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FILIOQUE

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les plaçât l’un à droite et l’autre à gauche de la porte par laquelle ou entrait dans la confession de SaintPierre. Il est utile de rapporter ici le texte latin du passage cité, parce qu’il est l’objet d’une étrange méprise de la part des théologiens orthodoxes : Hic (Léo) vero pro amore et caiitela orthodoxe fidei fecit ubi supra scutos ex argenlo II, scriptos utrosqiie sijmboliim, iiniim quidem littciis græcis, et aliiiin lalinis. Duchesne, Le Liber pontificalis, Paris, 1892, t. ii, n. 84, p. 26. Les écrivains ortliodoxes se croient autorisés à déclarer que, d’après ce texte, Léon III ajouta, sur la base des deux écussons, ces paroles à jamais mémorables : Hœc Léo posai amore et cautela orthodoxæ fidei : Tâîs Aéwv è()i[i.r, v ?i' àyotTrov ts xa’t TTpoçyXax-îiv fjp6000 ?o-j iticTTSw ;. Latnpryllos, op. cit., p. 31. L'épisode raconté par le Liber ponlifiealis est attesté aussi par Abélard, Introduclio in theologiam, II, 14, P. L., t. CLXxviu, col. 1075, et par saint Pierre Damien, Opusculum contra errorem græcorum de processione Spirilus Suncti (XXXIX), c. ii, P. L., t. CXLV, col. 035. Le patriarche Vekkos affirme qu'à son époque on pouvait encore voir ces deux écussons à la basilique de Saint -Pierre. Refulatio photicmi tibri de Spiritu Saneto, P. G., t. cxli, col. 848.

Le conseil de Léon III ne fut pas suivi dans l’empire franc. Charlemagne et son clergé maintinrent l’usage de chanter le symbole avec le Pilioque. Cet usage finit par prévaloir à Rome, mais on ne sait pas au juste à quelle époque. Les uns disent que ce fut Nicolas I<"' qui l’introduisit ; mais cette opinion n’est guère probable. Il ser.iit étrange, en effet, que Photius, dont on connaît les nombreux griefs contre ce pape, ne lui eût jamais reproché d’avoir interpolé le symbole, si réellement Nicolas I"' avait suivi l’exemple des Églises de l’empire franc. D’après un anonyme grec, le pape C.liristophore (903-904) aurait été le premier à insérer au symbole le mot Filioque. Opusculum de origine sehismatis, i, n. 8, dans Hergenrôther, Monumenta græca ad Photium ejusque historicmi perlincnlia, Ratisbonne, 1869, p. 161. D’autres attribuent cette innovation à Serge III (904-911). HiTgenrother, Photius, t. i, p. 705-706. Mais on admet généralement que ce fut sur les instances de l’empereur Henri II (1002-1024) que le pape Benoît VIII (1012-1024) consentit à chanter à Rome le symbole avec le Filioque. C’est Bernon ou Bernard, abbé de Reichenau, témoin oculaire du couronnement d’Henri II à Rome en 1013, qui a transmis ce renseignement. Libellas de quibusdewi rébus ad missæ officium pertinentibus, c. ii, P. L., t. cxLii, col. 1061 ; Le Quien, Disserl. damascenicæ, I, n. 28, P. G., t. xciv, col. 224-'225 ; De Rubeis, Disserkttiones in vitam Georgii Cijprii, II, n. 3, P. G., t. cxlii, col. 203, 204. D’après Hugues Etherianus, le pape se décida à insérer le Filioque au symbole, après avoir demandé conseil à une commission composée d'évêques et de cardinaux. Adoersus griecurum crrores, 1. III, c. xvi, P. L., t. ccii, col. 375. Cependant, même après l’adoption du Filioque par Rome, quelques Églises continuèrent à chanter le symbole sans ce mot. Un texte d’Alexandre de Halès atteste qu’en 1240, à Paris, on ne chantait pas encore le Filioque au symbole. Sam. tlieologica, part. I, q. xliii, m. iv, Cologne, 1622, t. i, p. 218 ; de Régnon, op. cit., t. III, p. 222.

Le Filioque et la polémique photienne.

La coutume de chanter le Filioque au symbole ne souleva

aucune protestation de la part de l'Église grecque, jusqu’au moment où éclata le conflit entre le SaintSiège et Photius. En 867, Photius réunit à Constanlinople un conciliabule, pour prononcer contre Nicolas P une sentence de déposition, et rédigea sa fameuse lettre encyclique aux patriarches d’Orient.

