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FENELON

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lorsque nous regardons la personne humaine — la seule que l’expérience et la raison nous révèlent — nous la voyons subsister dans une nature numériquement distincte : autant nous comptons de personnes, autant nous comptons de natures ; mais la raison nous contraint-elle d’affirmer qu’il en est ainsi en Dieu ? Elle sait que l’unité inlinie est aussi l’infinie richesse, l’infinie perfection : et elle ne peut, a priori, opposer une fin de non-recevoir à la révélation qui lui découvre en Dieu trois relations subsistantes, trois personnes dirons-nous avec la théologie et l'Église, en attachant à ce mot personnes un sens supérieur à celui qu’il a dans le langage humain. Notons-le d’ailleurs, pour que la pluralité des personnes altérât l’invulnérable unité de la nature divine, il faudrait cjue le concept de la nature et le concept de la personne fussent identiques ; or ces concepts sont distincts, ils sont irréductibles.

Dans tout l’ouvrage, à de hautes spéculations s’entremêlent des effusions pieuses qui rappellent celles dont abondent les Confessions de saint Augustin.

Les Lettres de Fénelon sur divers sii/cts de religion et de métapliysique « peuvent être considérées comme la suite et le complément du Traité de l’existenee et des attributs de Dieu. « Gosselin, HistoirelittérairedeFénelon, part. I, a. 1, sect. i, n. 2. Au nombre de sept, ces lettres, dont la première était adressée au duc d’Orléans, futur régent, traitent des vérités fondamentales, regardées surtout au point de vue du xv !  !  ! e siècle : l’existence d’un Dieu infiniment parfait et souverainc : nent libre, et la réfutation du spinosisme ; la liberté et l’immortalité de l'âme ; la nécessité d’un culte intérieur et extérieur ; l’existence enfin et l’autorité de l'Église catholicjue. Dans la vi'= lettre où il indique les moyens variés dont Dieu se sert pour attirer les âmes droites, où il indique l’indispensable nécessité d’une préparation morale chez quiconque cherche la vérité religieuse, Fénelon révèle une psychologie pénétrante, une sûre et consolante théologie.

Signalons aussi sa Lettre à AL Vévêque d’Arras sur la lecture de l'Écriture sainte en langue vulgaire.

Nous n’avons pas encore dit quelle était la doctrine de l’archevêque de Cambrai sur un point dont l’importance, capitale de tout temps, l’a paru davantage encore lors du concile du Vatican qui a élevé au rang de dogme une vérité certaine.. la différence de la plupart des théologiens français du xviie siècle, l""énelon était uUramonlain. L’avait-il toujours été? Si un Mémoire, découvert parmi les leitres écrites de Saintonge, copié par un secrétaire de l’abbé Grégoire, et attribué par celui-ci à Fénelon, est authentique, il faut reconnaître que le futur archevêque a été gallican à ses débuts. M. Émery croyait ce Mémoire l'œuvre de Claude Henry, et de fait, on y retrouve les idées principales des jD/sroi/rs s ;  ;  ; - Z'/u’sloire ecclésiastique. Au point de vue doctrinal, l’auteur rejette l’infaillibilité personnelle et même l’infaillibilité officielle du pape ; l’indéfectibilité du Saint-Siège lui suffit. Au point de vue disciplinaire, il veut que l’action romaine soit surveillée et limitée. M. Gazier s’est autorisé de critères internes pour attribuer ce Mémoire à Fénelon, dont il croit y reconnaître le style et la manière de procéder : phrases courtes, simples et pourtant imagées ; entrée en matière vive et précise ; parfaite netteté dans la distribution des idées ; développement historique serré ; alinéas numérotés. L’auteur du Mémoire fait allusion à la Vie de CJxurlemagne, œuvre de Fénelon qui périt dans l’incendie de son palais. C’est vers 1688 que M. Gazier place la composition du Mémoire. Les raisons qu’il allègue ne paraissent pas décisives ; rien d’ailleurs d'étonnant à ce que l’abbé de Fénelon, à une certaine époque, ait partagé certaines idées de Flcury et de Bossuet.

