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EXTREME ONCTION DU I" AU 1X « SIÈCLE


conclure qu’il y avait alors deux usages distincts, mais légitimes, l’un privé, l’autre officiel, de la même huile. « Les fidèles s’en servent eux-mêmes, mais elle sert aussi pour l’extrême onction. » Duchesne, op. cit., p. 30"). Saint Césaire semble ne connaître et ne recommander que l’application d’huile faite par le malade, en pleine église, sur lui-même ou celle que se donnaient à sa place ses parents, lorsque le patient n’était pas transportable. Mais est-ce ainsi qu’on doit interpréter les affirmations de l’évêque d’Arles ? De bons juges l’affirment ; d’autres, et ce n’est pas seulement pour des raisons d’ordre dogmatique, se refusent à l’admettre. Le théologien peut d’ailleurs accepter sans inquiétude l’une ou l’autre solution : il y a toujours eu en certaines églises des usages particuliers. Et le témoignage isolé de saint Césaire ne doit pas faire oublier les textes très clairs qui reconnaissent au prêtre un l)ouvoir propre et régulier d’administrer l’extrême onction.

Tels sont les faits constatés par les historiens. Que penser de cette onction pratiquée sur eux-mêmes par les fidèles ? Les théologiens n’ont pas csquiué la question. De Sainte-Beuve a depuis longtemps donne de fort bonnes réponses. Op. cit., col. 43 sq., 49. Les fidèles se servaient de l’huile consacrée comme ils usaient d’eau, de pain, de sel et d’autres objets bénits, que nous nommons aujourd’hui des sacramentaiLr. Aujourd’hui encore le rituel romain contient une lenedictio » lei simplicis et les fidèles peuvent s’appliquer l’huile sur laquelle auraient été prononcés l’exorcisme et la prière ainsi nommés et qui demandent quérison de toute langueur et de toute maladie. On objectera que, de nos jours, cette formule n’est plus guère employée et que la matière ainsi bénite ne se confond pas avec l’huile des malades consacrée le jeudi saint. C’est vrai, mais ces différences sont toutes naturelles. Aujourd’hui, en raison des progrès de l’enseignement théologique, nous distinguons mieux qu’autrefois ce qui est sacrement de ce qui ne l’est pas. Depuis longtemps, dans les pays chrétiens, les paroisses sont régulièrement organisées et il est facile de recevoir d’un prêtre l’extrême onction. Dans les premiers siècles, il n’en était pas de même. Les chrétiens, ne pouvant pas toujours recevoir les secours du prêtre, avaient plus grand besoin et plus vif désir d’user des sacramentaux. Aussi les autorisait-en à se servir de l’huile même qui était employée pour le rite ordinaire. Recevoir des mains d’un laïque ou s’appliquer à soi-même la matière de l’extrême onction, c’était autant que possible, c’était par le désir, recevoir l’extrême onction ; c’était affirmer sa volonté d’appeler les prêtres de l’Église, selon le conseil de l’apôtre Jacques ; c’était, en vertu de la charité parfaite dont l’acte pouvait être accompagné, mériter les grâces qu’aurait produites le rite accompli par le ministre du Christ. Et comme l’extrême onction sacramentelle n’est pas obligatoire, il ne faut pas s’étonner si, en certains lieux et à certaines époques, à Arles, par exemple, du temps de saint Césaire, à la collation du rite par les pics bytres, selon la recommandation apostolique, on a préféré, pour des raisons qui nous écliappent, l’aj)plication privée de l’huile bénite.

Doit-on aller plus loin et se demander, même en entourant cette interprétation de rc.serves formelles et en la présentant comme une hypothèse, Boudinhon, Reuue catholique des Églises, Paris, 1905, p. 401 ; Revue du clergé franç(u’s, 1911. t. lxviii, p. 727, si l’onction pratiquée sur eux-mêmes par les fidèles n’était pas sacramentelle à cette époque ? Nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire ni possible d’admettre cette supposition. Et c’est sans doute iléjà pour un motif d’ordre dogmatique que nous n’osons pas l’accepter ; l’aflii million du concile de Trente, sess. XIV, De exlrema un ctione, c. m et can. 4, et l’enseignement ordinaire des théologiens semblent inconciliables avec cette opinion. Mais nous croyons aussi qu’elle n’est pas historiquement établie. L’onction sacramentelle se rattache à l’Épîtrc de saint Jacques ; or ce document exige l’intervention des presbytres. Des textes reconnaissent aux prêtres un pouvoir spécial et aucun n’oblige à accorder les caractères d’un sacrement à l’application d’huile que les laïques font sur eux-mêmes.

