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EUCHARISTIE DU XVI « AU XX « SIÈCLE


tion, bien que les accidents qui demeurent ne leur soient pas inhérejiits. Cette succession semble n'être en réalité qu’une présence accidentelle et elle n’explique pas la conversion substantielle qu’est la transsubstantiation. Celle-ci comporte un changement intrinsèque par lequel le pain et le vin cessent d'être ce qu’Us étaient, à savoir, du pain et du viii, pour devenir ce qu’ils n'étaient pas, à savoir, le corps et le sang du Christ. Aussi, selon le cardinal Cajetan, interprétant rigoureusement saint Thomas, tout ce qu’il y avait d’entité dans le pain et le viii, matière première et forme substantielle, est converti au corps et au sang préexistant de Jésus-Christ. Dieu, qui produit cette conversion avec le concours de l’action du ministre, fait passer tout ce qu’il y avait d'être dans la substance du pain et du vin dans l'être du corps et du sang du Sauveur, tel qu’il existe sous les espèces sacramentelles. On sait que telle est l’interprétation que le P. Billot a donnée du sentiment de saint Thomas. De Ecclesiæ sacramentis, 4e édit., Rome, 1906, t. i, p. 337-339, et qu’il a soutenue pour son compte, p. 353-360, après avoir réfuté les divers sentiments des théologiens modernes, p. 345-352. Cajetan avait ajouté à la pensée de saint Thomas que Dieu pouvait changer un être quelconque en un autre être, même d’une espèce très supérieure ; mais cette idée, repoussée par tous les autres théologiens, n’est pas nécessaire pour expliquer comment toute la substance du pain et du vin est changée au corps et au sang de Notre-Seigneur. Cf. Bulletin de lilléralure ecclésiaslique de Toulouse, 1902, p. 232-237. Toute cette doctrine sera développée davantage à l’art. Transsubstantiation.

6) On a tenté, au cours du xix^e siècle, des essais d’explication de la transsubstantiation qui ont été condamnés par le Saint-Offlce. Le 7 juillet 1875, cette S. G. fut interrogée pour savoir si on pouvait tolérer une interprétation de la transsubstantiation eucharistique ainsi conçue : Après avoir distingué la raison formelle de l’hypostase qui est esse per se seu per se subsislere et celle de la substance qui est in se esse et aclualiler non suslentari in alio lanquam in primo subjecto, on fait l’application de ces deux notions de l’hypostase et de la substance à l’incarnation et à l’eucharistie. De même que, dans l’incarnation, la nature humaine dans le Christ n’est pas une hypostase, puisqu’elle ne subsiste pas par soi, mais qu’elle est prise par l’hypostase divine supérieure, de même une substance finie, par exemple, celle du pain, cesse d'être une substance par cela seulement, et sans autre _ changement d’elle-même, qu’elle est sustentée surnaturellement en un autre sujet, de sorte qu’elle ne soit plus in se, sed in alio ut in primo subjecto. Cela étant, la transsubstantiation, ou la conversion de toute la substance du pain en la substance du corps de NotreSeigneur, peut s’expliquer par cette raison que le corps du Christ, quand il devient substantiellement présent dans l’eucharistie, sustente la nature du pain qui, par le fait même et sans aucun autre changement d’elle-même, cesse d'être une substance, parce qu’elle n’est plus en soi, mais en un autre qui la sustente. De la sorte, la nature du pain reste bien, mais la raison formelle de la substance cesse en elle, et c’est pourquoi il n’y a pas deux substances, mais une seule, celle du corps du Christ. La matière et la forme des éléments du pain demeurent donc dans l’eucharistie, mais, existant surnaturellement en un autre, elles n’ont plus la raison formelle de substance ; elles ont la raison d’un accident surnaturel, non pas toutefois comme si, à la manière des accidents naturels, elles affectaient le corps du Christ. Le SaintOlTice déclara que cette doctrine de la transsubstantiation ne pouvait être tolérée. Denzinger-Bannwart, n. 1843-1846. Cette explication,

