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FAREINISTES


plaît. L’insubordination des femmes à leurs maris, des enfants à leurs pères, le manque de respect et le vol autorisé, lorsqu’il s’agit des ordres du sieur Bonjour. » Les dépositions des témoins au procès et quelques aveux de François Bonjour confirment une |) ;  : rtie de ces maximes, et le cantique Allcluia les résume. Il fallait obéir aux ordres de Dieu, même à celui de tuer, que ces ordres soient reçus directement en vision ou par l’intermédiaire du curé. La secte fermera la véritable Église, qui sera substituée à l’ancienne, lors d, ; lu venue d'Élie et du régne millénaire de Jésus-Christ sur terre. Les élus et les parfaits peuvent se permettre toutes choses, puisqu’ils sont incapables de pécher. On n’a pas de preuve directe de l’erreur sur la propriété. Les curés sont indépendants de leurs évêques ; l’archevêque de Lyon n’est que le premier des curés du diocèse, il ne peut donner juridiction au remplaçant de François Bonjour qui l’enlève à ce dernier, parce qu’il peut seul déléguer ses pouvoirs spirituels. L’autorité des maris sur leurs femmes et des parents sur leurs enfants n’est niée que si elle s’exerce à rencontre de la volonté du curé (ans les choses religieuses, et le m inque de respect et le vol ne sont autorisés que dans l’intérêt du nouveau culte ; il fallait bien remplir la bourse de la secte, ou des « nonnains » .

Jansénistes possibilistes.

François Bonjour,

réfugié à Paris en 1788 et en 1789, s’unit plus étroitement aux disciples du frère Augustin, qui s'était fait passer pour le Saint-Esprit et qui enseignait que tout était possible (d’où le nom de possibilistes) et permis à ses adeptes, même la désobéissance aux commandements de Dieu. Revenu à Fareins, il prêcha la nouvelle doctrine, qu’acceptèrent ses partisans. Ils changèrent tellement de conduite, qu’ils ne firent même plus baptiser leurs enfants, et que, pendant la Révolution, ils abandonnèrent le culte et démolirent leur église. Claude Bonjour déplora d’abord la nouvelle doctrine de son frère ; mais bientôt séduit, il s’imagina qu le règne de Jésus-Christ sur terre était commencé par François. Celui-ci, le lendemain du jour où il avait prêté le serment constitutionnel, s'était sauvé à Paris avec deux femmes qui étaient enceintes. Il justifiait sa conduite et ses plus honteux écarts par l’exemple d’Abraham qui avait deux femmes, et il faisait des dupes à Fareins. Sa servante devait enfanter le prophète Élie ; mais elle accoucha, le 25 janvier 1792, d’un enfant mort-né du sexe féminin. Le 18 août suivant, la veuve Larèche donna le jour à l’enfant divin, qui ne fut d’abord que le prophète Élie en attendant qu'à l'âge de quatorze ans il devint le Paraclet et le Saint-Esprit. Dès le jeudi saint de 1791, François avait p. r.iis à cette épouse de Jésus-Ciirist qu’elle aurait un fruit, qui serait ïë Saint-Esprit. Des cantiques et des hymnes célèbrent cette glorieuse naissance. On les chantait à Fareins, où la majorité de la population était bonjouriste et où l’on croyait à toutes les nouvelles annonces de Paris envoyées par l’ancien curé. Durant toute l'époque révolutioimaire, la municipalité est prise dans la secte. Le 13 prairial an III (l'^"' juin 1795), h’rançois écrivit à ses paroissiens qu’il fallait continuer l'œuvre de Dieu et leur défendit de recommencer le culte public avec un prêtre insermenté. Les réunions particulières continuèrent et on y chantait les cantiques de la secte. Voir le Livre des cantiques, réédité en 1797. Il surgit alors à Fareins quelques prophétesses, qui vinrent à Paris faire reconnaître leurs visions ou leurs révélations. Beaucoup s’y établissaient et la colonie fareiniste était nombreuse autour île François Bonjour, qui était prote dans une imprimerie.

