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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


déjà, que le fait irrite et scandalise, Dia ! ogus, édit. A. W. Pollard, 1886, p. 28, le crédit croissant de saint Thomas l’avait fait pénétrer dans l’office de la fête du saint sacrement. Des théologiens d’allure très indépendante, tels que Occam, Holkot, Pierre d’Ailly, n’osèrent pas s’en écarter. Peu à peu du reste, elle s'était organisée en un corps de doctrines, destinées surtout à rendre compte du miracle des espèces, sujets des mêmes changements actifs ou passifs que les substances transsubstantiécs elles-mêmes. La controverse entre les thomistes et les nominalistes est plutôt une querelle philosophique, qui n’engage pas directement l’orthodoxie eucharistique. Notons toutefois que les seconds sont des précurseurs authentiques des théologiens cartésiens du xviie siècle. C’est dans le camp des occamistes seulement qu’on voit paraître l’hypothèse de l’irréalité des espèces. Les esprits plus fermes, chez lesquels la tendance sainement rationaliste l’emportait sur le préjugé empiriste, inclinèrent plutôt vers la solution thomiste, plus simple, plus unie, plus économe surtout de miracles. Des maîtres, tels que le dominicain Thierry de Vriberg (f vers 1310), qui ne voient dans l’accident qu’une pure manière d'être de la substance et voient en conséquence une pure impossibilité dans la thèse de leur séparabUité, durent devenir de plus en plus rares ; il est regrettable que nous ne sachions pas comment ils conciliaient leur philosophie avec le dogme de l’eucharistie. E. Krebs, Meisler Dielrich, dans Beitrâge zur Gescbichte der Philosophie des Mitlclallcrs, Munster, 1906, t. v, fasc. 5, 6, p. 121, 83 sq. Vers la fin du xive siècle, la doctrine des accidentia sine suhjecto est universellement établie dans les écoles de théologie ; à partir de ce moment, comme toute doctrine communément acceptée et devenue banale par là même, elle ne ramènera plus à elle l’attention qu'à l’apparition de doctrines nouvelles ou de négations, élevant la prétention de la remplacer ou de la supprimer. En la rejetant par une négation brutale, John Wyclif lui rallia de plus en plus les suffrages des théologiens orthodoxes et la faveur de l’autorité doctrinale.

rV. Wyclif et le co.ncile de Constance. — La première attaque ouverte de Wyclif contre le dogme de la transsubstantiation date de l'été de l’année 1381. Fasciculi zizaniorum, édit. Waddington Shirley, 1858, p. 101. M. D. Mathew explicpic que cette date est à avancer, si l’on veut laisser aux événements le temps nécessaire pour se dérouler normalement. Tlie english hisfor. leview, avril 1890. On peut poser a priori que Wyclif n’en vint que peu à peu à englober la doctrine traditionnelle de l'Église touchant l’eucharistie dans une entreprise de démolition qui, jusque-là, visait surtout la hiérarchie, les droits des prélats sur leur temporel et l’influence injustifiable, d’après Wyclif, des grands ordres mendiants.

Cette conjecture est confirmée par le témoignage du frère mineur WilUam Wodeford, le maître de Thomas Nctter Waldensis, qui, dans son Conlra Tria logiim Wicleni, Orthuinus Gratins, Fascic. renim expelend. et jugiend., édit. Brown, t. i, p. 191, a pris soin de nous marquer les étapes de la pensée de Wyclif : Alias dum essel pnediclus magisler Johannes sententiarius Oxoniæ ac eliam baccalarius responsalis, publiée Icnuit et in scholis quod licel accidentia sacra, mentalia essent in subjccto, lamen quod panis in consecrationc desinil esse. Position évidemment ainbiguëct où nous devons peut-être reconnaître l’innucnce de Durand de Saint-Pourçain, cjui enseignait la rémanence de la matière au terme du changement eucharistique. Pressé de questions, touchant ce sujet qu’il conservait aux accidents, primo per tempus nolabile respondit quod corpus matlicnutticurn.

