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EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉCRITURE


des cérémonies chrétiennes ont une lointaine analogie avec l’ablution d’eau ou avec l’onction du baptême ; l’effusion du chrême ineffable des naasséniens suit un bain dans l’eau vive, le chrême blanc des ophites sert à imprimer le « sceau » , et la redemplio moiiiionim de certains valentiniens remplace la rédemption ou le rite d’initiation des autres partisans de la même secte. Elle était retardée jusqu’au dernier moment comme le baptême l’était parfois chez les catholiques ; elle n’a qu’une vague ressemblance avec l’onction des mourants : le rite et les elTets ne sont pas les mêmes. D’ailleurs, il ne suffit pas de découvrir des analogies, il faut saisir une influence. Or, c’est entre les années 120-170 que se placent les premiers systèmes gnostiques. D’autre part, ï’Épître de saint Jacques a été composée beaucoup plus tôt ; tel est non seulement l’avis des catholiques, mais le jugement d’un bon nombre de critiques protestants ou non chrétiens. Selon toute probabilité, les onctions des gnostiques sont ou des cérémonies chrétiennes conservées et dénaturées ou des rites païens issus de religions orientales. Si donc il y a parenté entre la redemplio morluorum et l’onction des malades, elle est au rebours de celle qu’imaginait Renan.

Il n’est pas plus facile d’attribuer une origine juive au rite recommandé par saint.Jacques. Cf. The Jewish encyclopedia, New York, 1901, art. Anoinnng, t. I, p. 613. Sans doute, l’huile est un médicament employé en Palestine, Is., i, 6 ; Luc, x, 34 ; elle sert à divers usages profanes (toilette, sépulture, etc.) et les onctions sacrées sont nombreuses querre, objets destinés au culte, grand-prêtre, roi, propliète. Messie). Mais l’acte prescrit par saint Jacques n’est pas connu des Juifs. Bousset, Die Religion des Judentiims ini neutestamentlichen Zcitaltcr, Berlin, 1903, p. 183, croit découvrir dans le livre slave don Secrels d’Hénoch (trad. Bonwetsch), des traces d’un « sacrement de l’huile » . Avant qu’Hénoch entre dans le ciel. Dieu ordonne à l’ange."Michel de le dépouiller des vêtements qu’il portait sur terre, de l’oindre et de lui donner d’autres habits. Le sacrement de l’huile accorderait un corps céleste et nouveau, xxii, 8. Ici, encore, l’analogie est à peine visible, sujet, rite, efl’ets sont différents. Le cas d’Hénoch est d’ailleurs isolé. Il ne faut pas oublier cjue le livre des.Ser/e/sf/’//cnoc/i peut n’avoir été composé que vers la fin du i"^’ou le commencement du II » siècle, et que, si tout y est spécifiquement juif d’origine, des remaniements chrétiens ne sont pas invraisemblables. Schiirer, Geschichle des jiidischen Volkes im Zeilaller Jesa Christi, Leipzig, 1909, t. iii, p. 290-294.

L’histoire ne connaît donc aucun antécédent juif ou païen de l’extrême onction chrétienne. Et l’affirmation de Jacques oblige à remonter jusqu’à Jésus. Pour le catholique, la conclusion s’impose. Le rite dont parle l’Épîtrc accorde le salut, et la rémission des péchés. Dieu seul peut donner de telles grâces ; seul, il a le <lroit d’annexer leur collation à l’accomplissement d’un rite ; un apôtre n’aurait pas été capable, par sa propre autorité, d’obliger Jésus à guérir ou à sanctifier le malade, quand une onction est faite sur lui par les prêtres. Cet argument est proposé par tous les théologiens et suffit au croyant. Même s’il n’était pas possible de remonter historiquement de saint Jacques à Jésus, le chrétien serait pleinement rassuré ; il sait que l’Écriture n’est pas l’unique source de foi et qu’il n’est pas obligé d’y découvrir explicitement affirmés tous les dogmes.

