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FILIOQUE

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mules au symbole de Nicce. En agissant ainsi, ils n’altérèrent point la doctrine contenue dans le symbole de Nicée, mais siipplevcrunt quasi e.rponendo sensum. Ibid., col. 833. Cf. Franzelin, De Deo irino, Rome, 1895, p. 556-560.

Ce fut l’intolérance de quelques moines grecs qui souleva de nouveau la question du Filioquc et alluma le brandon de la discorde entre grecs et latins. Le calife Haroun-al-Rachid avait octroyé à Charlemagne une sorte de suzeraineté sur Jérusalem. Grâce à ce privilège, Charlemagne exerçait son protectorat sur les monastères et églises latines de la ville sainte. Or il y avait, sur le mont des Oliviers, une communauté de moines francs de rite latin, qui entretenaient des relations suivies avec l’Occident et tenaient beaucoup à leurs coutumes liturgiques. En 807, deux moines de ce monastère, Égilbald et Félix, se rendirent auprès de la cour de Charlemagne et y restèrent quelque temps. Éginhard, Annales, P. L., t. civ, col. 468. De retour dans la ville sainte, ils commencèrent à clianter le symbole avec l’addition du Filioque, conune cela se pratiquait à la chapelle impériale. Cette innovation excita le fanatisme religieux et national des moines grecs de Saint-Sabas. Le plus fougueux d’entre eux, un certain Jean, ébruita dans la ville que les moines francs étaient hérétiques. Il ameuta la populace contre eux et essaya avec ses partisans de s’emparer de l'église latine, bâtie sur la grotte de la Nativité, et d’en chasser les moines francs. Ceux-ci résistèrent avec énergie. Mais puisque les troubles se poursuivaient, ils consentirent à ce que le.clergégrec examinât leur foi. Ils n’eurent pas de peine à convaincre leurs adversaires de la fausseté des accusations portées contre eux, bien qu’ils reconnussent ouvertement que, sur quelques points secondaires, ils s'écartaient des traditions liturgiques grecques. Ils ajoutèrent qu’en les traitant d’hérétiques, ils faisaient injure au siège apostolique. Leurs explications apaisèrent la tempête soulevée par le fanatisme grec, et ils ne furent plus molestés.

Cependant, pour tenir tête à leurs adversaires et repousser de nouvelles attaques, ils s’adressèrent au pape Léon III, lui demandant conseil. Ils lui racontèrent, dans une lettre, ce qui s'était passé à Jérusalem, et lui expliquèrent qu’ils chantaient le symbole avec le F(7 loçue, parce queces mots se trouvaient dans une homélie de saint Grégoire le Grand, dans la règle de saint Benoit, dans le symbole de saint Athanase et dans un dialogue que ce pape avait composé lui-même. Du reste, ils ne faisaient que suivre la coutume adoptée par le clergé de la chapelle impériale de Cliarlemagne. Ils suppliaient le pape de consulter les auteurs grecs et latins, qui avaient expliqué le symbole, et de les informer si réellement ils s'étaient prononcés en faveur de la formule ex Paire Filioque. Le Quien, Disserlationcs damascenicse, I, 13, P. G., t. xciv, col. 205208 ; de Régnon, op. cit., t. iii, p. 211-213.

Léon III comprit aussitôt qu’il fallait être très explicite sur le côté dogmatique de la controverse. Il envoya donc aux moines de Jérusalem une profession de foi où l’on affirme à deux reprises la procession du Saint-Esprit du Fils : Credimus… Spirilum Sanctum a Paire et Filio œquutiler procedenlem… Spirilus Sanclus a Paire et Filio procedens. P. L., t. xciv, col. 209. Mais il s’abstint de leur envoyer le symbole liturgique avec l’addition du Filioque. En même temps, Léon III remit à l’empereur la lettre qu’il avait reçue des moines francs et le pria d’accéder à leurs désirs. L’empereur chargea alors Théodulfe, évêque d’Orléans, de composer un recueil de textes des Pères favorables au Filioque, voir plus haut, t. iv, col. 807, et réunit un concile à Aix-la-Cliapelle (809). La question du Filioque y fut traitée avec ampleur. Le concile

