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FICIN

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sorem paro. Epist., 1. Vlll, fol. 179. Le parallèle est devenu un des lieux communs de la chaire chrétienne. Tel que Ficin l'établit, il n’est pas « sacrilège » . Ficin range Platon parmi ces âmes d'élite que NotreSeigneur a visitées aux limbes et qui, à sa suite, sont allées au ciel. En cela il reproduit une antique tradition qui avait eu de la vogue au moyen âge. Cf. L. Capéran, Le problème du salut des infidèles, p. 162-1C3, 166-167, 211 ; cf. p. 539. Deux raisons déterminent Ficin à croire au salut de Platon. D’abord, Platon a été vertueux, chaste. De vita Plalonis, Epist., 1. IV, fol. 109 6-110 o, 113a (Gaume, t. viii, p. 213, dit que Ficin admire la chasteté de Platon, « tout en avouant à voix basse qu’il était, comme Socrate, livré à l’amour infâme, » et il cite ces mots de Ficin, fol. 109 6 : ad adamandos adolescentes, qucmadmodum et Sacrales suus, videbatur paulo pronior. Oui, Ficin dit cela, mais il ajoute : verum uterque lam ralionc continens quam sensu proclivis ; quam divine isti amaverint…, et plus bas, fol. 113 a, il esquisse, sur ce point, VApologia de moribus Plalonis. Cf. Bessarion, In calumnialorem Plalonis, 1. IV, c. i-ii, fol. 60-69). Ensuite, et surtout, Platon a été un précurseur du Christ ; il en demeure l’apôtre par ses écrits. La philosophie, telle qu’il l’entend et qui peut se défmir : ascensus animi ab injerioribus ad superna a lenebrisquc ad lucem principiuni ejus divinee mentis instinclus, est un don de Dieu, et le philosophe qui la réalise est " médiateur entre Dieu et les hommes, » Epist., 1. IV, fol. 107 6-108 « (à s’exprimer de la sorte, Ficin n’encourt pas le reproche de rationalisme. Cf. Epist., 1. VII, fol. 169 6-170 a). La pliilosophie de Platon conduit au Christ. Ficin place donc Platon très haut. Qu’y a-t-il de vrai dans le récit d’après lequel Ficin et les académiciens de Florence s’exaltèrent jusqu'à vouloir demander à la cour de Rome la canonisation de Platon ? Il serait difficile de le dire. En vérité, il semble qu’on le regarda comme un saint et qu’on lui décerna une canonisation non ofllcielle, dans le sens où le moyen âge avait canonisé Virgile. De là, en supposant qu’elle ne soit pas légendaire, cette lampe allumée devant le buste de Platon (ce qui est sûrement du domaine de la légende, c’est l’absence de tout objet de piété dans la maison de Ficin). De là, dans la mesure où elle aurait eu un caractère religieux, cette fête annuelle de Platon qui consistait avant tout à se réunir, le 7 novembre, jour anniversaire de sa naissance et de sa mort, dans un banquet où l’on s’entretenait de philosophie ou de théologie platonicienne. Cf. l’introduction du De amore de Ficin, €t Epist., 1. I, fol. 35. Pour ce même motif, et parce que les écrits de Platon sont une sorte d’introduction à l'Évangile, Ficin les explique à l'église, cf. Epist., 1. VIII, fol. 190 6-191 a, à l’usage principalement de ceux qui rejettent l’autorité des saints Livres, quitte à commenter l'Écriture pour les fidèles (se rappeler qu'à Florence, Dante fut l’objet d’un enseignement officiel à l'église). Il nomme ses amis eomplatonici, ses disciples, ses auditeurs, des « frères en Platon » ; le rôle qu’il attribue à Platon ôte à ce langage toute équivoque. Ce que Ficin raconte de la mort de Cosme de Médicis est plus grave. Cosme, dit-il, Epist., 1. I, fol. 29 a, après avoir philosophé toute sa vie, philosopha plus encore au moment de mourir, llaque, postquam Plalonis librum de uno rerum principio ac de summo bono legimus, sieut lu nosti qui aderas (il s’adresse à Laurent de Médicis), paulo post decessit tanquam eo ipso bono quod disputatione guslaverat reipsa abunde polilurus. Assurément il y avait mieux à faire que de lire Platon pour se préparer à la mort. Remarquons, toutefois, que ce texte ne dit point que Cosme n’avait pas reçu les derniers sacrements : un homme de la Renaissance, tel que lui, était capable d’accomplir ses

devoirs religieux et de compléter sa préparation à la mort par la philosophie et la lecture d’un dialogue de Platon, étant donné surtout le sens prêté à cette philosophie platonicienne. Est-il nécessaire d’ajouter qu'à cette date (1464) Marsile était peut-être en pleine crise religieuse, et que certainement il n'était ni chanoine ni prêtre ?

