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FÉBRONIUS


Le style pourtant est parfois dur, incorrect, embarrassé. L’auteur surtout manque de justice envers ceux qui, avant lui, se sont consacres aux redierches de ce genre et dont les travaux lui furent d’une incontestable utilité, car il en a usé largement. Malgré ses défauts, VHisloria Trevircnsis diplomnlica ri pragmatica est une œuvre de valeur : la plus complète qui existe sur l’archevêché et l'électorat de Trêves. Elle attira à Jean Nicolas de Hontheim de pompeux éloges de la part des érudits de l'époque. L’esprit cependant qui avait dirigé cette volumineuse compilation criticohistorique ne disposait que trop le cliancelier de l’université de Trêves à la composition de l’ouvrage capital de sa vie, par lequel il devait répandre à travers le monde ses idées schismatiques qui allaient faire de lui un chef de secte.

IL Erreurs de Fébronius sur les droits du SAINT-SIÈGE. — Six aus après la publication du l’rodronuis historiæ Trevirensis, paraissait un ouvrage intitulé : Jiislini Febronii jurisconsalti De statu pnvscnti Ecclesiæ et légitima potestate romani pontificis, liber singularis, ad reuniendos dissidentes in religione compositns, in-4°. Bouillon et Francfort, 1763. L’auteur s'était caché sous le voile de l’anonyme. .Jean Nicolas de Hontheim, pour partir en guerre contre le saint-siêge, avait pris le nom de sa nièce, Justine, religieuse, qui, dans son monastère, était appelée Fébronia.

A la lecture de ces pages, on ne s'étonna pas que l’auteur n’eût pas voulu, tout d’abord, se faire connaître. Son but, disait-il dans le titre même, était de ramener l’union dans l'Église ; mais il semblait plutôt avoir eu à cœur d’y allumer un brandon de discorde. Déclamer contre le souverain pontife et nier ses droits ; inspirer aux lidèles une défiance inquiète et jalouse contre leur père commun ; provoquer avec acrimonie des hostilités contre le centre de l’unité catliolique, tels étaient les moyens par lesquels il prétendait pacifier l'Église. Livre singulier, en effet : lit>er singularis ! rai traité d’anarchie ecclésiastique.

Afin de faciliter la réunion des dissidents avec les catholiques, il s'était efforcé, disait-il, de ramener le l^ouvoir du pape dans ses bornes primitives. La préface exhortait le souverain pontife à renoncer, pour l’amour de la paix, à certains droits de la primauté qui, selon le trop charitable écrivain, n'étaient que d’une utilité secondaire pour le gouvernement de l'Église. A l’entendre, les prérogatives de la primauté avaient été extrêmement exagérées par les décrétâtes du faussaire Isidore : le pape ne devait être, par rapport aux évêques, que primas inter pares et l’exécuteur des canons décrétés par les conciles qui lui étaient supérieurs et dont il n'était que comme le délégué. Pour que les lois émanées simplement du pape obligeassent les fidèles, il fallait le consentement de l'épiscopat. Si donc le pontife suprême ne renonçait pas volontairement aux droits usurpés le long des siècles, les évêques devaient l’y contraindre, et pouvaient même, à cette fin, invoquer rappui du bras séculier. Les intérêts éternels des âmes en danger de se perdre à la suite de ces usurpations multipliées, le souci de l’unité à refaire, la sauvegarde de l'Église menacée dans sa divine constitution, le retour aux saines doctrines, à la pratique constant^ des apôtres et aux laseignements du Fils de Dieu, exigeaient impérieusement qu’on en vînt à ces mesures extrêmes, si les conseils, les avis, les prières même ne sufiisaient pas pour atteindre ce but éminemment désirable.

