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FÉNELON


faire à Dieu le sacrifice absolu de son’bonheur éternel. 3° Dans l'état du pur amour, l'âme est indifférente pour sa propre perfection et pour les pratiques de vertu. 4° Les âmes contemplatives perdent, en certains étals, la vue distincte, sensible et réfléchie de JésusChrist… Pour comprendre dans cette analyse toutes les propositions du livre des Maximes condamnées par le bref d’Innocent XII, il faut ajouter deux autres erreurs à celles que nous avons exposées : loTous les fidèles ne sont pas également appelés à la perfection, et n’ont pas la grâce qui les y pourrait conduire… 2° L’oraison ordinaire n’est que pour les imparfaits, et l’oraison extraordinaire est essentielle â la perfection. Histoire littéraire de Fénelon, Analyse de la controverse du qniétisme, a. 2, Quiétisnie mitigé du liiur des Maximes, p. 76-84. « L'œuvre n'était pas encore parue, que l’auteur éprouvait le besoin de lui ajouter quelques correctifs, quelques atténuations avant de la livrer au public. » Albert Chérel, Édition critique des Maximes des saints, introduction. Fénelon prépara une seconde édition des Maximes, revue, corrigée et fort augmentée par lui-même, avec l’aide de ses amis, à la suite des premières critiques de ses adversaires. M. Chérel s’est demandé si Rome aurait condamné la seconde édition comme elle a fait de la première. « On en peut douter, dit-il, car un certain nombre de passages visés par le bref se trouvent modifiés ici. » Et cependant, il reconnaît que pour d’autres passages les corrections sont fort légères, que beaucoup sont laissés indemnes de tout changement, et il conclut : « La doctrine des Maximes eiit donc paru peut-être encore sur certains points erronée et dangereuse. »

Discussion des Maximes.

L’opinion, qui devait

plus tard se retourner en faveur de Fénelon, accueillit mal son livre. « Vous avez peu de partisans dans cette affaire, écrivait à l’auteur des Maximes l’un de ses plus courageux et dévoués amis, M. de Brisacier, supérieur du séminaire des Missions étrangères… Il est vrai qu’il ne se trouve presque personne qui ose vous soutenir ni dans la forme ni dans le fond ; et vos meilleurs amis sont désolés de vous voir engagé dans une carrière dont vous ne pouvez sortir avec un entier agrément, et où certainement vous n’aviez nulle obligation d’entrer pour la gloire de Dieu, qui au contraire en souffrira. » Bossuet se tut pendant quinze jours, tout occupé à l'étude du livre de Fénelon ; puis il rompit le silence. Est-il vrai que l'évêque de Meaux « ait demandé pardon au roi de ne lui avoir pas révélé le fanatisme de son confrère ? » C’est ce qu’affirment, sans le prouver, le chevalier de Ramsay et le marquis de Fénelon ; rappelons-nous d’ailleurs que le mot fanatisme n’avait pas au xviie siècle le sens odieux qu’il a de nos jours. Il Croire sans comprendre, ni ce qu’on croit ni pourquoi on croit, ni si c’est Dieu qu’on croit, c’est fanatisme, c’est enthousiasme extravagant, » lisons-nous dans une des lettres attribuées à Fénelon par Dutoit et par M. Masson, Fénelon et A/"'^' Gui/on, lettre xcii"', p. 247 ; et c’est le même sens que l’archevêque de Cambrai donne au mot fanatisme dans ses lettres incontestablement authentiques sur la religion.

Au début de la controverse, les sentiments de Bossuet n'étaient point tout à fait ce cju’ils devinrent plus tard. Assurément, il jugeait les Maximes sans aucune indulgence. « Le livre, disait-il, est fort peu de chose ; ce n’est que propositions alambiquées, phrase et verbiage. On est assez déchaîné contre tout cela. Il y aurait des propositions essentielles à relever. » Mais il ajoutait : « Nous garderons toutes les mesures de charité, de prudence et de bienséance. » A son neveu, l’abbé Bossuet, alors à Rome. Lettre du Il février 1697.