Concluons. Le platonisme de Ficin fut ardent, exorbitant. Il faut lui reprocher des interprétations inexactes, des exagérations dépensée ou d’expression, des outrances périlleuses d’enthousiasme. Mais ce ne fut pas un paganisme déguisé ou qui s’ignore. Cf. C. Huit, Annales de philosophie chrétienne, nouv. série, 1895-1896, t. xxxiir, p. 367-372.

L’orthodoxie de Ficin.

Ficin fit profession

d’orthodoxie. In omnibus quæ hic aut alibi a me Iraclantur, tantum asserlum esse volo quantum ab Ecclesia comprobatur, dit-il dans sa Theologia plaloniea, Florence, 1482, fol. 12 a. Cf. la finale de ce traité et VAd lectorem exhortalio du De vita, 1. III, fol. 151 a. La cause pour laquelle il garda par devers lui sa traduction des hymnes d’Orphée, d’Homère et de Proclus, de la Théogonie d’Hésiode et des Argonautiques, fut, dit-il, Epist., 1. XI, fol. 222 6, ne forte leclores ad priscum deorum dsemonumque cultum jam mérita reprobalum revocarc viderer. C’est de Dieu, ce n’est pas de Platon que vient le salut. Salve, écrit-il à un ami, Epist., 1. VIII, fol. 171 a, inquam, millies imo semper in senipiterno auclore salutis Deo ; addidisscm et in Platane, si modo quærenda post Deum esset salus in liomine. Platon et les autres philosophes ont balbutié. Dieu aidant, quelque chose sur le Verbe, I dixerunt isti quidem quod poluerunt, et id quidem adjuI vante Deo ; Dcus autem lioe solus intelligit et cui Dei/s voluerit revelare. De religione christiana, c. xiii, fol. 16 a. Le maître de la vie n’est point Platon, ou il n’est qu’un maître inférieur ; le vrai maître de la vie, c’est le Christ ; cf., par exemple, Epist., 1. VI, fol. 149 a, 159 a ; l. X, fol. 210 a ; 1. XII, fol. 236 6 ; De religione christiana, c. XX, fol. 20. Platon ne parlait pas de ses ennemis et ne pensait pas à eux ; verum mullo divinius nos Clirislus, vitse magister, inslituit, præcipiens ut benedicta quidem maledictis benefacta vero malefactis libentissime redderemus. Epist., 1. VI, fol. 149 a. Gravement malade, Ficin a clierché dans tout ce qu’il avait lu quelque consolation ; scriptorcs humant, exceplis platonicis, nihil penilus confcrcbant, dit-il, Christi autem opéra mullo magis quam philosophorum verba consolabantur. Epist., 1. I, fol. 25 6. Cf. ses lettres de consolation, 1. I, fol. 32 a, 37 6, 45 6. Très sensible à l’amitié, il ne croit qu’aux amitiés religieuses. Cf., par exemple, Sp/s/., 1. I, fol. 176-186, 19a ; LUI, fol. 88 a, 89 a. Ce n’est pas l’amitié seule, c’est encore la bonté, la sagesse, la patience, etc., qui ne sont stables que par Dieu. Epist., 1. V, fol. 125 6-126 6, 128a- 129 6, 130 ; 1. VI, fol. 161. Ficin prie pour ses amis et les exhorte à prier. Cf. Epist., 1. I, fol. 1 a, 9 6-10 a, 10 6. Il n’aime rien tant que prier. Epist. 1. I, fol. 40 6. En traitant de l’amour de Dieu, de sa connaissance, de sa possession, il a « des élans de naysticisme, et, si j’ose ainsi parler, dit C. Huit, Annales de philosophie chrétienne, nouv. série, 18951896, t. xxxiii, p. 365, de transfusion dans la divinité qui font songer à saint François et à sainte Thérèse. " Il s’engage par des vœux à la sainte Vierge et lui attribue sa guérison dans un cas désespéré. Epist., 1. I, fol. 25 6-26 a ; cꝟ. 1. VI, fol. 147 6, 153. Voir encore, sur sa foi aux miracles. De religione christiana, ex, fol. 13 6. Il apprécie grandement la gi-âce du jubilé. Epist., 1. I, fol. 44 6. Il s’entretient souvent de la dignité du prêtre et l’idée qu’il en a est fort belle. Epist., I. I, fol. 24 6, 25 a. Écrivant une exhortation à la piété, il proteste qu’elle s’adresse à ses familiers.