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FEU DE L’ENFER


per immissioncm. Albert le Grand s’exprime, dans la dernière réponse aux objections de l’art. 37, loc. cit., d’une façon plus explicite. Il dit que le feu doit, ut instnimenlian IJei, imprimcrj qualitatem suain in siibslantiam intcllrctualem. Or la qualité du feu, c’est la chaleur, dit Suarez.Nous avons vu plus haut, col. 2229, qu’Albert le Grand n’entend parler que d’une impression d’ordre intellectuel, celle que l’objet est capable d’exciter dans la faculté qui le perçoit. En tout cas, il ne s’agirait point d’une qualité dolorifère » au sens de Suarez, si toutefois Suarez lui donne un sens queltonque.

Henri de Gand a émis une hypothèse, plus acceptable pour l’imagination. Le feu afflige les esprits, in quantum calidus est et eodem génère afflictionis, quo afjfligeret scnsum corporis. Quodl., VIII, q. xxxiv. D. Soto accepte à peu près la même doctrine : il accorde que les âmes et les démons sont affliges ab illa trislitia, ejusdemquc prorsus laiionis, ac si corpora, quitus essent unitu, eoncremarentur. In IV Sent., 1. IV, dist. L, a. 2. Voir aussi Zumel, In / » "" Sum. theol., S. Thonue, q. lxiv, Venise, 11597 ; Alarcon, /n />"’Sum. theol., De angelis, tr. VI, disp. IX, c. x, Lyon, 1633. Donc même sensr.tion de brûlure pour Henri de Gand ; pour Soto, même impression de tristesse que si le feu bridait réellement le corps. Nous trouvons ici un écho des théories de saint Augustin, voir col. 2205, dont saint Thomas a fait, en quelques mots, la réfutation. Voir col. 2230.

Le cardinal Tolet reprend une idée analogue. In I^"<, q. LXiv, a. 3 : ignis ille, ut est instrumentum Dei castigantis, aetionem habet in spiritualia, qua inducat vcrissimum illnm dolorem, qui inducerctur si corpus haberent, vel corpora cssent.

Lessius, De divinis perfect., 1. XIII, c. iii, est, de tous les partisans de cette théorie, celui qui en a le mieux fait valoir les raisons. Voici le processus de son argumentation : a. l’âme unie au corps peut souffrir les atteintes du feu ; b. la perception des sens est l’opération de l’âme ; c. l’âme, même séparée du corps, conserve la faculté de sentir, qui lui est essentielle ; (I. l’intelligence des démons dépasse en afiinement, même à l’égard des objets sensibles, la perception des sens : c. bien que les objets extérieurs ne puissent pas agir par eux-mêmes comme cause unique sur les esprits, ils peuvent cependant concourir, comme cause partielle, avec les puissances de l’esprit pour produire, chez celui-ci, un acte vital. Cela posé, si ignis naturaliler per suum calorem potest affligerc spiritum hominis mediante corpore, cur idem ignis ut instrumentunt Dei non potcrit affligere cumdem spiritum sine ullo corpore medio ? Corpus enim suluni se hubct ut médium, per quod immédiate calor spiritui appticcdur, est ejus pra’scntia vi sentiendi percipi(dur. Deus autem non eget aliquo medio, sed facile omnem medii effcctum et defectum supplere potest. Cette théorie repose sur une double erreur : a. de métaphijsique, l’action sensible du feu sur l’esprit ; /). de psychologie, l’âme seule principe sentant ; la puissance sensitive est, en elTet, une puissance spirituelle, mais du composé, et la perception sensible devient par là, non l’acte de l’âme seule, mais de l’âme unie au corps. Voir S. Thomas, Sum. theol., I » , q. Lxxv, a. 3, 4 ; lll^ SuppL, q. lxx, a. 1, 2. On trouve des échos de cette théorie dans Tournebize, op. cit., p. 23-24 ; L’ami du clergé, 1902, j). 905 ; Fr. "^ichmid, Quæstioncs selectæ, Paderborn, 1891, p. 167 ; Gutberlet, voir Heinrich, Dogmatische Théologie, t. x, p. 521, avec des nuances et des explications diverses. Cf. l’esch, Præl. dogm., 3e édit., t. ix, p. 338.

