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EXTRKME ONCTION DU V AU IX" SIÈCLE


sanctifiée au préalable. Si le Ihauinaturge est un évêque, il bénit l’huile, mais l’opérai ion est faite parfois par fies la’iques mêmes (Siméon le Stylite, Monétçonde). l’arfois il est fait usage d’une matière miraculeusement produite (sainte Geneviève), puisée dans une lampe d'église (qui brûle devant un saint tombeau ou des reliques) ; parfois enfin l’huile est consacrée par l'évéque du lieu. Elle est envoyée même à des païens. Elle sert contre la maladie proprement dite sans doute, mais aussi et plus encore peut-être contre les infirmités (paralysie, cécité) et au besoin contre la rage, la folie, les possessions diaboliques.

Doit-on conclure avec PuUer, loc. cit., qu'à cette époque l’onction est faite seulement pour rendre la santé et non pour délivrer du péché, accorder la grâce et préparer à la mort"? D’abord, il faudrait que seuls ces faits extraordinaires fussent racontés : et nous allons constater que le souvenir d’autres onctions d’un caractère différent a été conservé. Même s’il n’en était pas ainsi, la conclusion de Puller ne s’imposerait pas. L’argument tiré du silence d’un écrivain ou d’une époque n’a de valeur que si ce mutisme peut s’expliquer uniquement par l’hypothèse proposée, dans l’espèce, par l’absence dans l’antiquité d’une extrême onction sacramenicile. Or, il est facile de comprendre pourquoi les applications miraculeuses d’huile ont été remarquées par les contemporains, racontées par les écrivains ; pourquoi, au contraire, l’administration ordinaire du sacrement plus fréquente, dépourvue d’elTets visibles et merveilleux, n’a pas été relatée. Un historien qui fait connaître Lourdes parlera de l’eau de la grotte. Il ne dira rien de l’eau baptismale ou de l’eau bénite qui sont employées dans cette ville. Le lecteur peut-il conclure qu'à Lourdes, l’eau ne sert qu'à un seul usage religieux, la recherche miraculeuse de la guérison ? Or, précisément, toutes les relations auxquelles se réfère Puller sont empruntées à des hagiographes : ce n’est pas en alTirmant que leur héros a remis les péchés que ces écrivains, à celle époque surtout, pouvaient démontrer la sainteté du personnage, la production de la grâce étant un effet intime et normal de tout sacrement conféré par n’importe qui. Hier comme aujourd’hui, pour canoniser quelqu’un, on exigeait de lui non qu’il fit ce que fait toute personne de sa condition, mais qu’il donnât ses preuves de thaumaturge. Les onctions merveilleuses de saint Grégoire d’Auxerre. de saint Césairc d’Arles guérissænt : le biographe l’affirme et devait l’alfirmer, mais elles pouvaient avoir d’autres effets, être semblables à notre sacrement : le biographe ne le dit pas, et n’avait pas à le dire, il ne le nie pas non plus, nous l’ignorerons toujours. Quant aux cures opérées par des laïques, sur des païens, sur des infirmes, des possédés, des fous, avec de l’huile produite miraculeusement, comme d’autres guérisons ont été faites avec de la salive, du sel, du pain, de l’eau ou même sans l’emploi d’aucun objet matériel, elles ne prouveront jamais que l’extrême onction primitive ne remettait pas les péchés, parce que ce ne sont pas des extrêmes onctions. Pour savoir s’il y a différcnce entre le rite tel qu’il était jadis et le rite tel qu’il est de nos jours, il faut comparer l’application d’huile bénite faite maintenant par un prêtre sur un malade chrétien à ce qui peut être considéré comme l’antécédent de l’usage actuel et non à des opérations tout à fait disparates Au reste, bien que le besoin de nous conserver le récit de pareils fails ne se soit fait guère sentir, nous connaissons des onctions non miraculeuses. Kurion, évêque géorgien, raconte en ces termes (vers 442) la mort du catholicos arménien Isaac le Grand : « A la seconde heure du jour, pendant le service de l’huile parfumée avec une prière agréable à Dieu il recommanda son âme au Christ. » Histoire de la vie de saint