On y trouve les plus violentes récriminations contre l’insertion du Filioque au symbole. Photius accuse l'Église romaine de s'être portée au plus grand des excès, au comble de l’impiété, à un acte d’audace sans égal, c’est-à-dire d’avoir osé altérer, falsifier, par des locutions bâtardes et surajoutées, le sacré symbole ; d’avoir oublié que ce symbole avait été sanctionné par les conciles œcuméniques et particuliers, qui lui avaient conféré une force irrésistible. L’introduction du Filioque au symbole est une invention diabolique, une nouveauté doctrinale, un dogme impie. Epistola encijclica, n. 8, 9, P. G., t. cil, col. 725.

Dans la VP session du conciliabule de 879, Photius proposa à ses adhérents de frapper d’anathéme ceux qui oseraient altérer le symbole et produisit une lettre du pape Jean VIII, où on lit ce passage : « Nous gardons le symbole, tel que nous l’avons reçu d’abord, sans y avoir rien ajouté, ni en avoir rien été, sachant bien cjuelle peine mériteraient ceu.x qui s’aviseraient de le faire. » Les auteurs de l’insertion du Filioque sont appelés transgresseurs de la parole de Dieu, corrupteurs de la doctrine de Jésus-Christ, des apôtres et des Pères, des Judas qui déchirent les membres du Christ. Mansi, Concil., t. xvii, col. 525. On accuse Photius d’avoir fabriqué cette lettre. Jager, Histoire de Plwtius, Paris, 1845, p. 335-337. Voiraussi Le Quien, Panoplia contra schisnta græcorum, Paris, 1718, p. 171. Il y a des historiens du schisme, même en Occident, qui refusent d’imputer à Photius la responsivbilité de ce faux, Picliler, Geschichle der kirchlichen Trennung, Munich, 1864, t. i, p. 200 ; mais il parait hors de doute que cette fameuse lettre n’a pas été écrite par Jean VIII, voir Hergenrôthcr, Plwtius, t. II, p. 541-551 ; Hefele, op. cit., trad. Leclercq, t. iv, p. 604-605, quoi qu’en disent les théologiens orthodoxes grecs et russes. Lampryllos, op. cit., p. 61-68 ; Krémos, 'l<7xoçia to-j (7/ ; (i|xaxo ; -ôiv 5vo 'K/.y.lr^mw’j éX), ï)vtxr, ; xa pio.aaVxrjç, Athènes, 1907, t. II, p. 382 ; Nectaire (Kephalas), MsXéicj i(jropt/-T| ; rep Toiv aÎTiôiv TO’j ! Txi<T ! J.aToc, Athènes, 1911, t. i, p. 283-292 ; Ivantzov Platonov, A" izsliedov<miiam o Folie, Saint-Pétersbourg, 1892, p. 145, 146 ; Lebedev, Histoire de la séparation des Églises(cn russe), Moscou, 1900, p. 236-290.

Dans sa lettre au patriarche d’Aquilée, Photius se livre à de nouvelles attaques contre le FiLoque. Il rappelle les deux écussons de Léon III et félicite ce pape d’avoir choisi ce moyen infaillible pour assurer et propager la connaissance de la saine doctrine et s’opposer aux progrès de l’hérésie, n. 5, P. G., t. en, col. 800. Il rappelle aussi qu’au concile (conciliabule) de 879, les légats du pape Jean VIII s'étaient prononcés pour l’inviolabilité du symbole sanctionné par les conciles œcuméniques et universellement prêché et reçu, n. 25, ibid., col. 820. Voir Myslagogia, n. 87-89, P. G., t. en, col. 375-384.

Après Photius, la polémique grecque ne cessa pas de considérer le Filioque comme la cause et le fondement du schisme entre les deux Églises d’Orient et d’Occident. Si les latins y renoncent, écrit Pierre d’Antioche à Michel Ccrulaire, la paix est rétablie, et il serait injuste de leur réclamer d’autres concessions. P. G., t. cxx, col. 812. D’après Théophylacte de Bulgarie, l’erreur la plus grave des latins, iJ.£Y"Tt^o (jçâXjjLa, le crime qui leur ouvre les portes de l’enfer, est la nouveauté qu’ils ont introduite dans lo symbole. Allocutio de lis in quilms latini accusantur, n. 3, P. G., t. cxxvi, col. 225. C’est elle qui a provoqué le schisme, Arsène, Trois opuscules d’un anonyme grec du commencement du xilie siècle, Moscou, 1892, p. 1 ; qui a été la cause principale du conflit entre grecs et latins. Nicétas de Nicée, TTepi tcôv àCùiJwv, dans Pavlov, Essais critiques sur l’ancienne polémique