Conclusion. — Que conclure sinon que notre ignorance sur le mode d’action du feu infernal est complète, et que nous ne pouvons que bâtir des hypothèses plus ou inoins iilausibles" ? D’ailleurs, cette question du

mode d’action est de peu d’importance, et, quoi qu’il en soit des systèmes théologiques, l’allirmation de saint Augustin restera toujours vraie : Cur non dicamus, quamvis miris, tamen vcris modis etiani spiritus incorporeos passe pœna curporalis ignis ctfjligi, si spiritus hominum, etiam ipsi profecto incorporel et nunc potuerunt includi corporalibus membris, et tune polarunt eorporum suorum vinculis insolubiliter atligari’.' Adhærebunt ergo spiritus dœmonum, imo spiritus dœmones, licet incorporel corporels ignibus cruciandi ; non ut ignés ipsi quibus adhsercbunt, corum junctura inspirentur…, sed, ut di.vi, miris et incfjabilibus modis adhærcndi, accipicnles ex ignibus pœnam, non dante Ignibus vitam. De eiultute Dei, 1. XXI, c. x, P. L., t. XLI, col. 725.

Sur les corps des damnés.

Ce problème qui, au

premier abord, paraît être sans difflcultés, est prescjue aussi compliqué que le précédent. Il a été moins étudié par les théologiens ; néanmoins on trouve, dans la tradition, des éléments sufflsants : 1. pour établir que le feu de l’enfer brûlera les corps sans les consumer ; 2. pour présenter une explication plausible de ce phénomène.

1. Le feu Infernal brûle les corps sans les consumer. — Cette vérité est une conclusion théologiquement certaine déduite des deux dogmes de la résurrection de la chair et de la vie éternelle : Qui dormiunt in terræ pulvere evigilabunt, alii in vltarri œternam, alii in opprobrlum, ut vileanl semper (héb. : pour une douleur [l dlr’ôn] éternelle). Dan., xii, 2. Le « ver » qui ne meurt point et le « feu » qui ne s’éteint pas, Marc, IX, 42, 48 ; Matth., xviii, 8, 9, montrent clairement aussi que le feu qui s’attache aux damnés ne consumera pas leurs corps. On retrouve cette formule chez les Pères apostoliques, voir surtout //> Cor., ii, 6 ; S. Ignace, Ad Eph., xvi, 1, 2 ; Martyr. S. Polyc, xi, 2. La tradition tout entière, en même temps qu’elle athrme l’éternité de la peine des sens, affirme impliciteiTient l’incorruptibilité des corps damnés. Aussi, d’une façon générale, il suffit de se reporter à l’art. Enfer d’après les pères, col. 47 sq. Rappelons toutefois cjuclques façons de parler plus explicites : saint Justin et Tatien, voir Enfer, col. 50, ne conçoivent pas que le feu brûle les âmes sans les corps : aussi serat-il différé jusqu’au jugement dernier ; Athénagore, De rcsurrectione mortuorum, xviii, 24, P. G., t. vi, col. 1009, démontre la résurrection par la nécessité de châtier les corps, coupables comme les âmes. Or, ces affirmations ne seraient pas exactes si les corps des damnés n’étaient pas incorruptibles. On a vii, art. Enfer, col. 50-51, INIinucius Félix expliquer comment le feu brûle les corps sans les consumer. Pour Tertullien, Apolog., c. xlix, P. L., t. i, col. 58, le feu ne consume pas, il répare ce qu’il brûle, comme celui de la foudre et des volcans : les damnés ont par la nature même du feu qui les dévore submtnlstratlonem incorruptibilitedis. Saint Hippolyte est tout aussi afiirmatif, Adv. Grœcos, 3, P. G., t. x, col. 801 : ignis incxtinguibills. .. non corpus corrumpens sed irrequicto dolore ex corpore effervescens et ebulllens. Saint Cyprien, Ad Demelricumm, c. xxiv, P. L., t. iv, col. 581 : Cremabll addilos ardens semper gehenna et vivacibus flammis vorax pœna. Lactance, Inst. div., I. VII, c. xxi, P. L., t. VI, col. 801, nous représente la chair des damnés comme Insolubills et permanens In œternum ut suffieere possit crueiatibus et igni sempilerno ; le premier, il essaie de donner une explication scientifique de cette incorruptibilité. Voir plus loin. Saint Zenon de Vérone, Traclaluum, 1., tr.XVI, n.ll, P.L., t. xi, col. 382, compai’e la résurrection des mauvais à celle des bons : duplex forma surgendi…, secunda qucc iinpios cum psccaloribus unluerslsque Incredulis gentibus pcrenni destinât pœnæ. Saint Hilaire, qui tente quelques expli-