Mesrop. citée par Kern, op. cit., p. 40. Saint Eugendeabbé de Condat (455-517), « ôfl'é rfe soi.vante ans et plus, malade depuis six mois et se sentant sans doute plus faible, appela à lui un de ses frères auquel il avait confié dans les derniers temps la charge d’oindre les malades, demanda très secrètement que sa poitrine fût ointe selon l’usage. Quand, le matin suivant, nous lui demandâmes comment il avait passé la nuit, éclatant en pleurs et en gémissements, il dit : Puisse la' toute-puissance de Dieu vous pardonner de ne pouvoir supporter de me voir débarrassé des entraves de mon corps… » Cinq jours plus tard il mourait. Vita sancti Eugendii, c. xv, dans Acta sanetonim, t. r januarii, p. 54. Ainsi, saint Eugende « se plaint à sesdisciples de ce qu’ils veulent prolonger ses jours. Or, c’est à lui-même qu’il aurait dû adresser ses reproches, s’il avait considéré l’onction comme un moyen de guérison, puisque c'était lui-même qui avait demandé d'être oint. » Netzer, op. cit., p. 191-192. Pourquoi veut-il que le rite s’accomplisse très secrètement, sinon pour empêcher les moines de prier Dieu d’accorder ; > l’huile une vertu curative"? Puller objecte que le ministre ne doit pas être un prêtre, il est appelé unus e.v fralribus. Dans le mime c. xv, il est dit que le cadarede saint Eugende fut accompagné par le cortège des frères et des fils. C’est peut-être presser beaucoup le sens de cette locution. Quoi qu’il en soit, même si l’application d’huile n’a pas été faite sur saint Eugende par un prêtre, il demeure établi, contre Puller, que l’onction n’a pas eu lieu pour solliciter une guérison miraculeuse. Mabillon, Observatio de exlrema unctio e, dans Theologiacursus.de Migne, t. xxiv, col. ISl.Callinique, disciple du célèbre Hypace, mort abbé de Rufinianes (446), nous a conservé le souvenir du soin queson maître prenait des malades pendant ses premières années de vie religieuse, avant d'être prêtre. Il ajoute : « Si la nécessité exigeait que le patient fût oint, Hypace avertissait l’abbé qui était prêtre et faisait oindre d’huile bénite par ce dernier le malade. Et souvent, il arriva qu’Hypace renvoyait l’homme guéri après quelques jours. » Acta sanctorum, t. iv junii, p. 251. Textetrès court et très substantiel. Ce ne sont pas tous lesmalades, mais certains, ceux sans doute dont l'état est grave, qui sont oints. Ils doivent l'être : tel est, sinon la loi, du moins l’usage ayant force de loi. L’onction se fait avec de l’huile bénite ; de plus, il faut être prêtre pour accomplir le rite. Hypace est chargé officicllement par son abbé des malades, il est saint, son intervention peut contribuer à la guérison, mais ce n’est pas lui qui oint, c’est son abbé, et parce qu’il est prêtre. La récupération de la santé n’est pas l’effet attendu toujours et exclusivement. L’onction n’est pas charismatique, car à la même époque Hypace opère, et par le moj’en d’huile bénite, des cures miraculeuses. Le but ici poursuivi semble donc tout autre : la santé peut sans doute être rendue à la suite de l’onction de l’abbé, il en est ainsi souvent, mais non toujours. Cet effet n’est pas nécessaire, il est accidentel. Il n’y a pas prodige instantané, mais opération lente de la grâce

Un autre saint, le prêtre rémois Trésan (1" moitié du vie siècle), étant gravement malade et sentant venir sa fin, usque ad extrema deductas fînem corporis sui imminere persensit, appelle les prêtres, confesse ses fautes. Consolé par eux, « il reçoit l’huile de la sainte réconciliation, l’accepte avec humilité et profonde contrition du cœur… Ayant communié au corps et au sang du Seigneur, … il rendit l’esprit. » Acta sanctorum, t. II februarii, n. 13, 14, p. 55. C’est surtout la vertu de remettre les péchés et de préparer à la mort qui est attribuée ici à l’onction du prêtre, précédée de la confession et suivie de la réception du viatique. Pour éluder ce témoignage dont il sent toute