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EXTRÊME ONCTION DU P’AU IX" SIÈCLE

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la force, Puller, op. cit., p. 192, n. 1, observe que, selon certains critiques, la vie de ce saint a été écrite seulement au vin ou au ix'e siècle et que sa valeur historique est contestée. Ces deux assertions fussent-elles admises, il reste que nous possédons un témoignage d’un écrivain du viii" ou du ix"’siècle.

Une vie de saint Eugène, évêque irlandais du vi'e siècle, raconte en termes semblables la mort de ce personnage. Chargé d’années, atteint par la maladie qui, de jour en jour, devenait plus grave, il convoque les moines, « son corps est oint d’huile, sa fin est soutenue par le viatique. » Acta sanctorum, t. iv augusti, p. 6’27. Le merveilleux tient, il est vrai, une grande place dans cette biographie. Mais la simplicité même du récit de cette fin rend la narration plus vraisemblable. L’auteur du moins voyait dans l’onction des malades un rite qui, comme le viatique, les préparait à la mort ; il est le témoin des croj-ances de son temps et de son milieu, sinon de la foi du saint.

pans une région voisine, un peu plus tard, l’évêquc de Lindisfarne, saint Cuthbert († 687), » à l’heure ordinaire de l’office de nuit, ayant reçu de mo/, affirme Bède, son biographe, les sacrements salutaires, soutint sa fin que déjà il sentait venir par la réception du corps et du sang du Seigneur. » V(7 « sancti Cuthbcrli, c. xxxix, P. L., t. xciv, col. 78L Quels sont ces sacrements salutaires ! Ce n’est pas le viatique : Bède l’en distingue expressément. Ce n’est pas la pénitence seule ; le mot est au pluriel. C’est la pénitence et l’onction, conjecturent à bon droit Mabillon et Netzer, op. cit., p. 186.

Même dans quelques récits d’onctions miraculeuses, Kern, op. cit., passim, croit pouvoir découvrir des indices permettant tantôt d’affirmer, tantôt de soupçonner que, pour avoir été accompagnée d’un cffct merveilleux, l’application d’iiuile n’en était pas moins sacramentelle. Il se produit, après l’onction, une amélioration inattendue, mais elle est lente, progressive : on peut donc présumer qu’il y a action sacramentelle normale et non prodige extraordinaire. Cf. Eustrate, Vie de saint Eutyque, vi, 45, P. G., t. lxxxvi, col. 2325 sq. ; Bède, Vita sancti Cuthberti, c. xxx, P. L., t. xciv, col. 110-111. L’argument ne nous paraît pas absolument convaincant : la restitution progressive de la santé à une personne dont l’état est désespéré pouvant être un véritable miracle. On ne peut pas non plus tirer grand parti de certaines appellations employées, pour désigner l’huile avec laquelle sont accomplies les miraculeuses applications d’huile : c’est la bénédiction du chrême, c’est-à-dire sans doute le chrême bénit. Vita sancti Launomari, c. iv, n. 21, Acta sanctorum, t. II januarii, p. 598. Mais le mot chrême est-il réservé pour désigner l’onction sacramentelle ? Il serait impossible de le démontrer. Le contraire même paraît établi. Chrême (Saint), t. iii, col. 2395-2396. Se préoccupait-on d’ailleurs, à une époque où notre définition du sacrement était ignorée, de distinguer avec précision les onctions des malades qui étaient sacramentelles et ceUes qui ne l’étaient pas, et d’employer un mot spécial pour désigner la matière des premières ? On a observé aussi que les locutions huile de l’onction sacrée, huile de consécrcUion, Vita sàncli Leobini, Acta sanctorum, t. ii martii, p. 348, sont très solennelles. Faut-il conclure que le rite auquel sert l’huile ainsi nommée est un sacrement ? La conclusion dépasserait les prémisses.

Documents liturgiques.