L’apologiste peut démontrer par des arguments non theologiques que l’extrême onction est antérieure à l’Epitre. Saint Jacques n’invente pas. Il parle d’un rite connu. Sa recommandation très claire pour des initiés serait trop succincte et trop vague si elle était une révélation tout à fait nouvelle. Les presbytres n’auraient pas su ce qu’ils devaient faire (qu’on

compare les rituels des diverses liturgies avec la mention de l’Écriture, on découvrira immédiatement les lacunes de cette dernière) ; les fidèles auraient été imparfaitement renseignés sur les effets à attendre, les dispositions à présenter. L’Épître de saint Jacques très originale dans sa forme ne fait que rappeler des doctrines connues. L’auteur n’est pas un révolutionnaire, il ne se pose même pas en réformateur. Son enseignement surtout pratique et moral se rapproche de celui de Jésus dans le discours sur la montagne et même des doctrines juives. La lettre a été composée vers 61 (Liagre, Cornely, Hartmann, Felten, Brassac) ; vers 40-50 (Zahn, Beyschlag, RitschI, Schegg, B. Weiss, Belser, Camerlynck). L’extrême onction aurait donc été connue et employée avant ces dates. Il devient bien difficile, sinon impossible, de trouver entre son apparition et la mort de Jésus le temps matériel nécessaire pour qu’elle ait pu se glisser dans les communautés, puis se faire accepter, et enfin s’imposer comme un rite qui s’accomplit an nom du Seigneur.

L’historien se souvient d’ailleurs que « le Sauveur songeait autant aux intérêts des âmes des malades qu’à ceux de leurs corps et que plusieurs fois il a guéri les infirmités spirituelles en même temps cque les infirmités corporelles… Que Jésus… se soit expliqué sur les onctions des malades et leur ait donné pour l’avenir une efhcacité spirituelle, c’est ce qui serait tout à fait en harmonie avec l’histoire évangélique. » Pourrai, La iRéologie særamentaire, Paris, 1907. p. 283. .ux malades, le Christ accorde rémission des péchés et guérison. Moins d’un demi-siècle plus tard, un écrivain chrétien recommande un rite qui, accompli au nom du Seigneur, sauve et assure le pardon des fautes. La concordance des effets est remarquable. Cet auteur se donne comme un apôtre et de sérieux arguments authentiquent sa déclaration. Cf. Jacquier, Histoire des livres du Xonueiiu Testament, Paris, 1908, p. 189-203. Vraiment, son attestation ne peut être en désaccord avec l’enseignement du Maître dont il est le témoin officiel et sur tous les autres points — la preuve est facile à faire — scrupuleusement exact.

Plusieurs exégètes et théologiens (Maldonat, Berti, Sainte-Beuve, Schell) ont même cru découvrir dans l’Évangile une affirmation expresse de l’institution immédiate du sacrement de l’extrême onction par le Christ. Saint Marc nous apprend que les Douze, envoyés en mission par Jésus, « chassaient beaucoup de démons, oignaient d’huile beaucoup de malades et les guérissaient, » vi, 13. Ce rite aurait été celui que recommande Jacques, le sacrement catliolique de l’extrême onction.

Sous cette forme rigoureuse l’affirmation dépasse la portée du texte. Saint Marc dit que par l’onction les apôtres guérissaient des malades. Donnaient-ils aussi le pardon des pécliés et des faveurs spirituelles’? L’évangéliste ne le fait pas savoir. On objecte que la mission avait pour but la conversion d’Israël et on conclut que l’onction devait guérir les âmes. La prémisse fût-elle exacte, la conclusion ne s’imposerait pas. Les cures miraculeuses opérées par les apôtres pouvaient servir seulement à éclairer les esprits et à toucher les cœurs. Les textes d’ailleurs sont muets sur la collation de la grâce et la rémission des péchés par les envoyés du Christ. Dans saint Matthieu, x, 1, on lit : « Aj’ant appelé ses douze disciples, .Jésus leur donna pouvoir sur les esprits impurs afin de les chasser et de guérir toute maladie et toute infirmité. » Saint Luc, IX, 1, 2, écrit : « Ayant assemblé les Douze, Jésus leur donna puissance et autorité sur tous les démons et le pouvoir de guérir les maladies. Et il les envoj’a prêcher le royaume de Dieu et guérir les maladies. » Les deux évangélistes sont donc d’accord avec saint Marc,