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EXTRÊME ONCTION DU l<" AU IX » SIÈCLE


PuUer, op. cit., p. 124 sq., croit pouvoir démontrer par ce texte qu'à l'époque où il fut rédigé, la rémission des péchés n'était pas encore considérée comme un effet de l’onction des malades. Il serait inconcevable, selon lui, qu’un effet do cette importance ne fût pas mentionné. D’abord, il faut observer qu’il l’est peut-être : l’huile restaurera l’esprit et le corps, elle sera une protection pour le corps, l'âme et l’esprit, elle débarrassera de toute maladie de l’esprit et du corps, elle est pareille à Vonction reçue par les prêtres, les rois' les prophètes et les martyrs, onction qui ne rendait pas seulement la santé. Puller croit que la prière demande seulement la cessation des suites mentales de la maladie. C’est restreindre arbitrairement et beaucoup la portée des expressions, le péché étant appelé par les Pères et les documents liturgiques une maladie de l'âme. Si réellement la formule ne visait que la délivrance du mal physique et de ses effets, faudrait-il conclure qu'à l'époque de sa rédaction, on n’attribuait pas à l’onction la vertu de remettre les péchés ? 11 importe de remarquer que la formule, très courte, n’est pas un traité de l’extrême onction. La rémission des fautes n’est d’ailleurs qu’un ellet conditionnel du rite. D’autres actes religieux ont pour but propre, exclusif, la réconciliation des pénitents, et il importe que les fidèles ne les négligent pas sous prétexte qu’ils disposent de l’extrême onction. Le témoignage d’Innocent ! <"' nous renseigne sur les croyances romaines : il reconnaît à l’application d’huile faite sur les malades la vertu de remettre les fautes. Ici, on peut même relever un curieux phénomène : c’est le texte ancien, celui du gclasien, qui insiste le plus sur les avantages de l’onction pour l’esprit ; le grégorien supprime deux fois mentis…, et une fois animæ. Au reste, aujourd’luii encore, la liturgie romaine consacre l’iiuile des malades par cette formule et notre pontifical, part. III, De officia in feria quinta cœnx Domini, qui, en raison du changement des usages, a subi une importante modification (peruncto remplace ungenti, gustanti, tangenti), n’a été surchargé d’aucune addition attestant notre croyance à la rémission des péchés.

Ces mots ungenli, gustanti, tangenti méritent, en effet, l’attention. La bénédiction de Dieu est appelée sur ceux qui oignent, goûtent, touchent. La même huile liénite servait donc pour les usages privés (on la buvait) et pour l’onction prescrite par Jacques. Duchesne, op. cit., p. 305. Déjà le sacranicntaired’Hadrien ne mentionne plus l’absorption d’huile ; elle tendait sans doute à disparaître, ou déjà n'était plus en vigneur. P>este l’examen de la formule :.. tua… benedittio sit omni ungenli… tangenti. Si l’on prend à la lettre les mots oindre, loucher, on doit conclure que la l)énédiction est pour celui qui fait l’onction. D’autre part, ' c’est au malade qu’elle doit profiter. Faut-il conclure qu’il s’applique toujours à lui-même l’huile ? D’abord, certains infirmes et malades, par exemple, les paralytiques, ne pourraient le faire. Et nous savons par Innocent P qu'à Rome même les prêtres d’ordinaire, l'évêque parfois, administrent l’onction. Donc, il faut admettre ou bien que ungenli signifie s’oignant soit par soi-même soit par te ministère des prêtres (on posséderait ici un argument en faveur de l’hypothèse de Kern), ou bien que tangenti désigne celui qui touche l’huile parce qu’il en est touché, le contact étant réciproque (noter cependant qu’Innocent I" donne à l’expression tangere chrismate le sens d’oindre et non celui d'être o/7j/). La retouche faite sur certains exemplaires du sacramentaiie gré ; ioiien prouverait-elle qu’on a senti la difficulté sans oser franchement la résoudre ? f7n( ; ue/i/( et ffu.s/ « / ! //' disparaissent : la bénédiction est pour tous ceux qui louchent l’huile, omni unguentum tangenti, on la louche soit en se l’appliquant, soit en la recevant sur soi. La prière désigne ainsi par une lo cution un peu obscure, il est vrai, les deux usages » public et privé. (Aujourd’liui, l’huile destinée au sacrement proprement dit étant seule bénite le jeudi saint, le pontifical actuel a remplacé ces locutions par le mot peruncto.)