Sous le consulat, les pouvoirs publics s’occupèrent de la secte. Le 21 messidor an XI (1.3 juillet 1803),

le sous-préfet de Trévoux adressa un rapport au préfet de l’Ain, qui envoya une dénonciation au ministre de l.i justice, le 7 fructidor suivant (8 août 1803). Parmi les principes du bonjourisme le préfet signalait « l’union à Dieu par la perfection, » qu’il jugeait destructrice de toute morale. Le parfait est impeccable et se livre sans honte et sans remords à toutes sortes d’excès. C’est en vertu de ce principe que des femmes s'étaient abandonnées à François Bonjour. Les habitants de Fareins détestaient aussi la religion catholique et étaient anti-concordataires. Claude Bonjour était alors cordonnier à Corbeil. Plus du tier.s de la population de Fareins appartenait à la secte ; c'était surtout des journaliers et des ouvriers. Les réunions se tenaient principalement au hameau du Peyra. Les Bonjour venaient tour à tour, en secret, à Fareins, où ils avaient des correspondants zélés. Un messager portait de l’argent à Paris et en rapportait des lettres, des cantiques et des reliques du jeune prophète Élie. Cependant, le crédit des Bonjour diminuait à Fareins. Le ministre répondit, le 23 fructidor (10 septembre), que le préfet ait à veiller à l’ordre public. En 1805, un adepte, nommé Souchon, qui était devenu banquier, fit banqueroute et dénonça les frères Bonjour. Le 5 pluviôse an XIII (25 janvier 1805), François fut arrêté avec quinze de ses associi’S au faubourg Saint-Marceau ; les hommes furent enfermés à la Force, les femmes à Sain Lazare, et l’enfant divin fut mis dans un liDspic'. Huit prisonniers furent bientôi remis en liberté. Une somme de 100 000 francs à peu près, qu’on avait trouvée en leur possession, fut saisie. Les Bonjour sortirent aussi de prison, le 2 prairial (22 mai) ; ils se réfugièrent à Ouchy, près de Lausanne, où ils entretinrent le culte de l’enfant divin. Rien de nouveau ne s'étant produit, quand il eut atteint quatorze ans, comme on l’espérait, sa manifestation fut reportée à sa majorité. Celle-ci approchant, son pèr^' résolut de l’envoyer à Paris (lettre du 24 janvier 1811). Le futur Paraclet se maria à Paris eu 1812, et aucun changement n’eut lieu dans l’ordre des choses à sa majorité. Ces cruels mécomptes ne diminuaient pas la confiance des adeptes. Claude Bonj jur mourut en Suisse, François revint à Paiis en 1818. Il y mourut à une date inconnue, laissant sept enfants en dehors d'Élie. Le Paraclet manqué établit un commerce de laines et en 1860 il acheta l’ancienne abbaye de Saint-Nicolas à Ribemont, auprès de Saint-Quentin. Il mourut, le 4 septembre 1806, père de onze enfants, dont s'était converti en 1854.

État actuel.

Une partie de la population de

Fareins est denreurée obstinément fidèle à la doctrine de ses anciens curés. En 1831, elle comptait la moitié du bourg (1200 habitants). En 1859, les fareinistes étaient encore 500 ; sous le second empire, ils diminuèrent un peu et ne furent plus que 400. En 1864, le curé catholique, l’abbé Dubouis, écrivit une brochure : A nos frères séparés, par laquelle il se proposait d'éclairer les sectaires de sa paroisse et de les détromper. Ils lui répondirent : Le grand Élie divin qui doit rétablir toutes choses. Avis administratif, fatidi lue, adressé à ceux qui croient aux saintes Écritures, par Jean du Loir. Le Il février 1869, V Univers pubhait une réfutation de cette élucubration. Les missions, prêchées à Fareins, ont ramené quelques égarés. Les mariages mixtes diminuaient progressivement leur nombre. Aujourd’hui, les fareimstes sont, à Fareins, à peu près 200 ; les habitants de trois hameaux sont tous jansénistes ; ce sont des irréductibles. II y en a encore un petit nombre à Paris, cinq ou six à Ribemont (Ois, ) et quelques-uns à Nantes, où l’abbé Fialin, ancien curé de Marcilly-le-Châtel et ami du vicaire Farlay, s'était retiré sous le premier empire.