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FILLASTRE


obviandiiin prolerviæ et Tu, qiiisquis es, qui prælendis). On n’alla pas jusque-là.

Cette mesure pleine d’imprudence était sans fondement dans le droit comme dans la tradition, mais on retrouvait et on approuvait ainsi en pratique toutes les prétentions des docteurs de l'époque. Au fond, elle n'était à Constance qu’un expédient politique inventé pour neutraliser l’influence des prélats de second ordre, italiens pour la plupart, accourus en grand nombre au concile pour soutenir Jean XXIII. Plus tard, le concile de Bâle renouvellera cette expérience ; ce sera la source de son impuissance et la cause de sa révolte.

Le systènie de vote par tête, longtemps préconisé par les Italiens, fit place au groupement par nations, admis par les Allemands, puis par les Anglais et les Français. Ce n'était point pourtant l’avis de Guillaume Fillastre et de Pierre d’Ailly qui préféraient avec raison, comme plus équitable, le vote par province ecclésiastique.

Cependant, l’idée tle la triple démi-sion que le cardinal de Saint-Marc avait si à propos mise en c’rculation faisait un rapide chemin. Le 14 février, l’auteur fit parvenir à Jean XXIII un mémoire peu réservé et peu respectueux qui mettait le pape en demeure d’accepter la voie de cession. Après quelques hésitations, Pierre d’Ailly accueillit cette manière de voir (cédule inédite Bcnirjnissime Pater dans Keppler). La délégation de l’université de Paris, qui arriva à cette date avec Gerson, renforça le parti des deux cardinaux qui devint bientôt victorieux. Déjà le roi des Romains s'était rallié à cette opin’on de l’illastre et de d’Ailly, et dès lors les événements se précipitèrent. Le pape céda ; il fut forcé de jurer solennellement, en présence du concile tenant sa n'^session, qu’il abdiquerait, pourvu que ses deux concurrents fissent de même (2 mars).

Les deux cardinaux ne voulurent point cependant pousser les choses à l’extrême et se contentèrent de demander l’abdication par procureur. Ils refusaient ainsi d’obéir aux suggestions trop impérieuses du roi des Romains et à une influence politique qui tendaU à s’exercer trop visiblement. Sigismond en fut grandement irrité. Dans une réunion très mouvementée tenue le 19 mars, d'.illv indigné se retira et Fillastre fut sifflé.

Alors se produsit un coup de théâtre. Dans la nuit du 20 au 21 mars, le pape, s'étant concerté au préalable avec le duc Frédéric d'.utriche, s’enfuit de Constance sous un déguisement et se réfugia à Schaffouse. Le concile en fut profondément troublé et faillit se dissoudre ; les cardinaux furent en butte à certaines accusations de complicité avec le pape fugitif. Pour dissiper ces soupçons, Fillastre, accompagné des cardinaux Orsini et de Saluées, fut délégué par le sacré-collège afin de se rendre dès le 22 mars auprès de Jean XXIII. Les trois cardinaux exhortèrent le pape à ne point renoncer à son intention d’abdiquer et lui conseillèrent de prendre toutes les mesures que nécessitaient son éloigncment du concile et l’intérêt de l’union.

Fillastre n'était point encore de retour quand se tint la III session (26 mars) que présida le cardinal d’Ailly. Il ne revint à Constance que le lendemain. Le 29 mars, malgré ses promesses, le pape quitta Schaffouse qui lui semblait un asile peu sûr et se réfugia au château de Laufenburg, entre Schatïouse et Bâle.

Le concile fut de jjIus en plus en émoi et c’est sous le coup de ces dispositions peu pacifiques que l’on tint la fameuse et tumultueuse iv<= session (30 mars). L’intervention de Fillastre y amena d’abord un accord entre les partisans du roi des Romains et le sacrécollège, ("est après cet acte que les cardinaux se décidèrent à prendre part à cette séance où furent votés

les cinq articles qui proclament la supériorité du concile sur le pape et qui sont aussi célèbres dans l’histoire c{ue les quatre articles de 1682.

