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1959
1960
EXTRÊME ONCTION DU l" AU IX" SIÈCLE


diclinc, 189C, t. xiii, p. 209. Ainsi, pour observer la prescription de l’apôtre, l'Église met à la disposition des fidèles une huile sainte. Cette matière a une efficacité médicinale et une vertu propitiatoire. L’huile est unie au viatique ; eucharistie et onction sont trois fois rapprochées comme les parties d’un même tout : le rite des malades. Dans les deux textes d’abord cités (le troisième est muet sur la question), Césaire parle comme si l’onction se fait à l'église même : le premier laisse entendre que le malade y court ; le second que les parents s’y rendent et pour lui reçoivent eucharistie et onction. Voir CÉSAIRE d’Arles (Sam ;), t. ii, col. 2184.

Qui applique l’huile ? Selon Lejay, Boudinhon, Villien, op. cit., p. 643, les fidèles sont invités à s’oindre eux-mêmes et à oindre leurs proches. Tel est, à coup sûr, le sens obvie des textes. De Sainte-Beuve (qui cite le premier texte en l’attribuant à saint Augustin), op. cit., col. 48-49, et Kern, op. cit., p. 33, pensent que s’oindre signifie se faire oindre. La théologie n’a rien à objecter ni contre l’une ni contre l’autre interprétation. Nous connaissons par ailleurs l’usage privé d’huile bénite. Si, dans le second texte, il est vraiment question d’une onction que les chrétiens reçoivent pour le malade, ce rite dont il n’est parlé nulle part ailleurs est tellement étrange qu’on ne peut s'étonner de voir les fidèles se l’administrer euxmêmes. Pourtant, le lecteur se pose une question soit à propos de ce passage, soit à l’occasion du premier. C’est à l'église que les fidèles courent pour s’oindre. Pourquoi les obliger à cette démarche, s’ils appliquent à eux-mêmes l’huile bénite ? Ne le feraientils pas aussi bien chez eux, et ne suffirait-il pas que le prêtre leur remît la matière sainte ? Dans tous les actes de la vie chrétienne qui s’accomplissent au temple, le ministre est acteur : il baptise, confirme, célèbre l’office, réconcilie, recueille les aumônes, prêche, lit les Écritures, reçoit les offrandes, distribue l’eucharistie. Rien ne se fait sans lui. Est-il vraisemblable que pour l’onction, acte pour lequel le malade a plus que personne besoin d'être aidé, le prêtre n’intervienne pas ? Saint Césaire dit aux fidèles : Recevez le corps et le sang du Christ, il n’a pas mentionné le rôle du ministre qui communie les chrétiens : les auditeurs ne s’y trompent pas. L’invitation à oindre ii’est-eUe pas de même un conseil de recevoir du prêtre l’application d’huile ? Cette opération doit se faire « afin que s’accomplisse dans le patient la parole : Si quelqu’un est malade, qu’il appelle les prêtres et que ceux-ci prient sur lui, l’oignant d’huile. » La réalisation n’est vraiment complète que si les membres de la hiérarchie prient sur le malade, l’oignant d’huile.

Dans le troisième texte, quel est le sens de perunguere'.' Si l’on accordait au verbe une valeur passive, saint Césaire dirait que l’opération est faite par les prêtres CNeizer). Si le mot a le sens réfléchi (Lejay), ne signifie-t-il pas « se laisser oin^.re » , « se faire oindre » ? Ce qui porterait a le cro re, c’est la locution oleo benedicto a presbyteris deberent perunguere. L’huile, d’après les documents occidentaux, est consacrée par l'évêque et non par les prêtres, donc les mots a presbyteris semblent le complément de perunguere et non de benediclio. Le théologien peut d’ailleurs laisser avec indifférence les philologues discuter, il ne lui en coûtera pas d’admettre, si c’est démontré, que Césaire invite les fidèles à s’oindre. D’autres textes attestent les emplois privés d’huile sainte et des usages spéciaux pouvaient alors exister à Arles : la coutume de se donner l’onction pour autrui n’est pas signalée ailleurs.

