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FASTIDIUS — FATALISME


Fastidius par le cardinal Pitra, Analecla sacra et !

classica, Paris, 1888, t. i, p. 134-136, n’est qu’un !

plafiiat audacieux de la lettre pseudo-hiéronymienne, 1

XXXII, ad Pammachiiim et Occamim, P. L., t. xxx, i

col. 239-242. P’astidius n’y est pour rien. '

L. Duchesne, Bulletin critique, 1891, p. 202-204 ; dom j Morin, Revue bénédictine, 1898, p. 481-490 ; Kiinstle, Tlieol Quartalschri/t, 1900, p. 193-204 ; Bardenhewer, Les Pères de l'Église, noiiv. édit. franc., Paris, 1905, t. ii, p. 447.

P. Godet. FATALISME. — 1. Définition. II. Espèces. I. DÉFINITION.

Fatalisme vient de / « /(i/? !, lequel est lui-niênie <> dérivé de /a/(, c’est-à-dire prononcer, décerner. » Leibnitz, Opcra philosophica, édit. Erdniann, Berlin, 1840, p. 764. Fatum aalem dicunt qaidqnid dci faiitur, qaidqnid Jupiter fatar ; a fando igitur fedum dicunl, id est, a loqucndo. S. Isidore de Séville, Elijm., 1. VIII, c. XI. Le fedum désigne en latin ce que désignait en grec le mot sijxapiJ.îvY) : fatum id appelloqnod Grœci £tu.apixévriv. Cicéron, Dt^ divinalione. Eij^.apo) que Henri Estienne, Thésaurus linguæ yrœcæ, t. ii, p. 840, place sous le verbe [xei’pto, signifiait partage ou division ; d’autres mots, comme ceux de [xoîpa et de aWa, avaient la même signification. Si les Latins, au lieu de transporter directement dans leur langue, comme ils paraissent avoir souvent fait, l’un des mots qui signifiaient en grec la destinée, ou de les traduire par une expression semblable dont la composition renfermât les mêmes éléments, ont, au contraire, imaginé ou rencontré le nom religieux de fatum, on pourrait en donner peut-être cette raison que la théorie de la destinée ou du destin qui fait le fond du fatalisme, s'étant peu à peu transformée, avait fini par déborder pour ainsi dire les vocables qui l’avaient d’abord recouverte. Ce sont les Grecs eux-mêmes qui avaient commencé à faire entrer dans les explications ou définitions de reiu.ipiJ.EvT, les idées de sagesse éternelle, de raison universelle, de parole divine, qui forment l’essence même du fatum latin. Un mot nouveau devait répondre à des idées nouvelles. C’est ce mot qui a donné naissance, chez nous, à celui de fatalisme dont la signification générale se trouve ainsi suffisamment marquée par son origine.

Le destin ou fedum ne fut, en effet, jamais considéré comme synonyme ni du hasard ni de la fortune. II y a sans doute aussi entre le hasard et la fortune une certaine différence ; la fortune ne s’entend que des choses où la volonté humaine a sa part : foriuna non est nisi in his qux voluntarie agunt, S. Thomas, II Phijs., 10 ; le hasard s'étend à toutes les choses naturelles : in illis quæ fiant a ncdura, ibi habcl locnm casus, scd non foriuna, loc. cit. ; mais les résultats du hasard et ceux de la fortune sont également imprévus ; et voilà pourquoi on dit qu’il n’y a rien de capricieux comme la fortune ni d’inconstant comme le hasard. Ce qui fait au contraire le fond du falum, et par conséquent du fatalisme lui-mêtne, c’est l’idée de nécessité.

