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FETICHISME — FEU DE L’ENFER


si géncrcuseinent ces mêmes aptitudes qu’on leur a d’abord refusées. Et enfin, A. Comte n’a point prouvé, mais il postule seulement pour les besoins de sa démonstration que les hommes, même privés de toute révélation primitive, même placés dans un véritable état d’impuissance, se soient nécessairement et inévitablement engagés dans le fétichisme, comme si, parmi toutes les conceptions religieuses, le fétichisme eût été d’abord la seule possible et la seule naturelle. « Il pouvait arriver également que l’imagination religieuse fût frappée des grands spectacles de la nature, de la beauté et de la puissante influence des astres, de la force des éléments, du mystère d’un phénomène à la fois doux et terrible, tel que le feu. Il pouvait arriver que la superstition vît des esprits partout dans les éléments, au lieu d’animer et de personnifier les éléments eux-mêmes. D’autres déterminations encore étaient possibles, et nous verrons qu’elles se sont, en effet, produites. Nous décrirons un certain nombre de formes de religion que tout nous porte à traiter d’originales et de primitives. Il serait du moins on ne peut plus arbitraire de les regarder comme les produits d’une évolution unique, lorsque cette prétendue forme première ne peut ni se démontrer a priori ni s’induire de l’observation et des traditions avec quelque vraisemblance. » Renouvier, loc. cit., p. 233, 234.

En second lieu, on ne peut même pas dire que le fétichisme soit à proprement parler une religion. « En présence de faits cultuels indéniables, dit II. Nicolay, ceux qui plaident contre l’universalité du sentiment religieux croient échapper à la contradiction en disant que le fétichisme n’est pas une religion. En cela on joue sur les mots, et on nie l'évidence. » Histoire des croyances, Paris, 1911, t. r, p. 10. Mais ceux qui mettent une religion partout où ils trouvent du sentiment religieux ne jouent pas moins sur les mots que ceux qui ne mettent point de sentiment religieux là où ils ne trouvent pas de religion. Le sentiment religieux est une chose, et la religion en est une autre ; et sans aller jusqu'à dire que souvent elles se contredisent, il est permis de croire que la première est quelquefois le plus sérieux obstacle à la formation ou au développement de la seconde. Ce qu’il faut, en effet, pour constituer une religion, ce sont des croj^ances collectives et ce sont des pratiques communes, confiées à un sacerdoce, et qui soient pour les fidèles un motif de rassemblement ou de groupement. Il n’y a précisément rien dont les croyances et les pratiques fétichistes soient plus éloignées que de cette organisation, même rudimentaire, qui est toujours le signe et pour ainsi parler le commencement d’une religion. « Quoiqu’il existe sans doute des fétiches de tribu, et même de nation, la plupart néanmoins sont essentiellement domestiques, ou même personnels, ce qui oiTre bien peu <le secours au développement spontané de pensées suffisamment communes ; » et comme, au surplus, chaque fétiche a son siège immédiat dans un objet matériel nettement déterminé, le culte est presque toujours <c un culte essentiellement personnel et direct, dont chaque croyant peut être le ministre immédiat, sans aucune interposition forcée envers ses divinités spéciales, constamment accessibles par leur nature. » A. Comte, loc. cit., p. 30. C’est ainsi que le fétichisme n’a jamais pu arriver à constituer ni une véritable conununauté de fidèles ni un véritable sacerdoce. Il se présente à nous comme l’une des formes religieuses les plus vagues, les plus inconsistantes, les plus instables, toujours ouvertes et toujours mouvantes, que la civilisation et la religion, principalement prêchées par nos missionnaires, déplacent chaque jour davantage et finiront sans doute par absorber tout à fait.

Outre les ouvrages cités, voir Ch. de Brosses, Le culte des dieux //liclies, Paris, 1760 ; C. N. de Cardi, .Ju. ju taws and

customs 0/ ilie Niger delta, dans Journal o/ Ihe anlhropolo(lical Institute o/ Great Brilain and Ireland, nouv. série, Londres, 1899, t. ii, p. 51 ; D' Nina-Rodrigues, L’animisme fétichiste des nègres de Bahia, Bahia, 1900 ; abbé A. Bros, La religion des peuples non civilisés, Paris, 1907 ; IMgr A. Le Roy, La retigion des primitifs, Paris, 1909 ; et art. Féticliisme, dans le Diclionnairc <V apologétique, t. i, col. 1902-1906.

