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FILIOOUE


au symbole, si cette formule énonce non pas un dogme, mais une simple opinion théologique. Cet axiome, il est presque inutile de le faire observer, est ouvertement contraire aux princ ! >pes de la théologie du vieux catholicisme. Celle-ci, en effet, enseigne qu’il appartient aux seuls conciles œcuméniques de décider si une vérité tliéologique mérite une place au symbole et si elle doit être rangée au nombre des dogmes de la religion chrétienne. Une Église particulière n’a donc pas le droit de se prononcer sur le caractère dogmatique ou simplement théologique d’une formule insérée au symbole.

Appliquons ce raisonnement au Filioqiie. Ces mots se trouvent au symbole qui est en usage dans l'Église latine. Une petite Église particulière n’a donc pas le droit de condamner une coutume qui a été acceptée par toutes les Églises particulières de l’Occident latin et qui a été sanctionnée par le siège de Rome, que l’Orient lui-même, jusqu'à Photius, a vénéré comme le tribunal suprême de la chrétienté dans les controverses dogmatiques. Même si le Filioque était une simple opinion théologique, même si son introduction au symbole représentait un abus de pouvoir, il est évident que sa suppression ne saurait être décrétée par une Église particulière, car, d’après la théologie du vieux catholicisme, le concile œcuménique est la seule autorité investie du droit de modifier, diminuer ou augmenter un symbole œcuménique. On ouvrirait la porte à la confusion des idées et des croyances si l’on reconnaissait à une Église particulière le droit de nier le caractère dogmatique d’une formule, que de nombreuses Églises particulières et le premier siège de l’univers reconnaissent comme exprimant un dogme de la foi chrétienne. Le vieux catholicisme s’arroge donc un droit qui appartient exclusivement au suprême magistère infaillible de l'Église universelle.

2. Toutefois, concédons pour un moment qu’une Église particulière ait le droit d’effacer du symbole une fonnule, qui, à son avis, exprime une opinion théologique. Mais le vieux catholicisme devrait aussi nous concéder qu’une Église particulière ne saurait exercer cet acte de juridiction universelle, si elle n’avait pas sur les autres une supériorité doctrinale et morale, si par son antiquité, la fermeté de ses traditions, l'épanouissement de sa vie surnaturelle, elle ne surpassait pas les autres, ne les amenait pas en quelque sorte à lui reconnaître une certaine suprématie morale. Or, ce caractère de supériorité morale, nous le trouvons sûrement dans les Églises qui ont ajouté le Filioque au symbole de Constantinople ; dans l'Église particulière d’Espagne, qui tient tête à l’arianisme, au semiarianisme, au priscillianisme ; dans l'Église particulière des Gaules, célèbre par son antiquité et ses martyrs. En outre, la coutume de ces Églises a reçu l’approbation solennelle de l'Église romaine, qui, au dire de Vincent de Lérins, summa contentione defenderit susceplæ simiil rcligionis integrilatem. Commoniioriiim, vi, P. L., t. l, col. 645. L'Éghse particulière, au contraire, qui demande la suppression du Filioque, est l'Église catholique (sic) suisse, c’est-à-dire une Église qui n’a pas d’histoire ni de traditions, une Église qui remonte à quelques dizaines d’années, une Église qui doit sa naissance à la révolte contre l'Église romaine, une Église dont la hiérarchie est représentée par un seul évêque, que même les théologiens russes hésitent à reconnaître comme validement consacré.

D’un côté, nous avons donc un millier d'évêqucs et toutes les Églises particulières qui se fondent dans l’unité admirable de l'Église catholique, de l’autre quelques théologiens qui, entre eux, différent d’avis et qui cependant prétendent en imposer à l'Église universelle. De C]uel côté se trouvent la vérité et le

droit ? Point n’est besoin d'être théologien pour donner une réponse que le simple bon sens est à même de suggérer.

3. La théorie des vieux catholiques aboutit à la négation du magistère suprême de l'Église. Examinons d’abord quelle est la place de l'Église catholique romaine vis-à-vis de l'Église vieille catholique touchant le Filioque. La première range cette formule au nombre de ses articles de foi, appuie la croyance du Filioque sur l’autorité de l'Écriture et de la tradition, prononce l’anathème contre ceux qui ne croient pas à la procession du Saint-Esprit du F"ils. L'Église vieille catholique, au contraire, déclare que le Filioque n’est pas un dogme et que par conséquent il n’appartient pas au dépôt de la révélation divine, n’est pas consigné dans l'Écriture et dans la tradition comme une vérité qu’il faut croire pour être sauvé. L'Église catholique romaine iirqjose la croyance au Filioque à tout le monde chrétien ; l'Église vieille catholique, au contraire, dépouille cette croyance de son caractère d’universalité et en fait une opinion théologique, qu’on est libre d’accepter ou de rejeter. Il s’ensuit donc, d’après le vieux catholicisme, que l'Église catholique romaine n’a pas le magistère suprême infaillible, puisqu’elle propose connue dogme ce qu’il est permis de nier sans renoncer pour cela à la révélation chrétienne.

Le même raisonnement s’applique aussi à l'Église orthodoxe. Celle-ci, en elîet, proclame depuis Photius que le Filioque renferme une hérésie formelle, C]uc la croyance au Filioque est hérétique, qu’il faut rejeter le Filioque sous peine d'être exclu de l'Église et éternellement damné. L'Église orthodoxe frappe d’anathème les latins qui croient au Filioque et leur impose l’abjuration de cette formule, s’ils désirent entrer en communion avec elle. Le vieux catholicisme, au contraire, déclare que le Filioque n’est pas un dogme, qu’on peut l’admettre, le défendre, l’enseigner, sans détriment pour le salut des âmes. Il a sa place marquée dans le domaine de la spéculation théologique, mais on aurait tort de l'élever à la dignité de dogme. Il s’ensuit donc que, d’après le vieux catholicisme, l'Église orthodoxe n’exerce pas non plus le nuigistère suprême infaillible, parce qu’elle oblige les fidèles à croire comme dogme ce qui est le fruit d’une spéculation théologique purement humaine.

Où se trouve donc l’infaillibilité que le Christ a promise à son Église et sans laquelle l'Église ne saurait conserver l’intégrité de sa foi ? Si, depuis le ixe siècle, l'Église catholique romaine et les Églises orthodoxes trompent le monde chrétien dans la controverse dogmatique du Filioque, nous devrions en conclure que l’infaillibilité doctrinale est le monopole de l'Église catholique (s/c) suisse, fondée après 1870, pour juger en dernier ressort le grand conflit théologicpie entre l’Orient et l’Occident. "Voir l’ranzelin. Examen doclrinæ Macarii, p. 244.

4. La théorie du vieux catholicisme aboutit à la négation de la valeur des arguments puisés dans la tradition chrétienne. Pour l'Église catholique, de même que pour les Églises orthodoxes, la tradition est une source de la croyance dogmatique. Or la doctrine du Filioque, nous l’avons démontré, est contenue d’une manière explicite dans la tradition, bien avant qu'éclatât le confiit religieux entre l'Église romaine et les Églises orthodoxes. Les vieux catholiques n’hésitent pas eux-mêmes à reconnaître cjue le Filioque repose sur l’enseignement des Pères grecs et latins et ils déclarent aussi que la négation du Filioque renverserait la spéculation théologique trinitaire. Si c’est donc un fait avéré que la tradition patristique confirme la vérité dogmatique du Filioque, si les Pères déduisent cette vérité beaucoup plus des arguments scripturaires que du travail spéculatif de la pensée

DICT. DE THEOL. CaTHOL.