xxiv, 7, 25-27, 32, 44-45, et en figures, Rom., v, 14 ; I Cor., x, Isq. ; Heb., vii, etc., et puis préparé les voies du Christ rédempteur. Gal., III, 24 ; cf. S. Thomas, Sum. theoL, I" II", q. ci-civ.

Mais ce n’est pas maintenant le Messie comme tel que nous avons à considérer. Si, en effet, le Messie a été de fait le Verbe lui-même incarné, a priori, cela n'était pas nécessaire. Le Messie thaumaturge, docteur de la loi nouvelle, modèle sublime de sainteté, souverain pontife, roi du monde, aurait pu n'être qu’un homme. Le rédempteur même, si Dieu avait voulu se contenter d’une expiation des péchés, méritoire de congruo et non pas de condigno, ne devait pas être un Dieu incarné. Distinguer entre les notions de Messie et de Fils de Dieu est donc légitime, bien que, historiquement, nous le verrons, le Messie soit le Fils de Dieu. Cf. Billol, De Verbo incarnato, thés, xxx, coroU., et les tliéologiens qui traitent de la nécessité de l’incarnation, S. Thomas, Sum. theoL, III^, q. i, a. 2, ou des divers aspects de l’opération théandrique du Christ.

Cette distinction de notions montre que Dieu et les hommes ont pu parler du Messie, sans parler par le fait même formellement du Dieu incarné, à plus forte raison, du Fils de Dieu incarné, et il ne faut pas l’oublier eu interprétant les textes qui concernent le Messie Fils de Dieu.

2. Le Fils de Dieu dans l’Ancien Testament, au point de vue théologique. — Cependant, de nouveau, si le Messie est la fin de la loi ancienne et si le Messie est le Fils de Dieu, il est très raisonnable de supposer que cette loi ancienne contenait quelque ombre et quelque jirtparation du mystère même de la personnalité divine du Messie et donc quelque révélation du Fils de Dieu lui-même, et s’il est très douteux de trouver dans la révélation hébraïque une doctrine distincte de la Trinité, cf. J. Lebreton, op. cit., p. 441446 ; S. Thomas, Sum. theol., I-' II<', q. cLxxiv, a. 6, on peut dire que, du consentement unanime des

exégctes catholiques anciens et modernes, l’Ancien Testament contient une révélation suffisamment distincte, bien qu’encore obscure, d’une seconde personne en Dieu, Sagesse (Verbe, Fils de Dieu), et nous croyons que c’est une opinion catholique qu’on ne pourrait nier absolument sans témérité.

Le concile semi-arien de Sirmium (351) alla même

jusqu'à anathémaliser quiconque ne distinguerait pas

le Père du Fils dans les récits bibliques de la création

I et des théophanies, can. 14-18, dans S. Athanase,

[ P. G., t. XXVI, col. 737 ; mais cette définition n’a pas

évidemment de valeur dogmatique.

D’une façon générale d’ailleurs, la doctrine des Pères est fermement affirmative sur l’opinion que nous j appelons catholique ; on pourra en juger par la comj pilation de Petau, De Trinitate, 1. II, c. vu ; 1. VI, ! c. v, vi ; 1. VIII, c. II. On appréciera l’affirmation des théologiens dans Franzelin, De Deo trino, th. vi et vu ; des historiens du dogme, dans J. Lebreton, op. cit., p. 113-118 ; enfin des exégètes dans le R. P. Lagrange, La paternité de Dieu dans l’Ancien Testament, dans la Revue biblique, 1908, p. 493 sq.

Le sens traditionnel est bien rendu dans ces paroles de saint Épiphane : « L’unité divine a été surtout annoncée par Moïse ; la dualité (Père et Fils) a été fortement prêchée par les prophètes ; la trinité a été manifestée dans l'Évangile, ^> Ancoratus, 73, P. G., 1. XLiii, col. 153 ; cf. Hier., i.xxiv, t. xlii, col. 493 ; ou mieux encore dans celles-ci de saint Grégoire le Théologien : « L’Ancien Testament a clairement manifesté le Père, obscurément le Fils. Le Nouveau a révélé le Fils et a fait entendre la divinité de l’Esprit, » Orat. theol., v, 26, P. G., t. xxxvi, col. 161 ; cf. ibid., 25, col. 160 ; et saint Jean Chrysostome explique la raison de cette économ’e providentielle en montrant les Juifs enclins à l’idolâtrie et ne méritant pas par là « que le Fils de Dieu fût révélé par les prophètes d’une façon claire et manifeste, mais seulement d’une façon obscure et mesurée. En effet, tant qu’ils n'étaient pas entièrement débarrassés de l’erreur polythéiste, ils n’auraient pu entendre affirmer Dieu et Dieu, sans être replongés dans leur ancien égarement. » De incomprchens., v, 3, P. G., t. xlviii, col. 740. Cf. Tertullien. Adversus Praxeam, 31, P. L., t. II, col. 196 ; Esprit-Saint, col. 678-679.

3. Divers sens des textes trinitaires.

Avant de commencer le travail critique qui s’impose ici à la théologie, et pour éviter tout conflit inutile entre théologiens et exégètes, cf..1. Fontaine, Les infiltrations kantiennes et prolestanles, Paris, 1902, Préface, p. xiii-xvi, faisons d’abord nôtre, en lui donnant les compléments et les précisions nécessaires, une remarque esquissée plus haut, col. 678. Une vérité peut être contenue dans un texte de beaucoup de f.içons : c’est-à-dire d’une façon purement potentielle, allirmer Dieu, par exemple, c’est affirmer la Trinité ; o 1 d’une façon actuelle. Cette contenance actuelle à son tour est multiple ; elle est confuse : c’est ainsi que la notion d'être en général exprime tous les êtres particuliers, et que la notion de Dieu, principe et fin de l’ordre surnaturel, Heb., xi, 6, est la substance de tout l’objet de la foi : ou bien elle est déterminée, de détermination virtuelle ou formelle ; il y a détermnation virtuelle lorsque la vérité ne sort d’un texte qu’en recourant à un principe d’argumentation tout à fait étranger à ce te.xte, et détermination formelle lorsque la pensée est dans le sens immédiat et direct des paroles du texte et pas autrement. Le sens formel est explicite ou implicite, mais seul il est sens littéral et par conséquent seul il est base d’argumentation. Qu’une vérité puisse par conséquent être vue dans un texte, d’une façon quelconque, parce que ce texte est indéterminé, confus, générique, cela ne prouve pas