C’est au prêtre, à coup sûr, que Cassiodore (f vers 570), Complexiones canonicarum Epistolarum seplem, Epistola S. Jacobi ad dispersas, P. L., t. lxx, col. 1380, reconnaît le pouvoir d’administrer l’huile. « Si quelqu’un subit les coups d’aulrui ou s’il est secoué par

la faiblesse de son corps, Jacques dit qu’il faut recourir au prêtre qui, par la prière faite avec foi et le don de l’onction d’huile sainte, sauvera celui qui paraît affligé : l’apôtre promet encore le pardon des péchés à ceux qui auront été visités par l’une ou l’autre prière. » Ainsi blessés et malades ont droit au rite. Un prêtre, et un seul, l’accomplit. Les deux effets, physique et spirituel, sont signalés.

Plus précis sont encore les Statuts attribués à saint Sonnatius de Reims (600-631). « Que l’extrême onction (le mot apparaît pour la première fois) soit portée à celui qui est malade et qui la demande et que son pasteur aille le voir souvent à domicile et lui fasse de pieuses visites, l’excitant vers la gloire future et le préparant convenablement, » n. 15, P. L., t. lxxx, col. 445. On ne s’exprimerait pas mieux, au xxe siècle. Malheureusement il faut observer que « des doutes fort sérieux planent sur l'époque de la publication de ces statuts et sur leur autlienticité. » Baumer, Histoire du bréviaire, trad. franc., Paris, 1905, t. i, p. 274 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1909, t. III, p. 264. Le mot extrême onction ne réapparaît dans un document authentique que beaucoup plus tard.

Mais nous possédons une autre attestation franque qui est certainement de l'époque. « Que le malade, dit saint Éloi, évêque de Noyon (640-659), ait confiance en la seule miséricorde de Dieu, qu’il reçoive avec foi et dévotion l’eucharistie du corps et du sang du Christ, qu’il demande avec fidélité à l'église l’huile bénite avec laquelle il oindra, ungat, son corps au nom du Christ (dont son corps sera oint, ungatur, portent certains manuscrits) et selon l’apôtre la prière de la foi sauvera l’inliniie et le Seigneur l’allégera, il recevra la santé non seulement du corps, mais aussi de l'âme. « De rectitudine catholicse conversalionis (parmi les œuvres de S. Augustin), P. L., t. xl, col. 1172. Faut-il lire ungatur ou ungati La question est controversée. Et si on préfère ungat, que le malade oigne [son corps], doit-oiTcomprendre qu’il opère lui-même ou qu’il use du ministère d’un prêtre ? Ici encore le rappel du texte de saint Jacques favoriserait la seconde hypothèse. Kern, op. cit., p. 17, croit utile aussi de faire observer que la personne ointe est souvent appelée chez les grecs 'I T.fjii'.r/, 6 7roif| ra ; to »/£>, aiov. Celui qui fait l’onction, ou encore ', £7ra>, Ei.'J ; o((j.Evoi ;, celui qui s’oint. La remarque fût-elle juste, peut-on expliquer par cette terminologie grecque une locution latine d’un auteur franc du vu » siècle ? Ou il faut lire ungat et l’entendre à la lettre, saint Éloi recommanderait aux fidèles de s’oindre ; l’usage a certainement été jadis en vigueur, ou l'évêque de Noyon veut qu’on recoure au prêtre : c’est le rite que nous recommande saint Jacques.

L'Église nestorienne conserve l’usage de l’onction des malades. Le canon 19 du synode de Mar Joseph, catholicos en 554), porte : « Quand quelqu’un de ceux qui sont tombés dans cette grande infirmité [la superstition] se convertira, qu’on lui offre comme moyen de guérison, comme à celui qui es/ corporellement malade, l’huile de la prière bénite par les prêtres… » Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1910, t. III, Appendice ii, p. 1204.

Les faits.

Pendant cette période comme dans

les siècles précédents, de saints personnages guérissent des malades avec de l’huile. Voir Puller, op. cit., p. 172-188. On nomme des évêques, saint Germain d’Auxerre, saint Germain de Paris, saint Césaire d’Arles ; des prêtres, saint Laumer de Corbion, saint Marins, saint Auxence de Bithynie ; des laïques, saint Siméon le Stylite, saint Eugende de Condat ; des femmes, sainte Geneviève, sainte Monégonde, sainte Austreberte. D’ordinaire, la matière employée a été