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FEU DE L’ENFER

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Joa., XV, 6, et surtout Apoc, xiv, 11, fumiis tormenlorum ; xix, 20, slagnum ignis ardenlis snlphure. Cf.

XX, 9 ; XXI, 8. L’idée d’un feu réel est tellement au fond de leur enseignement qu’ils prennent comme tj’pc, saint Pierre des châtiments à venir, saint Jude expressément du feu de l’enfer, le feu tombé du ciel sur Sodome et Gomorrlie. II Pet., ii, 0 ; Jud., 7. On consultera avec profit, sur tous ces textes, l’ouvrage d’Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Ofjenbaning iin Alten und Neucn Testamente, Fribourg-en-Brisgau, 1890.

D’ailleurs, à l'époque de Notre-Seigneur, l’idée d’un feu réel en enfer est une idée reçue dans toute la théologie juive extra-canonique. En rappeler les principales manifestations ne sera que compléter la preuve tirée de l'Écriture sainte. Le Livre d’Hénoch nomme expressément le supplice du feu, x, 6 ; xviii, 11-lC ;

XXI, 7-10 ; Liv, l, 6 ; xc, 24, 26 ; c, 9 ; l’esprit du pécheur est jeté dans la fournaise, xcviii, 3 ; son âme entre dans les ténèbres et dans une flamme ardente, ciii, 8 ; son esprit brûle dans le feu, cviii, 3. Ce feu brûle jusqu’aux os des damnés, xc, 27. Cependant, dans un passage précédemment cité, xcviii, 3, l’auteur semble condamner les esprits seuls des damnés à être jetés dans la fournaise. Il n’est guère admissible toutefois qu’il ait conçu le feu de l’enfer comme un feu immatériel, capable d’agir sur de purs esprits. Cf. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 63-64 ; F. Martin, Le livre d’Hénoch, Paris, 1906, Inlrod., p. xxxvii, XLV-xLvi. Dans le Livre des songes, les anges déchus sont, au jugement dernier, précipités dans un abîme de feu, xc, 21, 24. Même doctrine dans le livre des Secrets d’Hénoch, x, 42 ; lxiii, 4. Les damnés doivent être jetés dans le feu : tel est le châtiment décrit dans ÏApoccdijpse de Baruch, xliv, 15 ; ii, 1-2, 4-6 ; et dans IV Esd., vii, 36, 38, 84. Voir Scliûrer, Geschichle des jiidischen Votlics im Zeituller Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1898, § 29. L’Ascension d’Isaie, iv, 18, prédit la destruction des méchants par le feu que le Fils de Dieu fera monter de lui-même contre eux. Cf. E. Tisserant, L’Ascension d’Isaïc, Paris, 1909, p. 12, 126. Le supplice du feu n’est pas mentionné parmi les peines des damnés dans les Psaumes de Salomon. Le « feu » dont il est question au ps. xii, 5, paraît être un de ces genres de mort horribles que la colère du Seigneur réserve au pécheur..J. Viteau, Les Psaumes de Salomon, Paris, 1911, p. 62, 318, 319. L’existence du feu en enfer est également afTH-mée dans IV Mach., ix, 9 ; X, 10, 15 ; xii, 12, et dans le Testament d’Aser, vi, 5. Dans le IV « livre d’Esdras, vii, 38, le feu de la géhenne est opposé au rafraîchissement du paradis. Kautzscli, Die Apocrijphen und Pseiidepigraphen des Alten Testaments, Tubingue, 1900, t. ii, p. 371. Cf. J. Lagrange, Le messicmisme chez les Juifs, p. 129.

En résumé, la sainte Écriture et les apocryphes afiirment nettement l’existence du feu en enfer ; de plus, les textes cités semblent bien ne supporter qu’une interprétation réaliste ; l’interprétation luétaphorique, supposant que le feu est une simple affection de l'âme, comme le chagrin et le remords, ou, comme on l’a dit, « un désir porté à son paroxyme et jamais satisfait, » est contredite par le sens obvie des textes rapprochés entre eux et par la croyance populaire unanimement professée au temps de Jésus. Nous aurons l’occasion d’exposer plus loin les arguments scripturaires des partisans du feu purement métaphorique ; mais il est à noter, dès maintenant, que la ijlupart des exégètes rationalistes et des [irotestants (sauf, parmi ces derniers, quelques conservateurs comme Lightfoot) inclinent vers l’interprétation métaphorique. On y reviendra plus longuement à propos de l’enseignement des théologiens.