Cette réponse, à première vue, ne semble pas si éloignée de celle de saint Tliomas, mais Wyclif était sans doute loin d’entendre par la quantité, sujet des accidents, comme celui qu’il appelle le doclor communis. la quantité qualifiée ou quantité non abstraite mais physique et naturelle ; nous conjecturons ici que le réalisme de Wyclif, de nuance augustinienne et platonicienne, devait le porter à réaliser cette abstraction qu’est le corps géométrique et à en faire le sujet d’accidents, tels que la résistance, la saveur, etc. Wyclif finit par se trouver dans une impasse, une sorte d’aporie logique : Et posterius post nuilta argumenta sibi fada ronlra Itoc, respondit quod nesciint quid fuit subjcctum illorum aecidenlium, une mauvaise défaite qui ne l’empêchait pas de s’en tenir à sa thèse : bene tamen posait quod habuerunt subjectum. Finalement, il posa carrément son symbolisme eucharistique : Nunc in istis arliculis — il s’agit des douze articles de l’année 138 1 — et sua con/essione ponit expresse quod panis manet post consecrationem et est subjectum aecidenlium. Nous avons, du reste, le témoignage de Wyclif lui-même : il a longtemps partagé l’erreur commune à ce qu’il appelle la novelln Ecclesia, celle d’Avignon, et que l’ancienne, celle de Bérenger, dont Wyclif se réclame ouvertement, celle de Nicolas II, d’Augustin. d’Ambroise, d’Hilaire, celle qui s’attacliat au sens évident de l'Écriture, n’a pas connue : Unde licel quondam laboraverim ad describendum transsubslanliaciunem concorditer adsensum priorisEcclesie. lamen modo videtur michi quod conlrariantur, posleriori Ecclesia oberranle. De eucliaristia, c. ii, 15-20, édit. Loserth, publiée par la Wyclif Society, Londres, 1892. L’iiétérodoxie de Wyclif éclata ouvertement vers l'époque où il obtint le grade de docteur en théologie, mais elle dut se préparer peu à peu par un lent travail d’acheminement souterrain. Pour une connaissance plus étendue des thèses eucharistiques de l’hérésiarque anglais, dont l'œuvre révèle une science approfondie de la scolastique, qui laisse bien loin derrière elle celle du chef de la réforme allemande, nous renvoyons au grand traité de Wyclif sur l’eucharistie que nous venons de citer et aux c. i-x du 1. IV du Tricdogus, réédité à Oxford, par Gothard Lechler en 1869. En publiant les œuvres inédites de Wyclif, la Wyclif Society de Londres a rendu un précieux service à l’hérésiologie. Quelques-unes de cest)elles éditions sont munies d’un apparalus crilicus, capable de satisfaire les partisans les plus exigeants de l'érudition moderne. En les parcourant, le théologien se convaincra que la doctrine des accidentia sine subjecto était devenue la bête noire de cette intelligence dont la puissance dialectique et l’ingéniosité subtile n'étaient rien moins que banales. Tout ui est bon pour la cribler de ses traits : sermon populaire, pamphlet, dialogue, traité théologique aux allures scolaires. L’accident sans sujet, c’est l’abomination de la désolation, l’idolâtrie inévitable, l’adoration d’un signe, l’hérésie apportée par les moines, la doctrine de la cour d’Avignon, que les supérieurs spirituels doivent extirper, sous peine de damnation. Personne ne peut dire à Wyclif ce qu’est l’hostie consacrée : Vix enim aller papa cum suis complicibus. omnes episcopi Anglie cum suis docloribus sciunl dicere quid est lioslia consecrala. De eueh., c. iv, 20. On cite à Wyclif saint Thomas. Mais ne sait-on pas que les moines, les pseudo-fralres, ont falsifié ses œuvres ? Ibid., c. v, 15. Du reste, il a contre lui tous les grands docteurs de l'Église, Augustin, Hugues de Saint-Victor, le pape Nicolas II, toute l'Église primitive qui parle de « pain » , de » vin » , non de ce que Wyclif appelle irrespectueusement globus sacrorum aecidenlium. Du reste, que d’hérésies ont été attribuées à saint Thomas 1 Ne dit-on pas qu'à son avis, Sum. Iheol., IIa-IIæ'-, q. lxvii, a. 2 (la citation est de