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FILLASÏRE


lui ravir, le pontife cxcomaïuniera ses ennemis, et, malgré toutes les protestations qu’ils pourront faire entendre, ils seront et demeureront excommuniés… »

Le 7 déccmbre, il reprit la parole pour répondre à Pierre Le Roy, « le plus grand canoniste du royaume. »

Sa doctrine est ferme et très tliéologique, quand il dénie aux Tidèles et aux évêques le droit de juger et de condamner le souverain ponlifc. Malheureusement, le ton de l’orateur, bien qu’il soit en général plein de bonhomie, est parfois plus vigoureux qu’adroit. 11 devait déplaire aux grands seigneurs devant lesquels il parlait, d’autant plus qu’il avait eu l’air de faire une allusion peu discrète à la maladie mentale du roi.

Le duc de Berry, plus irrite que le prince lui-même, parla de châtier sans délai l’audace de Guillaume. " Qui eût cru, dit Juvénal des L^rsins, aucuns du sang et autres jeûnes, on lui eût fait une très mauvaise compagnie, » c’est-à-dire un très mauvais parti. S'étant donc trop avancé, le doyen de Reims recula trop : « humblement et doucement, » dit le chroniqueur, il demanda pardon, car on l’accusait du crime de lèsema, jesté. Le Il décembre, Pierre d’Ailly, l’illustre évêque de Cambrai, aussi partisan du pape, mais plus réservé, venait de réfuter par des arguments très graves la doctrine de l’université. C’est alors que notre doyen chanta sa palinodie : Locutus sum, dit-il, in hnrjiia mea ; nolum jac milti, Domine, fincm mcum. « Sire, j’ai parlé de ma langue seulement ; puisqu’il vous déplaît, faites de moi ce qu’il vous plaira. J’ai parlé d’aucunes choses dépourvuement : je ne le dis mie pour moi excuser, mais je le dis pour inipétrcr votre clémence… Sire, je viens à votre clémence ; je suis un pauvre homme, qui ai été nourri es champs ; je suis rude de ma nature, je n’ai pas demeuré avec les rois ne avec les seigneurs, par quoi je sache la manière ne le style de parler en leur présence. Si j’ai parlé simplement, j’en suis moult déplaisant… Sire, je sais bien que votre Seigneurie n’est mie comme les autres. L’empereur tient son impérauté du pape, mais votre royaume est par héritage… Et pour ce. Sire, je supplie votre clémence, et je serai au temps à venir plus avisé, s’il plaît à Dieu : ego magis fidelis majestalis regiæ, s’il vous plaît avoir merci de moi. »

Le. chancelier répondit d’une façon maussade et sèche à Guillaume : « Mon Signeur le deen, le roy a oy ce que vous aviés dit l’autre jour. Quand vous parlastes, mon Signeur de Berry fut présent, qui en fut très mal content. Il n’est pas cy de présent : lundi, l’en en ordonnera. » Ms. cit., fol..39 v » .

Dans la séance du 17 décembre, le doyen de Reims prit de nouveau la parole ; il se montra cette fois plus modéré dans ses expressions, mais il n’en maintint pas moins énergiquement la doctrine. « Le concile, dit-il, n’a point encore proposé, pour en linir avec le schisme, un expédient praticable. Ne alons jà tant autour du pot. Cherchons ensemble aujourd’hui les moyens de terminer cette division. Le roi n’a pas d’autorité dans l'Église, ce n’est pas lui qui apportera remède à la situation. Le demandera-t-on aux conciles ? On dit, il est vrai, que les conciles généraux ont la supériorité sur les papes. C’est une opinion fausse : mais, quand elle serait vraie, vingt-cinq évêques assemblés à Paris peuvent-ils se considérer comme représentant toute l'Église et délibérer en son nom"? »

C'était la raison même ; et pourtant, on le sait, Pierre d’Ailly et Guillaume Fillastre n’eurent point complètement gain de cause au concile de 1406. Au mois de mars 1407, les deux prélats firent partie de l’ambassade diplomatique envoyée vers les deux papes Benoît XIII et Grégoire XII pour les inviter à s’entendre. Peut-être assista-t-il avec l'évêque de Cambrai au concile de Pise de 1109. Kn tout cas, c’est à partir de cette date que tous deux abandonnèrent

publiquement Benoît XIII. Tous deux furent aussi nommés cardinaux le même jour (6 juin 1411) par Jean XXIII, et Guillaume prit le titre de cardinal de .Saint-Marc.