/ ;. rnADiTior ; PAinisriQVE. — D’une numière géné rale, le courant traditionnel est en faveur de lu réalité du feu de l’enfer. On l’a d’ailleurs suffisannnent indiqué à l’art. Enfer d’après les Pères, col. 48 sq., et il n’est besoin présentement que de le rappeler en quelejues mots.

1° Les Pères parlent presque toujours du feu de l’enfer en des termes clairs et explicites qui rappellent ceux de la sainte Écriture, et qui, pas plus que ces derniers, ne peuvent supporter une interprétation métaphorique. S. Justin, voir col. 49 ; S. Irénée, col. 54 ; S. Cyprien, col. 61 ; Arnobe, coi. 62 ; S. Victorin de Pettau, col. 62 ; S. Basile le Grand, col. 68. La Didascalie des douze apôtres (fm du iii° siècle) appelle le feu de l’enfer « un feu dur et amer, » c. iii, 3, 3, un feu « cruel, inextinguible et insupportable, » c. vi, 17, 6, où le pécheur brûlera et sera supplicié sans repos pour toujours, c. xix, 6, 7, un feu « qui ne s'éteint pas, » c. xxvi, 20, trad. Nau, 21e édit., Paris » 1912, p. 26, 58, 153, 212.

2° Très souvent, les Pères comparent le feu de l’enfer aux feux terrestres ou aux feux allumés par Dieu pour punir les pécheurs. Minucius Félix et Tertullien, col. 50, 51, comparent les feu.x de l’enfer aux volcans et à la foudre ; saint Jean Chrysostome, In Epist. ad Rom., homil. iv, n. 3, P. G., t. lx, col. 420, et saint Augustin, De civilate Dei, 1. XVI, c. xxx, P. L., t. XLi, col. 509, en trouvent une image dans les feux de Sodome et de Gomorrhe.

3° Les Pères parlent parfois expressément de feu corporel. On trouvera j^lus loin des témoignages explicites de saint Augustin, col. 2204 sq. ; de saint Grégoire le Grand, col. 2207 ; rinfluence de ce dernier sera immense sur tous les docteurs du moyen âge, qui se réclameront de lui pour proclamer la matérialité du feu de l’enfer. Voir Enfer, col. 82.

Cependant, les partisans du feu métaphorique faisant appel à la tradition patristique pour asseoir leur opinion, il convient d’examiner de près les autorités auxquelles ils se réfèrent. Dom Calmet, qui soutient cependant la réalité du feu infernal, affirme sur Eccli., VII, 19, après avoir cité Origènc, saint Jean Damascène et saint Grégoire de Nysse, que le sentiment qui ne voit dans le feu de l’enfer qu’un feu métaphorique, " a été et est encore assez commun chez les grecs, et, au concile de Florence, ils soutinrent que le feu du purgatoire, qui est le même que celui de l’enfer, n'était point un feu vrai et réel. » Commentaire littércd, 2'^ édit., Paris, 1726, t. v, p. 313. L’autorité des Pères est invoquée aussi en ce sens par Feller, Ccdéchisme philosophique, 3e édit., Liège, 1787, t. iii, p. 91.

1. Pères qui n’admettraient le feu de l’enfer que dans un sens métaphorique. — a) Dans l'Église grecque. — a. Origène, avec sa doctrine de l’apocatastase, est le premier qui ait systématiquement et explicitement contredit la croyance au feu réel de l’enfer ; ou plutôt, il est le premier à avoir expliqué nettement ce feu en un sens métaphorique. Son précurseur et maître. Clément d’Alexandrie, ne semble pas, en effet, s'être exprimé aussi clairement à ce sujet. Voir Enfer, col. 56 ; Atzberger, Gcschichte dcr christlichen Eschatologie innerhdlb der vornicànischen Zeit, Fribourg-enBrisgau, 1896, p. 359, 362. Sans doute, on trouverait facilement dans les œuvres d’Origène des textes contredisant, apparemment du moins, cette interprétation. Mais loyalement on doit reconnaître qu’Origène est un partisan déterminé du feu métaphorique : « Les méchants subiront le tourment du feu, mais non pas d’un feu préparé d’avance et commun à tous. Le feu qui les dévorera serapropre à chacun d’eux et naîtra de leurs péchés mêmes, du remords qu’ils en concevront, à peu près comme le feu de la fièvre naît des mauvaises humeurs accumulées dans l’organisme. » Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. i, p. 304. Les