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FEU DE L’ENFER — FEU DU JUGEMENT


2 Pour la llièsc llwmiste : S. Thomas aux rJf.rences i idiquées, col. 2209 ; Jean de Saint-Thomas, qui a été notre guide dans tout cet article. Cursus iheoloçiicus in Sum. theol. D. Tlmmir, lu I". q. i.xiv, disp. XXIV, a. 3 ; Gonet, (^Itipeus tlicoloijiiv tliomislicæ, tr. VIII, De angelis, disp. XIV, a. 2. 3° Pour Za discussion générale : Capréolus, De/ensior^es tlieologiæ divi Thomæ Aquinalis, In IV Sent.,

I. IV, dist. XLIV, q. iv ; Salmanticenses, Cursus théologiens. De viliis et peccalis, disp. XVIll, dub. ii ; Vasquez, In I" Sum. theol, dist. CCXLIII, c. iv, v ; Suarez, De ungclis, I. VIII, c. xiir, xiv ; In IIP" Sum. theol., q. LVi, a. 2, disp. IV, sect. iv ; tr. De purgatorio ; Lessius, De dil’inis perfeclionihus, 1. XIII, c. in. Voir aussi les auteurs récents et les articles cités à propos de la réalité et de la nature du feu de l’enfer, en particulier, Collationes brugenses, t. XVI, p. 454, 496.

A. Michel. 2. FEU DU JUGEMENT.

I. Dans lÉcrituic.

II. Dans la tradition. III. Chez les théologiens.

I. D.NS l'Écriture. — Dans l’Ancien Testament le feu est souvent représente comme un élément du jugement, soit qu’il s’agisse du jugement de Dieu en général, soit qu’il s’agisse du « jour du Seigneur » , c’est-à-dire du jugement dernier : Eccc Dominas in igné venict… quia in igné Dominas jadicabil. Is., Lxvi, 15, 16 ; cf. XIII, 9 ; xxxiv, 8, 9. Venit aies Domini… anle faciem ejus ignis varans, Joël, ii, 1-3, cꝟ. 30 ; voir aussi Mich., i, 4 ; Soph., i, 18 ; Ps. xcvi, 3 ; Dan., VII, 9. Dans le Noni’cau Testament, on retrouve des expressions identiques : Dics Domini dcclarabil quia in igné revclabitur. I Cor., iii, 13. Cf. II Thess., I, 8 ; II Pet., III, 12. Cette description du feu accompagnant le jugement divin répond-elle à une réalité ou doit-on la » onsidérer comme une métaphore ?

Il faut se souvenir que le feu est, dans l'Écriture, l'élément inséparable des théophanies. Cf. Toussaint, Éjnlres de saint Paul, Paris, 1910, t. i, p. 227, note 2. Dieu juge apparaît toujours dans un tourbillon de feu. Deut., iv, 12, 15, 33, 36 ; v, 4, 22, 24 ; ix, 10 ; X, 4 ; Ps. xvii, 9, 14 ; xlix, 3. Or, cette façon de parler, si l’on fait abstraction de certaines manifestations où le feu réel des éclairs, voir Exod., xix, 16, a pu se produire, est vraisemblablement métaphorique, tout comme sont métaphoriques les applications du mot feu à la gloire, à la majesté divine, Exod., iii, 2 ; XIX, 18 ; XXIV, 17 ; à la colère divine, Deut., xxxii, 22 ; Jer., XV, 14 ; xvii, 4 ; xxi, 12 ; Ps. lxxxviii, 45 ; Nalmin, i, 6 ; Ezech., *xxii, 31 ; xxxviii, 19 ; à Dieu lui-même, Gen., xxiv, 17 ; Deut., iv, 24. Cf. Heb., XII, 29 ; Deut., ix, 3 ; II Reg., xxii, 9.

Il est donc tout à fait probable que saint Paul, décrivant la manifestation de Jésus-Giirist et disant qu’il descendra du ciel avec ses anges èv oÀoy’t Kvyiç ou, selon une variante qui ne change pas le sens, âv 7 : -jpl o).oyor, II Thess., i, 8, emprunte ce trait aux théophanies de l’Ancien Testament et décrit métaphoriquement l’appareil dans lequel se manifeste le Christ juge. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 138 ; 1912, t. ii, p. 511, 514, note.

Ajoutons qu’au point de vue de la raison le feu réel ne saurait être conçu comme un élément du jugement divin. Ce jugement consistera essentiellement dans l’illumination de notre conscience par Dieu lui-même, voir S. Augustin, De civilale Dei, 1. XX, c. xiv, P. L., t. XLi, col. 680, et ne comportera donc qu’une action purement spirituelle. Voir Jugement.