Un tel ouvrage fit grand bruit. Les ennemis de l'Église en tressaillirent d’aise et le louèrent à l’envi. Ils s’en servirent pour légitimer leurs attaques les plus violentes contre la hiérarchie cathoUque, surtout contre le vicaire de Jésus-Christ et sa primauté. Ce

factum, cependant, n'était pas de nature à causer une impression profonde sur des hommes instruits, calmes et impartiaux. Ce que Fébronius avançait de vrai était emprunté aux théologiens orthodoxes, aux Français de préférence, surtout à Bossuet. Les erreurs étaient tirées des jansénistes, des protestants, ou des canonistes suspects, de l’espèce de Van Espen, son maître, dont il avait subi si entièrement la néfaste influence. Des matériaux aussi dissemblables ne pouvaient guère aller ensemble, et Fébronius les avait compilés, d’ailleurs, assez maladroitement. Il suffisait de rapprocher certains passages de son livre pour réfuter Fébronius par lui-même, tant il tombait dans de perpétuelles contradictions, en essayant de s’appuyer sur des documents qui s’cntre-détruisaient les uns les autres.

En voici quelques exemples. Après avoir avoué, d’assez mauvaise grâce d’ailleurs, p. 28, que le pouvoir des clefs donné par Notre-Seigneur à saint Pierre, Matth., XVI, 19, doit s’entendre de la primauté de saint Pierre et de ses successeurs sur le siège de Rome, il soutient plus loin, p. 54, que le Fils de Dieu a conféré ce pouvoir des clefs, non à saint Pierre, mais à toute l'Église. Dans le chapitre suivant, p. 154, oubliant cette contradiction flagrante, il revient à sa première assertion, à savoir que la primauté a été accordée à l'évêque de l'Église de Rome. Il trouve cependant le moyen de varier une troisième fois sur ce même sujet, en afilrmant que cette primauté a été concédée au pape, non par Jésus-Christ, mais par saint Pierre et par l'Église. Si saint Pierre ne l’avait pas, comment a-t-il pu la transmettre à ses successeurs ? et, s’il l’avait, la tenant de Jésus-Christ, qu’a-t-il eu besoin de l'Église pour la transmettre ? En suivant les raisonnements de Fébronius, et en comparant les uns aux autres les divers passages où il traite de cette question si importante, il est impossible de savoir à quelle personne la primauté a été accordée, ni par qui elle lui a été donnée.

Mais il est plus difiicile encore de savoir en quoi consiste cette primauté. C’est ici que les assertions les plus contradictoires se suivent et s’accumulent. Toutefois, ce n’est pas encore assez pour cet esprit malade et inconséquent avec lui-même. A la p. 108, il affirme que Jésus-Christ, en donnant les clefs « toute l'Église en corps, a voulu que le droit de ces clefs fût exercé sous le bon plaisir de l'Église par les évêques et les pasteurs. Ceux-ci donc ne tiennent pas de JésusChrist leur autorité et leur juridiction sur les fidèles ; ils la tiennent des fidèles eux-mêmes, et ne peuvent l’exercer que soa.s le bon plaisir de ces mêmes fidèles. C’est quelque chose comme le suffrage universel introduit dans la société religieuse et menant directement à l’anarchie spirituelle. L’auteur a voulu jeter dans l'Église la confusion qui règne perpétuellement dans son livre, car, presque à chaque page, on rencontre le oui et le non prononcés de la manière la plus catégorique et la plus tranchante sur le même sujet.

Dans ses allégations, Félironius fait preuve aussi d’une insigne mauvaise foi. Après avoir affirmé solennellement qu’il ne citerait que des auteurs graves, pieux, orthodoxes, et reconnus comme tels par toute l'Église, il apporte à chaque instant le témoignage de Pufl’endorf, de Fra Paolo, de Dominis, de Dupin et d’autres écrivains répréhensibles, appartenant à toutes les sectes ennemies de l'Église. Dans son bref du 14 décembre 1764, à l'évêque de Ratisbonne, Clément XIII stigmatise un mensonge aussi effronté : Omnia, dit-il, ex bierclicorum et sanctæ sedi infensissimorum hominuBi lihris conquisivil, et absurdissima quæi’is de suo adjecil. On avait lieu de profondément s'étonner aussi qu’un évêque n’eût pas rougi de reproduire les récriminations, les sarcasmes et les plaisanteries de mauvais