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EXTRÊME ONCTION DANS L'ÉCRITURE


mérites des presbytres expliqueraient-ils l’eiricacité du rite ? Sans doute, saint Jacques dit : L’oraison de la foi sauvera le malade. Est-ce donc la prière du croyant qui agit, la piété du presbytre qui obtient le salut ? La conclusion est inacceptable. Voir col. 1901. L’apôtre ne distingue pas entre presbytres fervents ou presbytres tièdes. On appelle les uns et les autres. Les uns et les autres réussissent : « La prière de la foi sauve. » Et il a fait remarquer que l’opération s’accomplissait an nom du Seigneur. Ce n’est donc pas la prière d’un simple chrétien, mais celle du représentant de.Jésus qui est récitée. Il est vrai qu’un peu plus loin l’apôtre exalte l’efficacité de la supplication du juste. Aucun catholique ne nie que la dévotion ou la sainteté du ministre de l’extrême onction ne puisse être utile, très utile. De plus, le juste auquel pense saint Jacques est un homme public, c’est Élie parlant au nom de Dieu. L'Épître laisse entendre d’une autre manière non moins claire que l’onction ne produit pas ses effets en raison des mérites et des qualités du ministre : il y a disproportion entre un tel moyen, la sainteté de l’homme, et les résultats attendus : santé, rémission des péchés, salut.

Donc l’onction et la prière n’agissent ni en vertu des mérites du malade, ni en raison des qualités du prêtre. D’autre part, saint Jacques n’afnrme pas, ne laisse pas entendre que le rite tire sa valeur de la sainteté de la communauté : rien n’autorise ni n’engage à prêter cette conception à l’apôtre. Dans la primitive Église, c’est à Jésus qu’on fait honneur du salut, de la rémission des péchés. Sans doute, on pourrait imaginer qu’au moment où le prêtre accomplit l’onction, récite la prière, Dieu accorde les faveurs sollicitées sans être mû par le rite et sans se servir de lui, autrement dit sans que les opérations du presbytre soient, selon les expressions techniques, moralement ou plnjsiquement causes instrumentales des effets surnaturels. I^'onction serait pure occasion. Et il serait difficile de trouver dans saint Jacques des arguments positifs contre cette conception. Ce n’est pas celle qui se présente à l’esprit du lecteur. Et il est bien plus naturel d’admettre que les mérites du.Seigneur rendent efficace d’une certaine manière l’acte accompli au nom du Seigneur. Alors les mots de l'Épître reçoivent seulement leur pleine signification et peuvent s’entendre au sens littéral : La prière de la foi sauvera le malade, elle contribuera pour une part à la production des résultats.

I/historien est donc obligé de conclure que notre extrême onction dérive du rite recommandé par saint Jacques et qu’elle lui ressemble substantiellement. r*eu d’institutions sont, après dix-neuf siècles, demeurées aussi semblables à ce qu’elles furent aux jours de leur jeunesse. Et ce qui rend la tâche de l’observateur l)lus facile, sa conclusion plus forte, c’est qu’il n’est pas obligé de choisir entre plusieurs cérémonies existantes que des religions diverses prétendraient être les reproductions du rite primitif. Ou le sacrement de l’extrême onction des catholiques et de certaines Églises orientales est identique à l’acte que recommande saint Jacques, ou la pratique primitive ne s’est pas conservée.

Les Églises protestantes ne sont pas les héritières des communautés dont parle l’apôtre ; et les catholiques constatent avec joie et fierté que pour définir leur sacrement de l’extrême onction, ils peuvent user d’une formule dont tous les termes sont empruntés à l'Épitre : c’est l’effusion d’huile, accompagnée de prières, que les prêtres ou les évêques font sur les personnes gravement malades pour leur accorder toujours le salut et le relèvement, s’il y a lieu le pardon des péchés, s’il plaît à Dieu la santé.

II. ORiGi.NJis DU lUTE. — Saint.Jacques estimait

qu’en oignant d’huile les malades, les presbytres agissaient au nom du Seigneur, sur son ordre. En réalité, le rite remontait-il à Jésus ?

