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FEU DE L’ENFER


laisser la même liberté d’opinion : « C’est donc, dit-il, une question secondaire que la question de la nature du feu de l’enfer. L'Église ne s’est jamais prononcée sur ce point. Et à quoi bon ? » Mgr Bougau 1 entend ici, par nature, réalité ; il s’appuie sur Perrone, Preeled. iheol., De Dco creatore, part. III, G. VI, n. 729, qui dit que la question n’est pas de foi. Mais il oublie d’ajouter que le théologien romain achève ainsi sa pensée, n. 730 : Profitemur nos adhærerc sententiæ in Ecclesia commiiniler rcceptæ circa hariim pœiianun quse positivæ diciintur naturam et qualilalem ; quæ nempe est de igné maicriali et corporeo.Hœc enim doctrina ceila est, ita ut in dubium absgue iemeritate vocari nequeat. Mgr Élie Méric, L’autre vie, 13° édit., Paris, 1912, t. r., p. 262, tout en reconnaissant que la réalité du feu de l’enfer est une vérité theologiqucment certaine, incline à penser que ce n’est qu’un feu métaphorique : il y a contradiction dans les termes d’une semblable affirmation, et, d’ailleurs, on ne saurait admettre avec l’auteur qu’il est simplement <i imprudent » de nier une doctrine théologiquement certaine. La prétendue liberté du fidèle à l'égard de l’opinion du leu métaphorique a été encore affirmée par M. Émery, Dissertation sur l’adoucissement des peines en enfer, qu’on trouve aujourd’hui en appendice à Il fin de l’ouvrag de Mgr Élie Méric. Voir aussi Sifflet, Cours lucide et raisonné de doctrine chrétienne, Lyon, 1898, p. 398 ; cet ouvrage a été mis à l’index. Ces théologiens ont été induits en erreur par plusieurs auteurs du xviii'e siècle, notamment par FclIcr, Catéchisme philosophique, 3e édit., Liège, 1787, t. III, p. 91 ; pa le CatJchisme dit de Montpellier, réédité à Avignon, 1839, t. i, p. 267 ; parle jésuite Kleppé, Exposition de la doctrine chrétienne, Strasbourg, 1716, p. 704 ; et surtout par Mgr de Pressy, èvêque de Boulogne-sur-Mer, Dissertation tliéologique sur l’incarnation, dont voici, relativement au sujet qui nous occupe, le passage important : « L’opinion selon laquelle le feu de l’enfer n’est que métaphorique n’exclut pas la peine du sens, consistant dans i ne affliction du corps, quoique non causée par le feu. Les Israélites, peiidant leur servitude en Egypte, comparé : à une fournaise ar lente, n’enduraient pas le supplice du feu ; mais ils souffraient de grandes peines corporelles. Il est dans l’ordre de la justice que les corps, qui ont coopéré avec les âmes des réprouvés aux crimes, en partagent avec elles le châtiment… La même Écriture se sert souvent du mot ignis pour signifier afiliction, peine, soit de l’esprit, soit du corps, épreuve par tribulation. » Instructions pastorales, 1786, t. i, p. 474. Nous nous sommes inscrits en faux, voir col. 2197, contre cette dernière assertion de Mg ; de Pressy ; sa thèse e’ic même contient une double erreur : elle suppose d’ab rd que l’opinion du feu métaphorique est libre dans l'Église ; ell ; admet ensuite que la peine du sens est, en soi, indépendante de la peine du feu, alors que l’enseignement de l'Église fait de la peine du feu la partie essentielle de la peine du sens. Voir Enfer, col. 107.

4. I : faut compter, parmi les partisans déguisés du feu métaphorique, les théologiens qui, niant la matérialité ou c)rporéitô du feu de l’enfer, en font un feu spirituel. Parce que ce feu a été préparé pour les démons, qui sont des esprits purs, et non pour les hommes, voir S. Jean Chrysostome, Ad Tlicodorum laps., i, n.U), P. G., t. xlvii, col. 237-290, le feu de l’enfer serait, d’après Klee, A’a//io/iSf/ ! cZ)o, (7n ! n/(7f, Mayence, 181.0, t. II, p. 436, purement spirituel. C’est aussi l’opinion de M. F. Dubois, Revue du clergé français, t. x.xxii, p. 282, s’appuyant, p. 269, note, sur un texte obscur, mais non apodictique, de Bossuet : « .le ferai sortir du milieu de toi le feu qui dévorera tes entrailles. Je ne l’enverrai pas de loin contre toi.

