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FENELON

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ciccs distincts, quoiqu’ils ne soient pas toujours sensiblement et distinctement aperçus.

33° On peut aussi inspirer aux âmes pieuses et vraiment humbles une soumission et consentement à la volonté de Dieu, quand même, par une très fausse supposition, au lieu des biens éternels qu’il a promis aux âmes justes, il les tiendrait, par son bon plaisir, dans des tourments éternels, sans néanmoins qu’elles soient privées de sa grâce et de son amour, qui est un acte d’abandon parfait, et d’un amour pur, pratiqué par des saints, et qui le peut être utilement, avec une grâce très particulière de Dieu par les âmes vraiment parfaites, sans déroger à l’obligation des autres actes ci-dessus marqués, qui sont essentiels au christianisme.

34" Au surplus, il est certain que les commençants et les parfaits doivent être conduits, chacun selon sa voie, par des règles différentes, et que les derniers entendent plus haut et plus â fond les vérités chrétiennes.

Bossuet et Noailles avaient condamné les ouvrages de M""^ Guyon sans toutefois la nommer ; et Bossuet, rassuré par l’apparente soumission de cette femme qui s'était retirée dans son diocèse, l’admit aux sacrements et lui tlonna un certificat d’orthodoxie(l'"'^juillet 1695) dont elle devait abuser. Sortie secrètement de Meaux et cachée à Paris, elle répandit ses erreurs, et refusa d’abord la rétractation qu’exigeait Noailles, devenu archevêque. Après diverses captivités, elle fut mise en liberté le 21 mars 1703. C’est à Blois qu’elle mourut le ! t juin 1717. Nous allons voir à quel point Fénelon lui demeura obstinément fidèle.

Le 10 juillet 1695, l’archevêque de Cambrai avait été sacré à Saint-Cyr, dans la chapelle de Saint-Louis, en présence de ses royaux élèves et de M""' de Maintenon, par l'évêque de Meaux assisté des évêques de ( ; hâlons et d’Amiens. Bossuet, qui plus tard eut le tort de s’en défendre, avait manifesté le désir très légitime d’accomplir cet acte de paternité spirituelle. Quand il eut écrit, dans sa RcUdiun sur le qiiiélisim, t|u’il regardait depuis longtemps Fénelon comme imbu de cette erreur, l’archevêque de Cambrai lui denmnda pourquoi il avait été si empressé d’imposer les mains, sans rétractation préalable, à un fauteur d’hérésie ; et, pour rappeler un mot tristement célèbre, au Montan d’une autre Priscillc. Réponse à la Relation sur le quiélisme, c. iv.

Bossuet et Fénelon avaient tous deux souscrit les articles d’Issy ; mais les deux ouvrages qui parurent presque en même temps, V Inslruclion paslorale sur les états d’oraison, et l’Explication des maximes des saints sur la vie intérieure, nmntrèrent que leurs auteurs ne les entendaient ni ne les interprétaient de la même manière. Bossuet publia en mars 1697 le premier traité de son Instruction paslorale sur les états d’oraison, où sont combattues les erreurs des nouveaux mystiques. I.c second traité, retrouvé et imprimé en 1897 par M. Levesque, de la Compagnie de Saint-Sulpice, donne les principes de l’oraison chrétienne.

Le traité publié par Bossuet comprend dix livres et se divise en deux parties. On y retrouve Bossuet tout entier avec sa plénitude de doctrine et son éloquence. Le côté faible, c’est qu’il ne discerne pas d’un clair regard le motif spécifique de la charité : la perfection souveraine aimée d’un amour qui n’exclut pas l’espérance, mais qui en fait abstraction ; sur ce point, Fénelon aura raison. « Pour Bossuet, a dit M. Levesque parlant du second traité, et cette remarque s’applique aussi au premier, l’amour de charité ne va pas sans l’amour de la béatitude dont le motif est essentiel à tous nos actes. » Instruction sur les états d’oraison, second traité, Introduction, 4. Les suppositions impossibles par lesquelles certains saints, dans un excès d’amour, renonçaient au salut, attirent peu Bossuet ; toutefois, sa connaissance et sou estime de la tradition le gardent de tout jugenient qui serait irrévérencieux et injuste. Bossuet avait communiqué à l’archevêque de Cambrai son manuscrit, et lui demandait une