C’est en vain qu’on a essayé de lui découvrir une origine païenne. Dans les mystères, on ne connaît qu’un cas d’onction. Après des lamentations sur la mort d’un dieu (Osiris ?), les pleureurs étaient oints à la gorge par un prêtre qui murmurait ensuite ces deux vers : « Ayez confiance, mystes du Dieu sauvé, car des douleurs vous viendra le salut. » Firmicus Maternus, De crror. prof, rel., xxiii, 5, P. L., t. xii, col. 1032. Nous sommes loin de saint Jacques. Sans doute, dans la plupart de religions antiques, l’art de guérir se mêlait ou se confondait plus ou moins avec la magie. La maladie était souvent considérée comme une action d’esprits ou de divinités mauvaises : l’onction paraît avoir été un exorcisme et, par là, un moyen de détruire l’influence nocive d'êtres malfaisants. Anrich, Bas antike Mijslericnwesen in seinem Einfluss auf das Christentum, GœlUnguc, 1894, p. 103 sq., 208 sq. Mais nulle part, on n’a trouvé l'équivalent du rite de Jacques, avec ses particularités caractéristiques : prière, onction, intervention directe de Dieu, don du salut, relèvement, pardon des péchés. Dans l'Épître, rien ne sent la magie. La' conception proposée s’accorde avec le spiritualisme le plus pur. Un Dieu bon sauve, relève le malade, lui pardonne ses fautes. Il le fait, sur la demande des chefs de son Église. Déjà nous l’avons observé : l’emploi du mot Jésus n’est pas absolument certain — la formule au nom du Seigneur pouvant s’expliquer sans que ce mot soit prononcé ; s’il est en usage, ce n’est pas à la manière dont un terme de magie est dit par un enchanteur. Le texte ne le suppose pas, non seulement les affirmations de saint Jacques sur l’onction, mais toute son Épitre, rendent invraisemblable l’hypothèse.

M. Salomon Reinach, Orphens, Paris, 1909, p. 97, a cru pouvoir tenter un rapprochement entre le rite chrétien et une cérémonie persane. D’après l’Avesta, « la mort est un état d’impureté qui exige des précautions minutieuses pour écarter les esprits du mal, en particulier la mouche des cadavres, la drug, charogne. Quand le terme aiiproche, le prêtre fait réciter au moribond une confession de pénitence, il verse le haoma dans sa bouche et dans ses oreilles : c’est une véritable extrême onction et peut-être la source même de ce rite chrétien. » Ce peut-être n’est vraiment pas superflu. Saint Jacques ne parle pas des morts, ne se préoccupe pas d’assurer la protection des survivants contre les esprits du mal, il ne pensait guère à la mouche des cadavres et au haoma. Les rites sont dissemblables, les effets différents, aucun argument ne prouve une dérivation.

L’affirmation de Renan, Origines du ehristianisme, t. II, p. 154-1.56, n’est pas moins fantaisiste. Il dit que l’extrême onction était administrée chez les gnostiques « d’une manière qui devait faire une vive impression et que l'Église catholique a imitée. » Ces hérétiques usaient-ils de ce rite ? Les naasséniens oignaient « d’un chrême inelïable, » Philosophoumena, 1. V, 7, P. G., t. XVI, col. 3131 ; les ophites « d’un chrême blanc, « tiré de l’arbre de vie, Origène, Contra Cclsum, 1. VI, 27, /*. G., t. XI, col. 1333 ; chez quelques valentiniens, les mourants étaient soumis à une étrange cérémonie appelée redemptio morluorum, c'était une elTusion d’eau mêlée de baume ou d’huile destinée à rendre l’homme invisible aux puissances supérieures, S. Ir.mée, Conl. hær., 1. I, c. XXI, n. 5, P. G., t. vii, col. 065 ; Théodoret, Hxrel.fabul.eompendium, . 1, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 301, des papyrus font allusion à des onctions semblables. CL Anrich, op. cit., p. 104. Mais sur le but de quelques-uns de ces rites nous n’avons aucun renseignement. Ceux que nous pouvons rapprocher