et ce seront tes péchés qui le produiront. » Sermon sur la nécessité de la pénitence, iii^ dim. d’avent 1669, i'^ point. Œuvres, édit. GuiUaume, Paris, 1885, t. vi, p. 653. Cf. Sermon pour le dimanche des Rcmieaux, t.vi, p. 3C1. Voir la réfutation de cette thèse dans la même Revue, t. xxxiii, p. 426. C’est également en ce sens que s’exprimeleCatécliisme de Montpellier, Zof.f (7. : « L'Écriture sainte nous donne lieu de croire que le feu de l’enfer sera un feu réel et véritable ; …mais savoir si ce sera proprement un feu matériel ou non ; c’est ce que l'Écriture sainte ne décide nulle part, et ce sur quoi l'Église n’a rien prononcé. » Cf. aussi Martinet, Theol. dogm., t. III, p. 577, 578. On a dit au début que le problème ne se posait pas en ces termes ; cette question spéciale sera, en effet, examinée à propos de la nature du feu de l’enfer. Mais il faut dès maintenant observer que cette thèse, tout en maintenant en paroles la réalité ontologique du feu de l’enfer, la nie en fait en le considérant comme un feu purement spirituel.

5. Enfin, parmi les auteurs catholiques, il faut signaler à part Schell, Katholische Dogmatik, Paderborn, 1890, p. 888, qui, dans un exposé très confus de la nature des peines de l’enfer, semble incliner vers cette théorie ; et surtout Mivart, Happiness in hell, dans le The nineteenth century, décembre 1892, février et avril 1893. Ce dernier auteur, plaçant le bonheur même dans l’enfer, ne voit dans le feu que le symbole de peines modérées. Voir Tournebize, Opinions du jour sur les peines d’outre-tombe, Paris, s. d., p. 9. Nous signalons à part ces deux auteurs catholiques, parce que leurs ouvrages ont été condamnés : ceux de Schell, par le décret de l’Index du 15 décembre 1898 ; ceux de Mivart, par le décret du Saint-Office du 19 juillet 1898.

Quelques opinions non catholiques.

Les premiers protestants se sont peu préoccupés du feu de

l’enfer ; c’est surtout contre le feu du purgatoire qu’ils ont dirigé leurs attaques. Néanmoins on trouve dans Calvin plusieurs atrirmations directes contre la réalité du feu de l’enfer ; pour lui, les tourments des damnés sont figurés par le feu ; l’enfer n’est que l’horreur d’une mauvaise conscience ; le feu n’est que le tourment de cette conscience criminelle d’une façon métaphorique. Voir Institution de la religion chrétienne, 1. iii, c. XXV, Genève, 1609, p. 506. Théodore de Bèze reproduit évidemment le même enseignement.

L’influence de Calvin a été, sur ce point, très réelle dans la théologie protestante ; et si l’on rencontre plusieurs protestants conservateurs qui, comme Lightfoot, Meyer, retiennent encore dans leurs différents commentaires sur Marc, ix, 48 ; Matth., xiii, 42 ; XXV, 41 ; Luc, xvi, 24, le sens réaliste, le plus grand nombre accepte aujourd’hui l’interprétation allégorique. B. Weiss, Lelirbuch der Biblischen Théologie, Stuttgart et Berlin, 1903, p. 117-118, dit simplement que le feu de l’enfer ne peut être considéré comme matériel et que par conséquent il n’anéantit ni les âmes ni les corps. Ce feu est le symbole de la colère divine contre les méchants. De même, Nôsgen, Die Evangelien nach Matthàus, Markus und Lukas, 2e édit., Munich, 1897, p. 252, voit dans le feu de l’enfer un symbole de la colère de Dieu contre les réprouvés. Pour M. J. Bovon, Théologie du Nouveau Testewicnt, 2e édit., Lausanne, Paris, 1902, t. i, p. 493, la mention des flammes dans la description de l’enfer n’est qu’une image. Cf. J. H. Holtzmann, Die Sijnoptiker, 3 édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 155, 190-197, 390. Le Dictionary of the Bible de Hastings, art. Pire, se prononce sans discussion pour le sens métaphorique, alors que d’autres encyclopédies, moins récentes (par exemple, ceUes de Kitto et de Smith), ne s'étaient pas prononcées. Et c’est encore bien l’esprit de l’art. Enfer, dans l’Encyclopédie religieuse de