Déjà, nous avons été

amenés à examiner, pour l’intelligence de textes antérieurs, certains documents qui, comme le Testamentum Domini, sont attribués par la plupart des historiens plutôt au V’siècle qu’au iv. Le Liber ordinum, témoin (le l’antique liturgie mozarabe, contient de précieux textes. On y trouve des nombreuses prières pour les malades, en particn]icr un Ordo ad visitandum cl

ungendum inftrnmm, que l’éditeur considère comme « antérieur à l’invasion des barbares. » Férotin, Le Liber ordinum, dans Monumenta Ecclesiæ litunjica, Paris, 1904, t. v, p. xxi, 71-72. « Leprêtre, arrivant vers le malade, lui fait avec de l’huile bénite un signe de croix sur la tête, disant : In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti regnantis in sccula seculorum. Amen. » Telle est la forme sacramentelle la plus ancienne que nous possédions. Suivent trois antiennes. La première est une prière de l’infirme demandant sa guérison. Scina me… Eripe animam meam (forme plurielle : Sana omnes languores noslros…, rcdinie de inleritu vitam nosircnn). La seconde est connue une réponse à cette plainte ; elle rappelle que le Saint-Esprit a été donné aux disciples pour qu’au nom du Seigneur ils chassent le démon et imposant. les mains sur les malades les guérissent. La troisième considère la grâce demandée comme déjà obtenue : Dominas erigit ctisos. Dominas solvit compeditos, Dominus scmat infirmas. Suit une invitation à la prière afin que Dieu daigne soigner et guérir les blessures de son serviteur. L’oraison vaut la peine d’être citée presque entière :

Ihesu, saluator noster et Domine, qui es uera salus et medicina, et a quo et cujus est ucra salus et medicina, qui apostoU tui uoce nos instruis ut morbidos olei liquore tangentes, tuam postulamus misericordiam pietatis : aspic* propitius super hune faiiuluni tuum mirabili summitate celorum ; ut queni languor curuat ad cxitum et uirium defectio jam pertrahit ad occasum, medeUa tue gratie restituai castigatiim. Et extingue in eum, Domine, libidinum et febrium estus, dolorum stimules ac uitiorum olitere cruciatus.

Egritudinum et cupiditatum tormenta dissolue. Superbie inflationeni, tumoresque compescc. Ulcerum uanitatumque putredines euacua uiscerum interna cordiumque Iranquilla. Aledullarum et cogitationum sana discrimina. Conscientiarum atque plagarum abducito cicatrices. Fisicis tipicisque adesto periculis. Vclercs immensasque remoue passioncs. Opéra carnis ac sanguinis materiamque compone ac dclictorum illi ueniam propitiatus adtribue. Sicquc illum tua iugitcr custodiat pietas, ut nec ad correptionem allquando sanitas, nec ad perditionem, te auxiliante, nune pcrducat infumitas : fiatque illi liée olei sacra perunctio concita morbi presentis expulsio et peccatorum omnium exoptata rcmissio. Pater.

Suit une dernière bénédiction : Propilietur Dominus cunctis iniquitatibus luis et sanet omnes languores tuos. Redimat de intcritu uitam tmmi, et saliet in bonis desiderium tuum. Amen. Atque ita tibi Dominus cordis et corporis medellam adtribuat ut ipsi semper grattas referas. Amen.

Le théologien catholique ne pourrait, en vérité, désirer un témoignage plus complet et plus fort. C’est le prêtre et un seul qui agit. Il va voir l’infirme. Il lui fait à la tête une onction d’huile bénite (oleo bencdicto, olei liquore) en forme de croix et l’accompagne de la formule in nomine. Il accomplit cet acte, parce que Jésus-Christ a dit à ses apôtres : Recevez le Saint-Esprit : c’est donc une fonction de son ministère et le rite est considéré comme institué, voulu par le Seigneur. Le conseil de Jacques est rappelé (vous nous avez enseigné par la voix de votre.pôtre). Celui sur qui s’opère le rite est atteint d’une maladie grave, il est en danger de mort (quem languor curuat ad e.vitum). Le ministre demande pour lui plusieurs grâces : la santé du corps dont les maladies sont coinplaisamment décrites et conjurées, mais aussi, et au même titre, la santé de l’âme. Des antithèses saisissantes et nombreuses mettent cette vérité en plein relief. Dans la même phrase, à plusieurs reprises, les faveurs spirituelles et temporefies sont du même coup sofiicitées : Dieu est invité à éteindre les chaleurs des passions et des fièvres, à refréner les aiguillons de la douleur et les tortures des vices ; à faire cesser les tourments des maladies et des cupidités ; à détruire l’enflure de Vnr-