Mais, observe-t-on, l’eau du baptême versée par un simple fidèle régénère. Encore importe-t-il de remarquer qu’il ne s’administre pas à lui-même le sacrement. Et si l’on répond que l’extrême onction a été instituée à la manière d’un remède, le théologien et l’historien doivent ne pas oublier que primitivement, dans le texte qui n’a jamais été perdu de vue et auquel on a toujours rattaché ce sacrement, c’est comme un remède administré par le médecin lui-même et par un médecin dont le nom est écrit en toutes lettres, le presbytre, que le rite fut présenté aux chrétiens.

Restent les onctions miraculeuses racontées dans les Vies de saints ; il est quelquefois impossible, toujours « difficile d’y voir des exemples d’administration de l’extrême onction. » Quand le thaumaturge est évêque ou prêtre, se sert d’huile bénite, opère une véritable guérison de malade, il est permis de penser qu’il a conféré le sacrement et qu’à cette occasion, ou par ce moyen, Dieu a accompli le prodige. Mais rarement les textes sont assez précis pour que nous puissions l’affirmer avec certitude. Par contre, il est sûr que beaucoup de ces onctions miraculeuses n’étaient pas accomplies de la manière indiquée par saint Jacques ; matière, ministre, sujet ne sont pas tels que le veut l’Épître. Ces cures ne sont donc pas plus sacramentelles que les guérisons obtenues par l’usage d’eau, de sel, de pain bénit, ou par la seule prière du saint. Inutile de chercher dans ces faits des preuves pour ou des armes contre la doctrine orthodoxe de l’extrême onction. Mabillon, op. cit., col. 134 ; Kern, op. cit., p. 36 ; Pesch, op. cit., p. 258.

IV. Aux viii< : ET ix^^ SIÈCLES. — Reprenant et complétant les travaux de Sainte-Beuve et Martène, etc., Kern, op. cit., p. 6-50, et Netzer, op. cit., ont énuméré les nombreux témoignages du viii « et du ixe siècle ; ils concluent à bon droit « que, historiquement, l’extrême onction apparaît » alors « à tout homme impartial comme un rite sacramentel destiné à purifier l’âme et, s’il plaît à Dieu, à rendre la santé au corps. » Il y a surabondance de preuves. Et celui qui les recueille acquiert la conviction qu’il n’est pas en face d’une théorie qui se fait, d’une évolution qui se poursuit pour aboutir, longtemps après, à la création d’un nouveau sacrement. La coutume de cette onction est trop répandue, trop bien assise, trop unanimement rattachée à un usage antique et apostolique pour être de la veille ou du jour. En vue de rendre service aux théologiens qui désirent posséder les textes de cette époque nous les reproduirons ou les résumerons. Il sera facile de rédiger ensuite d’après eux un court traité de l’extrême onction, dans l’Église du viii^ et du ix’e siècle.

1° Principau.t te.vtes. — Au début du viii<e siècle, saint Bède commente en ces termes le i’. 13 du c. vi de r^vangile de saint Marc : Dicit apostolus Jacobus (suit le texte). Unde palet ab ipsisapostolis hune sanctæ EcclesiiC morem esse traditum ut energumeni vel alii quitibet œgroti ungnntur oleo pontificali bencdictione consecrulo. In Marci Evemgelium e.vpositio, 1, II, P. L., t. xcii, col. 188. Bède s’étend plus longuement sur le sujet, dans son étude sur l’Épître de saint Jacques : Sicut dederat contristato. sic dat consilium et infirmanti qucdilcr se a murmurationis slultitia tuecUur, juxtaque modum vulncris, moduni pmit et medclœ… infir-^