approbation"qui eût mis en évidence l’accord des conférenciers d’Issy. Cette approbation, Fénelon la refusa ; il ne voulait ni adopter publiquement des idées qui toutes n'étaient pas les siennes, ni joindre son suffrage à la condamnation dont l'évêque de Meaux frappait les ouvrages de M""" Guyon. Voir lettre à M"'" de Maintenon, 7 mars 1696. « Plusieurs croiront, disait Bossuet, que ces livres (ceux de Falconi, de Molinos, de Malaval, de M™ « Guyon) ne méritent que du mépris, surtout celui qui a pour auteur François Malaval, un laïque sans théologie (sur Malaval, voir l’abbé Dassy, Malaval, l’aveugle de Marseille, dans les Mémoires de l’Académie de Marseille, 1868-1869), et les deux qui sont composés par une fenune, comme sont le Moyen court et facile et V Interprétation du Cantique des cantiques… »

De son côté, Fénelon avait composé VExplication des maximes des saints sur la vie intérieure. Par suite de l’indiscrète précipitation du duc de Chevreuse, le livre des Maximes parut dès février 1697, quarante jours avant VInstruction sur les états d’oraison. Au dire de Fénelon, l’ouvrage avait été revu et approuvé par Noailles, devenu archevêque de Paris, par Tronson et Pirot. Sur l’approbation donnée par ce dernier docteur, voir Charles Urbain, Revue d’histoire littéraire de la France, 15 avril-15 juillet 1896. Nous savons la médiocre estime où Fénelon tenait l’archevêque de Paris, « esprit court et confus. » Lettre au duc de Beauvilliers, 30 novembre 1699. Quant à Tronson, s’il ne blâme pas, il n’approuve point davantage ; le prudent sulpicien avoue qu’il a trouvé dans les Maximes « des endroits qui le passaient ; » il s’en rapporte au jugement de l’archevêque de Paris que Fénelon lui a dit favorable. De fait, l’archevêque de Cambrai entrait seul dans le champ de bataille.

Doctrine des Maximes des saints.

Nous allons

résumer le livre des Maximes d’après l’analyse que M. Gosselin en a donnée. Fénelon distingue d’abord cinq amours ou plutôt, comme il l’explique lui-même, cinq états différents d’amour de Dieu : 1° Vamour purement servile, qui aime Dieu pour des biens distincts de lui ; 2° l’amour de pure concupiscence par lequel on n’aime Dieu que comme l’instrument unique de félicité que l’on rapporte uniquement à soi ; 3° l’amour d’espérance dans lequel le motif de notre bonheur prévaut encore sur celui de la gloire de Dieu… Cet amour n’est pas entièrement intéressé, car il est mélangé d’un commencement d’amour de Dieu pour lui-même, mais le motif de notre propre intérêt est son motif principal et dominant ; J° l’amour intéressé, amour de charité mélangé de quelque reste d’intérêt propre, mais qui est le véritable amour justifiant, parce que le motif désintéressé y domine : 5° le pur amour ou la parfaite charité, « qui est une charité pure, et sans aucun mélange du motif de l’intérêt propre. Ni la crainte des châtiments, ni le désir des récompenses n’ont plus de part à cet amour. Ces paroles, remarque M. Gosselin, « renferment la première proposition condamnée par « le bref d’Innocent XII. « Après ces notions préliminaires, Fénelon divise son ouvrage en 45 articles. Chaque article renferme deux parties : la première, intitulée article vrai, expose la doctrine des vrais mystiques sur le pur amour ; la seconde, intitulée cu-ticle faux, montre les abus que l’on fait ou que l’on peut faire de la doctrine des saints… Toutes les erreurs qu’il (le livre) renferme peuvent, au jugement de Bossuet, Avertissement sur les écrits de M. de Cumbray, ii, se réduire à quatre principales : l^Il y a dans cette vie un état habituel de pur amour, dans lequel le désir du salut éternel n’a plus lieu. 2'>Dans les dernières épreuves de la vie intérieure, une âme peut être persuadée, d’une persuasion invincible et réfléchie, qu’elle est justement réprouvée de Dieu, et, dans cette persuasion