se prononça en faveur de la procession du Saint-Esprit du Fils et probablement approuva l’insertion du Filioque au symbole. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, p. 1127-1131. Le concile achevé, Charlemagne en envoya les actes à Léon III. Il y adjoignit une dissertation sur la procession du Saint-Esprit composée par l’abbé Smaragde. P. L., t. xcviii, col. 923-929. Celui-ci se rendit à Rome avec une ambassade extraordinaire, dont faisaient partie l'évêque de Worms et Adhèlard, abbé de Corbie.

Au mois de janvier 810, Hefele, op. cit, t. iii, p. 1132, Léon III reçut l’ambassade de Charlemagne et convocjua dans le secrclarium de Saint-Pierre une sorte de concile, où l’on donna lecture des actes du sj-node d’Aix-la-Chapelle. Le pape semontra satisfait de ce qu’on avait approuvé, dans ce concile, la doctrine catholiciue de la procession du Saint-Esprit du Fils et manifesta le désir de voir cette doctrine se répandre de plus en plus parmi les fidèles. Il engagea les ambassadeurs de Charlemagne à la prêcher au peuple et à l’insérer dans les professions de foi privées. Mais il regretta vivement que l’on chantât le symbole avec le Filioque, soit à la chapelle impériale, soit dans plusieurs églises de l’empire franc. Les envoyés de Charlemagne répondirent aux doléances du pape, et il s’ensuivit une conversation très animée, dont nous possédons un compte rendu fidèle. Ralio quæ liabila est in secrelario sancti Pelri aposloli, etc., Mansi, Concil., t. xiv, col. 18-22. Les envoyés demandèrent au pape pourquoi il ne serait pas licite d’ajouter au symbole une formule exprimant un dogme qu’il est nécessaire de croire pour être sauvé. Le pape répondit que les Pères des conciles œcuméniciues s'étaient abstenus de mentionner au symbole la procession du Saint-Esprit du Fils et qu’ils avaient défendu en même temps de rien y ajouter : novum ultra syniboluni a quoquam qualibet necessilale seu salvandi homincs deixttione condere, et in vcleribus lollendo nuilandove quidquam inscrcre. Il est vrai, déclarait Léon III, que la croyance au dogme exprimé par le Filioque est nécessaire au salut, mais il y a aussi d’autres dogmes, que le syinbole ne mentionne pas et que cependant il faut croire pour être sauvé. Au cours de leur coiivei-sation, les envoyés francs voulaient amener le pape à se prononcer sans détour sur la nécessité de conserver ou de supprimer le Filioque au symbole. Ils lui firent remarquer que, si l’on ne chantait plus le symbole avec le Filioque, les fidèles seraient portés à croire qu’il contenait une erreur contraire à la Taie doctrine de l'Église. Le pape répondit alors en ces termes : « Si l’on m’avait demandé conseil en temps opportun, j’aurais dit de ne pas introduire au sjinbole cette addition. A présent, il serait préférable d’interrompre le chant du symbole dans la chapelle impériale, et il suffirait, pour expliquer cette interruption, d’annoncer aux fidèles que la sainte Église romaine suit la même pratique. Les Églises de France ne tarderaient pas à imiter cet exemple, et de la sorte un chant ilhcite disparaîtrait sans scandale pour la foi. » De Régnon, op. cit., t. III, p. 217-219.

Comme on le voit, Léon III visait à supprimer le Filioque du chant du symbole. <i II n’approuvait point l’humeur dogmatisante qui régnait à la cour franque, et, de plus, il prévoyait qu’une altération du symbole commun aux deux empires pouvait amener de graves complications. » De Régnon, lac. cit., p. 219.

Le Liber pontificalis nous apprend qu’il voulut en quelque sorte perpétuer le souvenir du conseil qu’il avait donné aux ambassadeurs de Charlemagne. Sur deux écussons d’argent du poids de cent livres, il fit graver en grec et en latin le symbole de Constantinople sans le Filioque, et donna ordre qu’on