Deux ans^plus tard, l'Église de Reims fit élire Fillastre comme abbé de Saint-Pierre d’Hautvillers. D’autre part, Jean XXIII lui conféra en 1413 l’expectative de l’archevêché d’Aix, et, en 1414, le prieuré de la Llaieaux-Bons-Hommes, près Angers. Arch. nat.. A', 1^, 9198, fol. 128, V.

Concile de Constance.

En cette même année

s’ouvrit le concile de Constance auquel notre cardinal prit la part la plus active avec son ami Pierre d’Ailly, dont il partagea presque toutes les opinions. On put même les blâmer d’avoir pratiqué une indépendance de coeur qui touche à l’ingratitude à l'égard du pontife qui les avait comblés de faveurs. Mais on peut dire à leur décharge qu’ils ont toujours voulu s’inspirer du bien général de l'Église et de l’intérêt public.

Lîn second reproche, plus grave, que l’on peut faire à Fillastre, c’est d’avoir rejeté, en 1415, les principes théologiques qu’il avait soutenus avec tant de franchise et d'éclat au sein du synode parisien de 1406. Avec d’Ailly, le cardinal de Saint-Marc professa la supériorité du concile sur le pape, non point connue un expédient transitoire réclamé par la nécessité présente de l'Église, mais comme une doctrine avérée et définitive. Il alla même jusqu'à revendiquer pour le concile le droit vraiment excessif de déposer le souverain pontife.

Dès le comnæncenient du concile, d’Ailly, de concert avec Fillastre, résista aux prétentions de quelques Italiens qui avaient proposé de clore l’assemblée dès la I"-' session après avoir confirmé les décrets de Pise. Les prélats posèrent les deux principes suivants : « Le concile de Pise lui-même a obligé le pape et le sacrécollège à poursuivre la réforme, sans laquelle l’union ne serait qu’un vain mot : donc, le présent sjaiode étant convoqué pour la réforme au moins autant que pour l’union, ceux qui veulent le dissoudre sont suspects d’hérésie. Le concile de Pise ne doit pas être conlirmé par celui de Constance : c’est plutôt celui-ci qui dépend du premier, ou mieux, les conciles de Pise, de Rome et de Constance forment un tout indissoluble à eux trois. Confirmer le premier serait paraîti’c douter de sa validité » (7 décembre 1414).

Le cardinal Zabarella s’efforça de réfuter cet important écrit, mais les deux cardinau.x continuèrent leur campagne contre Jean XXIII. Sans doute, dans un écrit daté du 10 janvier (Quia Christi fidelibiis) et dans une cédule qui suivit bientôt (Quia in præsenli concilio), d’Ailly préconise encore les voies de douceur, mais Fillastre, plus ardent, prend la direction de l’attaque et réclame résolument la démission des trois papes rivaux. Cette idée de triple cession, qui avait d’abord paru excessive, fut enfin approuvée par d’Ailly. Malgré les objections des partisans de Jean XXIII, le cardinal de Cambrai affirma de nouveau que le concile pouvait, dans l’intérêt de l’union, forcer le pape à abdiquer, et, en cas de refus obstiné, le condamner comme schismatique (Summopere cavrant). Le cardinal de Saint-Marc ajouta que, dans les circonstances actuelles, quiconque réprouvait la voie de triple cession devait être considéré comme fauteur de schisme (Licet via exccutionis). De plus, pour ôter à Jean XXIII ses moyens de défense, les deux cardinaux français revendiquèrent pour les docteurs en théologie et en droit civil ou canonique, qui étaient dans le concile au nombre de trois cents, la faculté de prendre part active aux délibérations et aux votes. Fillastre voulait même aller plus loin et, si on l’avait écouté, il aurait fait voter les archidiacres, les curés, les simples prêtres et même les diacres (cédules Ad