Conclusions.

La recommandation de l’apôtre

saint Jacques n’a pas été oubliée. Fréquemment citée, insérée dans les prières hturgiques et dans les recueils de morale chrétienne, rappelée aux hommes et à Dieu, elle fait de l’huile un remède chrétien. Ainsi l’a voulu le Seigneur, adîmient Victor d’Antioche et le Liber ordinum.

Aussi est-elle bénite et porle-t-elle des noms qui, tous, font l'éloge de sa vertu. C’est à l'évêque qu’il appartient de la consacrer. Seul un texte (d’un sens douteux) de Césaire la fait bénir par les prêtres. Peutêtre en certaines églises récitaient-ils avec le pontife la formule de consécration (rubrique du sacramentaire grégorien).

Pour y avoir droit, il faut être malade, fidèle, dans la communion de l'Église. Est-il nécessaire que l'état du patient soit grave, attend-on les derniers jours pour donner l’onction ? Certains documentsrafrirment(L(71er orrfmum, plusieurs Vita'). D’autres laissent entendre le contraire. Césaire la recommande contre toute maladie ; il est vrai qu’il conseille alors peut-être l’onction privée. Les nestoriens usent même de l’huile des malades pour la réconciliation de certains pénitents. Une seule matière d’ailleurs, revêtue d’une bénédiction à double fin, servait en cjuelques églises pour les catéchumènes et les malades. F’ortement recommandée, dans les époques et les pays surtout où les remèdes superstitieux étaient en usage, elle est même présentée comme obligatoire par un calholicos arménien. Comment se fait l’onction ? Un seul document, le Liber ordinum, répond à cette question : en Espagne, ^ dès le vo siècle, le prêtre oint la tête en traçant une croix, et dit : « Au nom du Père… »

L’onction donne la santé du corps et celle de l'âme. La promesse du pardon des péchés, faite par l’apôtre Jacques, est reproduite par tous ceux qui le citent. Les deux effets sont mentionnés par plusieurs Pères et surtout par les livres liturgiques. Certains écrivains, le but qu’ils poursuivent explique le fait, insistent sur la délivrance de la maladie (S. Cyrille d’Alexandrie, Victor d’Antioche, Mandakuni, Procope, S. Césaire) ; certains sur le pardon des péchés (Cassien, Hésychius, Cassiodore, etc.). Plus rarement, quelquefois pourtant, la préparation à une sainte mort est expressément signalée (anonyme africain, Sonnatius, diverses Vitœ). Aussi, en plusieurs documents, l’extrême onction est-elle unie au viatique (S. Césaire, anonjme africain, S. Éloi, des Vitœ). Elle mérite, dit Innocent I'"', le nom de sacramentum, c’est-à-dire elle peut être rapprochée de l’eucharistie, de la pénitence, des principaux moyens de sanctification confiés à l'Église.

L'évêque a le droit de l’administrer ; il n’en use qu’exceptionnellement. Les prêtres la confèrent. Et les documents qui posent la question du ministre semblent faire d’eux les collateurs réguliers du rite (Innocent P"', Rabboulas, Isaac d’Antioche, Callinique, Cassiodore, Sonnatius. L ; 6cr ordinum) : Xc est l’usage, et les laïques, investis du charisme comme Callinique, le respectent ; telle est la règle, affirme Isaac d’Antioche, qui semble même en montrer la collation réservée au prêtre, chef de la communauté. La pluralité des ministres n’est pas considérée comme essentielle (Cassiodore, Callinique, Liber ordinum, les Yilie).

Les laïques peuvent aussi user de la même huile bénite dans leurs besoins et dans ceux de leur famille (Innocent l'^S etc.). Si l’on veut concilier ce fait certain avec la reconnaissance non moins certaine (voir plus haut) d’un pouvoir spécial aux prêtres, il faut