Fénelon, invité à des conférences qui devaient se tenir à l’archevêché de Paris entre Noailles, Bossuet

et Godet des Marais, refusa de s’y rendre, ou du moins n’accepta qu'à certaines conditions que Bossuet n’accepta point. Les conférences néanmoins eurent lieu, et aboutirent à une Déclaration qui, avec le consentement du roi, fut remise au nonce Delfini, le 6 août 1697. Elle fut publiée. Fénelon y répondit par une lettre à un ami (le duc de Beauvilliers) qui fut imprimée, traduite en italien et répandue à Rome. Fénelon aussi avait publié une Instruction pastorale où il s’efforçait d'établir la conformité de sa doctrine à celle des articles d’Issy. Ainsi conunençait une controverse retentissante à l’heure même où le recours de Fénelon au souverain pontife aurait dû faire cesser tout débat. De l’aveu du roi, F'énelon avait porté sa cause au Saint-Siège, par une lettre du 27 avril 1697. Il y analysait la doctrine de son livre, la réduisant à sept chefs, la déclarant conforme à celle des articles d’Issy, et appelant en témoignage les évêques qui les avaient dressés. Tuiim est judicare, Sanctissime Pater, disait-il à Innocent XII ; meum vero in le Pelrum, cujus fides nunqaum defîcici, viuentem et loquenlem audire ae revereri.

Louis XIV ne permit point que Fénelon allât se défendre lui-même à Rome. Des rigueurs ou des menaces atteignirent les amis de Fénelon. M"'"= de Maintenon ne pardonnait pas à l’archevêque le goût qu’elle avait ressenti pour ses idées, et les démarches imprudentes auxquelles ce goût l’avait entraînée ; plus tard, si l’on en croit Hébert, curé de Versailles, le Télémaqae l’irritera. Lettre de Fénelon au duc de Chevreuse, fui de 1699 ou commencement de 1700. Elle fait renvoyer de Saint-Cyr trois religieuses, entre autres M""" de la Maisonfort. Fénelon, relégué dans son diocèse, perdit le titre de précepteur des enfants de France (août 1697) ; ses auxiliaires dans l'éducation des princes, MM. de Léchelle et Dupuy, furent destitués ; l’abbé Claude Henry ne conserva sa place de sous-précepteur que par le crédit de Bossuet. Le duc de Beauvilliers lui-même fut menacé dans sa fonction de gouverneur du duc de Bourgogne.

Entre les deux adversaires, la controverse dura plus de dix-huit mois (d’août 1697 à mars 1699), aux regards attentifs de la France et de l’Europe (Leibniz, à plusieurs reprises, s’efforce de résoudre ce qu’il appelle « l'énigme de l’amour désintéressé » ; le bénédictin Lami, dans son traite De la connaissance de soi-même ; Malebranche, dans son traité De l’amour de Dieu, étudièrent la question ; Bourdaloue se prononce contre le quiétisme ; Rancé, dans une lettre à Bossuet de mars 1697, juge la doctrine de Fénelon avec une sévérité hautaine). M. Gosselin a donné la longue énumération des œuvres polémiques de Fénelon et un court commentaire de chacune d’elles. Histoire littéraire de Fénelon, part. I, a. 1, sect. III. Nous allons reproduire cette énumération. Réponse de M. l’archevêque de Cambrai à la Déclarcdion de M. l’archevêque de Paris, de M. l'évêque de Meaux et de M. l'évêque de Chartres, contre le livre intitulé : Expliccdion des maximes des saints ; Réponse à l’ouvrage de M. de Meaux intitulé : Siimma doctrinec ; Dissertedion sur les véritables oppositions entre la doctrine de M. l'évêque de Meaux et la mienne ; Lettre de M. l’archevêque de Cambrai à M. l’archevêque de Paris sur son Instruction pastorale du 27 octobre 1697 ; liesponsio illnstr. D. arclnepiscopi Camerncensis ad epistolam illustr. D. l’arisiensis arclnepiscopi ; Lettres de M. l’archevêque de Cambrai à M. l'évêque de Meaux, en réponse aux Divers écrits ou Mémoires, sur le livre intitulé : Expliccdion des maximes des saints ; Lettres de M. l’archevêque do Cambrai pour servir de réponse à celle deM. l'évêqiie de Meaux ; Réponse de M. l’archevêque de Cambrai à l'écrit de AI. de Meaux, intitulé : Relation sur le quic i