Quelques défiances cquc l’auteur du Mémoire manifeste à l'égard de Rome, il affirme la nécessité de « connaître de sang-froid et sans passion les vraies maximes de l'Église gallicane qui sont modérées et pleines de sulwrdination pour le Saint-Siège ; » l’auteur redoute, comme la redoutera plus tard l’archevêque de Cambrai, l’intervention du parlement dans les affaires de l'Église.

Quoi qu’il en soit de l’origine de ce Mémoire, la Dissertatio de suninii ponlificis auctoritute nous donne l’irrécusable témoignage des sentiments de Fénelon dans la dernière période de sa vie. L’archevêque de Cambrai écrivait après l’assemblée de 1682, car il raconte, au c. vii^ de sa Dissertation, une pressante discussion qui eut lieu alors entre Bossuet, lequel défendait fortement l’indéfectibilité doctrinale du Saint-Siège, et l'évêque de Tournai, Gilbert de Choiseul, qui n’hésitait pas à la rejeter. M. Émery avait publié ce fragment de la Dissertation dans son édition des Nouveau.t opuscules df l’ablfé Flcury ; ei la Dissertation parut intégralement pour la première fois en 1820. La thèse de Fénelon, dont on remarquera l’extrême réserve, est celle-ci : Sententia quic docet pontifieem… non passe ullo modo definire aliquid hærelicum a tota Ecclesia credendum, certissinw est et asserenda, c. ii. Fénelon prouve sa thèse par de nombreux textes empruntés à la tradition et par une argumentation pressante. Craignant que l'Église ne parût quelquefois manquer d’un centre déterminé, par exemple, pendant la vacance du Saint-Siège, il s’attache à montrer dans l’assentiment du clergé romain parlant avec son ciief, non pas seule : nent une caractéristique de Ve.r cathedra, comme il le fut autrefois, mais une condition I même de l’exercice de l’infaillibilité doctrinale. Or, cette infaillibilité, c’est le pape qui la possède, et c’est à lui cju’il appartient de choisir le mcilk-ur moyen de notifier à toute l'Église son irréformable décision.

Si dévoué à une doctrine cjue la France ecclésiastique avait ofiiciellement désertée, Fénelon, nous l’avons dit, dut se justifier de l’avoir trop peu défendue dans l’affaire du jansénisme. Il allègue au cardinal Gabrielli les motifs cjui lui ont commandé le silence sur ce point (lettre du 2.5 août 1704) ; en 1707, il rappelle au cardinal Fabroni que son mandement pour l’acceptation de la bulle Vinecun Domini contient une nette affirmation de la promesse qui assure à Pierre le droit d'être obéi en matière de foi. Nequc certe quisquam alins autistes hœc conunemorare ausus est, ajoute-t-il avec une modeste fierté. Il soutient aussi dans une lettre à Gabrielli (1707) la manière dont les évêques français avaient accepté par voie de jugement la constitution apostolique. « Il conclut, dit M. Gosselin qui résume la dernière partie de la lettre de Fénelon, que les évêques étant, par l’institution de Jésus-Christ lui-même, soumis à la juridiction du souverain pontife, n’ont pas le droit d’examiner, de réformer ou de supprimer le jugement du Saint-Siège ; mais qu’ils ont cependant le droit, en acceptant sa décision, de prononcer avec lui, par voie de jugement, en attestant que cette décision s’accorde avec la tradition des Églises particulières. » Histoire littéraire de Fénelon, part. I, a. 1, sect. ii, n. 4.

La doctrine de Fénelon, traitée de subtilité par dom Guéranger, a été défendue par le P. Matignon, Études religieuses, janvier, mai 1870.

Sur la question que le 1 «  article de la Déclaration de 1682 avait tranchée d’une manière si radicale et si contraire à un enseignement presque universel, Fénelon propose une solution d’entre deu.r, qui devait être adoptée et défendue par Gosselin, Pouvoir du pape au moyen âge. Fénelon n’admet ni le pouvoir direct, ni le pouvoir indirect du souverain pontife sur le temporel ; il explique l’intervention des papes dans les conflits des rois et des peuples par un pouvoir directif qui aurait fait d’eux les casuistes suprêmes de la chrétienté. La