.Mais en premier lieu, cette nécessité n’a rien de commun avec celle que suppose le déterminisme. Voir Déterminisme. On dit assez communément que le déterminisme se distingue du fatalisme en ce qu’il n’admet que du déterminé ; il ne remonte pas à un être transcendant qui pourrait par cette transcendance même échapper ; i la détermination ; mais le fatalisme fait déI)endre tous les événements d’une première cause qui peut être aussi bien une volonté libre absolue : ainsi, tandis que le déterminisme renferme la nécessité dans la nature, le fatalisme la rattache à une puissance supérieure. Disons cependant encore quelque chose de l)lus, car, dans les limites mêmes de la nature où elles s’exercent l’une et l’autre, la nécessité du fatalisme est toute différente de la nécessité du déterminisme : celle-ci est intérieure aux choses mêmes qu’elle régit ;

elle est telle qu’elle enchaîne toutes nos actions les unes aux autres ; et c’est ainsi que l’on peut dire, par exemple, « que nos actions dépendent de nos désirs ; » mais dans le fatalisme nos actions sont déterminées d’une autre sorte : elles ne se tiennent pas ensemble comme les anneaux d’une même chaîne ; et il n’y a pas de celle qui précède à celle qui suit, comme dans le déterminisme proprement dit, rapport d’antécédent à conséquent ; il peut arriver que nos actions soient conformes, mais il peut arriver aussi qu’elles soient contraires à nos désirs ; il n’y a aucune liaison réelle entre ce que nous voulons et ce que nous faisons ; et la nécessité extérieure à laquelle nous sommes assujettis est tellement plus forte que nous qu’elle peut contredire à chaque instant les efforts que nous ferions pour nous en délivrer. « La doctrine de la causation des actions humaines n’est point identique avec le fatalisme, et ne produit pas les mêmes effets moraux. En l’appelant fatalisme, on renverse une distinction fondamentale… Le fatalisme pur… soutient que nos actions ne dépendent pas de nos désirs. Quels que soient nos désirs, une puissance supérieure, ou une destinée abstraite sera plus forte qu’eux, et nous forcera à agir, non pas comme nous le voudrons, mais comme nous sommes prédestinés à le faire. » J. Stuart Mill, La philosophie de Hamilton, trad. Cazeilles, Paris, 18C9, p. 570.

En second lieu, comme elle est en dehors et audessus de lui, l’homme ne peut point pénétrer la nécessité qui le gouverne : les stoïciens eux-mêmes, qui s’associent au destin par leur volonté, n’ont aucune prétention de le connaitre ; et c’est pourquoi cette nécessité, si absolue en elle-même, devient pour nous l’absolue contingence. Si nous étions seulement assurés de certaines liaisons constantes qui arrivent dans la nature, nous pourrions avoir l’illusion d'échapper à une fatalité dont nous connaîtrions les secrets et dont nous saurions prévoir les résultats réguliers et infaillibles. Mais dans l’hypoth 'se où se placent toutes les doctrines fatalistes, la nécessité extérieure qui nous opprime est une chose toujours obscure et mystérieuse, absolument impénétrable.

Et c’est ce qui fait, en troisième lieu, que cette nécessite a toujours été considérée comme irrésistible : volenlem ducunt feda, nolenlem trahuid. Le premier mouvement que l’on éprouve, en effet, devant un tel joug est de courber la tête dans une sorte d’apathie et d’immobilité et de demeurer inerte sans même essayer une résistance que l’on croit inutile. C’est ainsi que le fatalisme aboutit à la plus complète passivité. Le rai sonnement des fatalistes était appelé par les Grecs l’argument de la paresse : '/.oyhç àpyoç. On pourrait le formuler ainsi : « Que tu brises ou 'non ta chaîne, si ta destinée est d'être délivré, tu le seras ; si elle est de ne pas être délivre, tu ne le seras pas : il est donc inutile de briser ta chaîne. » Mais il y a un moyen facile de franchir le cercle où cet argument paraît nous enfermer : « Il est inutile de briser ta chaîne ; mais aussi il est inutile de ne pas la briser ; rien ne sert de fuir, disait-on au soldat musulman, mais aussi rien ne sert de rester : dans un cas comme dans l’autre, il n’arrivera que ce qui doit arriver. »

Ainsi la plupart des fatalistes ont été conduits à une conséquence que leur théorie ne renfermait pas nécessairement : le fatalisme, considéré en lui-même, peut logiquement aboutir à deux conclusions contraires. On remarquera du reste que les stoïciens, passant entre ces deux conclusions, en adoptèrent pour ainsi dire une troisième qui consistait à s’identifier avec le destin et, au lieu de s’anéantir devant lui ou de s'émanciper de sa tutelle, à s’associer à lui pour devenir avec lui la loi du monde.

Tel est, dans ses grandes lignes, le fatalisme : on peut