La v « session (6 avril), à laquelle assistaient tous les cardinau.x présents à Constance, à part Jean de Brogny et Pierre d’Ailly, ne fit qu’aggraver ces décisions dont le sens irrespectueux et schisnuitique n’est que trop clair.

Le pape qui sent que le concile lui devient de plus en plus hostile se réfugie à Fribourg et la situation s’aggrave. Fillastre est un des onze ambassadeurs ((ui sont chargés de mettre.Jean XXIII en demeure de réintégrer Constance ou de s’enfermer dans une autre ville sans pouvoir en bouger sous peine de déchéance, à moins que le concile ne l’y autorisât. Après de nouveaux essais de fugue, Jean XXIII reçut de l’assemblée de Constance une citation personnelle à comparaître (Il mai). Au lieu de se rendre lui-même au sein du concile, le pape, par une décision inattendue, chargea les trois cardinaux Fillastre, Zabarella et d’Ailly de plaider sa cause. Ceux-ci déclinèrent ce mandat compromettant et refusèrent de défendre le pontife (13 mai). Le cardinal de Saint-Marc préféra se faire nommer examinateur des témoins qui devaient déposer contre Jean XXIII. Nous devons à la vérité de dire qu’il se montra dans ses fonctions relativement modéré. Au cours de la x<^ session, il s'éleva contre la prétention d’imputer au pape des crimes qui n'étaient pas notoires, tels que ceux de coopération au schisme et d’hérésie ; il obtint que le décret fût amendé dans ce sens.

Bientôt après, la maladie vint le réduire à une impuissance momentanée. Il ne prit point de part au procès de Jean Huss et à celui de Jean Petit, et il ne rentra en scène que dans les premiers mois de l’année 1417. Le 12 mai, il s’agissait d’obtenir la démission d’un autre compétiteur à la papauté, celle de Benoît XIII, le pape d’Avignon. Fillastre entretient le concile des démarches qui ont été faites et qui sont restées vaines. Le pontife obstinément éloigné de l’assemblée affecte d’en mépriser les ordres. Il faut en finir. Le 5 juin, le cardinal de Saint-Marc est chargé d’annoncer la conclusion de cette affaire et la destitution de BenoîtXIII. Il fait un discours devant le concile sur ce texte : « Voici le temps où Dieu doit commencer son jugement par sa propre maison. » Tous les prétendants à la papauté s'étant aliéné les esprits en invoquant des droits réputés sans valeur, le concile va déférer l’héritage de saint Pierre à un homme nouveau, qui sera vraiment, on l’espère du moins, le serviteur des serviteurs de Dieu.

Enfin, le 26- juillet 1417, dans la xxxvii « session, Fillastre est encore chargé de lire la sentence qui condamnait et déposait Pierre de Luna comme parjure, schismatique incorrigible et hérétique, sentence qui fut, le même jour, par ordre de Sigismond. publiée à son de trompe dans les rues de la ville.

Donc, Jean XXIII, le pape de Pise, a été condamné, Grégoire XII, le pape romain, a donné sa démission, Benoît XIII, le pape d’Avignon, vient d'être déposé. Les dernières traces du schisme ont disparu. Il n’y a plus ni pape, ni antipape et le Saint-Siège est vacant. L'élection du pape futur préoccupe tous les esprits, mais avant de faire son choix, les nations ont décidé que le pontife à élire modifierait par de sages décrets son propre gouvernement et elles ont dicté les articles, au nombre de dix-huit, sur lesquels porterait la réforme.

Fillastre est donc arrivé au dernier acte de ce grand drame dans lequel il a joué un rôle si important. Déjà, dès le 29 mai, son collègue Pierre d’Ailly avait précisé la pensée des cardinaux. Son projet consistait à adjoindre, pour cette fois, au sacré-collège une sorte