Il faut néanmoins expliquer cette métaphore du feu dont se sert si souvent l'Écriture sainte et que l’on retrouve dans les commentaires des Pères. Le feu signifie le jugement : 1° à cause de son éclat et de sa clarté : Dieu vient juger dans le feu, parce que son jugement apparaît, comme l'éclair de feu qui sillonne les nues, avec la lumineuse clarté de la vérité, Ps. XLIX, 3 ; Malth., xxiv, 27 ; voir S. Jean Chrysostome,

Exp. in ps. AL/.v, n. 2, P. G., t. Lv, col. 224 ; S. Augustin, Quæsl. evang., 1. I, c. xxxviii, P. L., t. xxxv, col. 1330 ; S. Cyprien, inlcrprétant Is., lxvi, 15, 16, à la fin de son traité De bono patientiæ, c. xxii, xxiii, P. L., t. IV, col. 636-637 ; Théodoret, In Is., P. G.. t. Lxxxi, col. 492 ; 2° à cause de son ardeur et de son efficacité qui figurent bien le zèle et la puissance avec lesquels la justice divine tire vengeance des impies, Ps. Lxxviii, 5 ; Soph., i, 18 ; iii, 8 ; voir S. Jérôme, In Is., LXVI, 15, 16, P. L., t. xxiv, col. 663 ; S. Augustin, De civitate Dei, 1. XX, c. xxi, P. L., t. xli, col. 692 ; 3° à cause de sa subtilité et de sa pénétration, qui symbolisent la façon admirable dont le jugement divin pèsera toutes les actions humaines à leur juste valeur, avant que ne s’opère la séparation des bons et des méchants. Plusieurs Pères interprètent en ce sens Dan., vii, 9, 10, et même I Cor., iii, 13. Voir Origène, Contra Celsam, 1. IV, n. 13, P. G., t. xi, col. 1043 ; S. Ambroise, In ps. cxviii, serm. xx, P. L., t. XV, col.' 1487, 1502.

Cependant ce feu du jugement n’est pas un pur symbole. Le feu des théophanies ne fut pas toujours métaphorique, voir Exod., xix, 16 ; la colère divine s’est manifestée à maintes reprises en infligeant aux hommes le châtiment réel du feu. Gen., xix, 24-28 ; Lev., X, 2 ; Num., xi, 1-3 ; xvi, 35 ; xxi, 28 ; xxvi, 10 ; Deut., XXXII, 22 ; III Reg., xviii, 38 ; IV Reg., i, 10, 12, 14 ; II Par., vii, 1 ; Is., x, 17.De même, dans le Nouveau Testament, nous apercevons nettement qu'à côté du feu métaphorique du jugement, il y a le feu de la conflagration générale^ I Cor., iii, 15 ; II Pet., m, 12 ; et le feu éternel de l’enfer auquel le Christ juge condamnera solennellement les méchants au dernier jour. Matth., xxv, 24 ; II Thess., i, 8. II est donc vraisemblable que les écrivains sacrés font allusion à tout cet ensemble d'événements, lorsqu’ils parlent du « feu » des jugements divins, et qu’ils n’envisagent pas uniquement les éléments intrinsèques au jugement lui-même. Cette extension de leur pensée apparaît même si clairement dans les textes du Nouveau Testament que ces textes ont servi de fondement scripturaire à la doctrine du feu de l’enfer, Matth., xxv, 24 ; II Thess., i, 8, ou du purgatoire, I Cor., m, 15, ou de la conflagration, I Cor., iii, 15 ; II Pet., III, 12. Voir Feu de l’enfer ; Feu du purgatoire ; Fin du monde. Sur cette signification « pleine » des textes, on pourra consulter Knabenbauer, Comment, in proplirtas minores, Paris, 1886, t. ii, p. 481-482 ; Mgr A. Schiifer, Die Biichcr dcr Neucn Testaments, Munster, 1890, t. i, p. 137.

Il faut noter que, contrairement à l’exégèse reçue, voir Feu de l’enfer, col. 2197, quelques auteurs interprètent Marc, ix, 49, non du feu de l’enfer, mais d’un feu purificateur, par lequel tout homme passera, feu qui consumera les méchants seulement, conservera les bons, et aura ainsi les elïets du se !  : ainsi l’ont admis J. Wellhausen, Das Evangelium Marci, Berlin, 1903, p. 92 ; H. Gressmann et E. Klosterniann, Markus, dans Handbiich zum Ncuen Testament, Tubingue, 1907, t. ii, p. 80 ; J. Weiss, Das Markus Evangelium, dans Die Schriften des A’euen Testaments, 2e édit., Gœttingue, 1906, t. i, p. 165-106. Ce feu purificateur ressemblerait donc, par son effet, au feu du jugement.

II. Dans la tr.vdition. — L’idée qu'à la fin du monde une partie des hommes sera soumise à l'épreuve dujfeu, une partie à l'épreuve de l’eau, est entrée dans les idées juives au i'^'e siècle de notre ère. Voir Josèphe, Ant. jiid., I, ii, n. 3, Opéra, Amsterdam, 1726, t. I, p. 11 ; Vie d’Adam et d’Eve, 49, 50, dans Kautzsch, Die Apocnjphen, t. ii. Selon le Testament de Lcvi, 3, ibid., t. ii, p. 466, au deuxième ciel se trouve le feu, préparé pour le grand jugement de Dieu.