J. Bouché.

1. FEU DE L’ENFER. Afin d'éviter les redites inutiles et de faire de cet article un simple complément de l’art. Enfer, on s’en tiendra aux trois aspects principaux du problème concernant le feu de l’enfer : L Réalité. II. Nature. III. Mode d’action.

I. Réalité.

Il faut s’entendre sur le sens précis du mot réalité. Il ne s’agit pas ici précisément de savoir si le feu de l’enfer est un feu corporel et matériel comme le feu de la terre : cette question sera examinée à propos de la nature du feu de l’enfer. Il s’agit tout d’abord de savoir si le feu de l’enfer est une entité réellement distincte de l'âme damnée, ou, plus exactement, s’il comporte une cause objective réellement distincte des soufi’rances qu’il fait endurer aux damnés, quelle que soit d’aifieurs la nature de cette cause. Bien que la tradition, à laquelle l’on fera appel pour élucider ce premier point, parle presque toujours de feu matériel et corporel, c’est donc uniquement à la réalité objective de ce feu que nous devons nous arrêter, par opposition au feu métaphorique, alïection subjective de l'âme comme le chagrin et le remords.

/..iFFIRMAriONS DE l'ÉCRITUnE SAIME. — L’art.

Enfer a signalé le progrès de la révélation du dogme de l’enfer, dans tout l’Ancien Testament. Si le peuple hébreu n’a pas eu, dès le commencement, une idée bien nette de l’enfer, on comprendra que, parallèlement, la notion du feu de l’enfer ne se soit fait jour, de façon précise, qu’assez tard dans l’histoire de l’Ancien Testament. Il est clair cependant qu’on ne doit pas exclure la possibilité d’une connaissance plus exacte, qu’auraient retenue d’une révélation primitive certains personnages plus instruits : elle n’apparaît pas toutefois dans le texte sacré.

Par ordre d’antiquité, c’est l’histoire de Coré, de Dathan et d’Abiron qui nous révèle, pour la première fois, l’existence du feu vengeur. Num., xvi, 35. Bien que la Vulgate porte le mot infernum, il ne s’agit ici expressément que du ëe'ôl, les enfants innocents comme les parents coupables ayant été ensevelis et dévorés par le feu. L’expression ignis consiimens, Deut., xxxii, 22, n’est qu’une métaphore exprimant la rigueur et l’universalité des châtiments divins.

Le livre de Job laisse pareillement dans l’incertitude la nature des châtiments de l’autre vie. La chaleur indiquée au c. xxiv, 19, attribuée dans la Vulgate à l’enfer, n’est, dans le texte hébreu, qu’une comparaison : « le se' il engloutit le pécheur comme la sécheresse et la chaleur absorbent l’eau des neiges. » Il est peu probable également que le feu signalé, Ps. X, 7 ; XX, 10,.soit le feu de l’enfer. Le premier de ces textes fait allusion à la destruction de Sodome et de Gomorrhe ; le second n’est qu’une métaphore, reproduite d’ailleurs en maints endroits de l'Écriture, Mal., IV, 1 ; Ose., vii, 7, ou peut-être encore une allusion à II Reg., XII, 31. Cf. Ps. cxxxiv, 11 ; xvii, 14. La colère de Dieu qui s’est maintes fois manifestée par le feu, Lev., x, 2 ; Num., xi, 1 ; xvi, 35, justifie ces métaphores. Cf. Deut., iv, 24 ; Heb., xii, 29 ; Ps. Lxxxviii, 45 ; Is., xxx, 33 ; xxxiv, 10 ; lxv, 5 ; Jer., XV, 14 ; xvii, 4. Voir P. M. Hetzenauer, Theologia biblica, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. i, p. 622. i

Il semble qu’Isaïe, le premier, ait eu la vision nette de la nature des peines endurées en enfer. C’est dans le dernier chapitre, lxvi, que nous trouvons la description de ces peines. Après le « feu du jugement » ,