tout en faisant disparaître la substance du pain, en maintenait non seulement les accidents, mais encore la nature, qui ne perdait que sa subsistance propre et qui subsistait dans le corps du Christ ; elle y maintenait encore la matière et la forme, qui demeuraient aussi et qui formaient dans ce sujet surnaturel d’inhérence une espèce particulière d’accidents surnaturels. La conversion de la substance n’aurait donc pas été totale, et il n’y aurait même pas eu de conversion, puisque le pain perdait seulement sa subsistance propre pour subsister dans le corps du Christ qui le soutenait surnaturellement. Le dogme catholique n'était pas exactement expliqué dans cette interprétation nouvelle de la transsubstantiation.

De son côté, Rosmini-Serbati, le fondateur de l’Institut de la charité, avait imaginé une autre explication de la transsubstantiation eucharistique. Comme il avait réprouvé toutes ses erreurs avant de mourir, l’autorité ecclésiastique n’avait pas condamné sa doctrine. Mais ses disciples répandaient ses erreurs, parce qu’elles n'étaient pas condamnées, et les défendaient. C’est pourquoi le Saint-Offlce réprouva, le 14 décembre 1887, quarante propositions, extraites des écrits de Rosmini. Les propositions 29% 30 « et 31'= ont trait à l’eucharistie. 29. Ce ne serait pas une conjecture contraire à la doctrine catholique, qui seule est la vérité, que de dire : Dans le sacrement de l’eucharistie, la substance du pain et du vin devient la vraie chair et le vrai sang du Christ, quand le Christ fait d’elle le terme de son principe sentant et la vivifie par sa propre vie, presque de la même manière que le pain et le vin sont véritablement transsubstantiés en notre chair et en notre sang, puisqu’ils deviennent le terme de notre principe sentant. 30. La transsubstantiation achevée, on peut penser que quelque partie, incorporée au corps glorieux du Christ, inséparée de lui et glorieuse comme lui, lui est jointe. 31. Dans le sacrement de l’eucharistie, yi verborum le corps et le sang du Christ existent seulement dans la mesure qui répond à la quantité de la substance du pain et du vin qui est transsubstantiée, le reste du corps du Christ n’y est que per coneomilantiam. Denzinger-Bannwart, n. 1919-1921. La 29<= proposition de Rosmini ramène la transsubstantiation à une sorte de simple conversion formelle, comme le montre la comparaison avec l’assimilation de la nourriture corporelle, et elle présente le Christ comme s’il informait et vivifiait la substance du pain et du vin. La 30 « suppose que le corps glorieux du Christ, par cette information, s’est adjoint quelque partie nouvelle, provenant de la substance du pain et du viii, et se l’est incorporée d’une façon indivisible, en la rendant glorieuse comme lui. La 31 « ^ réduit la présence du corps et du sang du Christ vi verborum à cette partie quantitative de la substance du pain et du vin, qui serait transsubstantiée en eux en vertu de l’explication précédente. Cette conjecture modifie le concept catholique de la transsubstantiation ; elle ne pouvait être admise.

3 » Le sacrement. — La doctrine du sacrement de l’eucharistie, ayant été nettement établie par les scolastiques et définie par le concile de Trente, n’a pas donné lieu, chez les théologiens postérieurs, à des opinions particulières. Ils ont appliqué l’enseignement commun aux circonstances de leur époque. Toutefois, il est intervenu, pour résoudre quelques difficultés pratiques, des décisions des souverains pontifes et des Congrégations romaines qu’il faut rappeler.

1. Matière.

C’est toujours le pain de blé, et le pain de blé seul. Maintenant que la pomme de terre est un aliment très répandu, les théologiens et les canonistes excluent le pain fait avec ce tubercule et ne permettent le mélange de la pomme de terre ou de la fécule qui en est extraite avec de la farine de blé que si