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1863
1864
EXPERIENCE RELIGIEUSE


engager, quant au point précisé, la foi de tous les temps, n. 1800 (1647), 1818 (1665).

Toutefois, en rejetant de manière expresse, comme critères exclusifs, l’expérience interne du piétisme protestant, ou l’inspiration privée du fidéisme, sola interna cujiisqiie experientia aiil inspirafione privata bomines ad fîdem moveri debere, n. 18V2 (1659), le concile s’applique à maintenir sans diminution le rôle des illuminations et motions de l’Esprit-Saint, qui dal omnibus suavitalem… in crcdendo, n. 1789 (1638) sq.

5 » Libéralisme et indiffcrentisme. — Provoquée par le sentimentalisme de Schleiermacher et l'évolutionnisme de Hegel et de Spencer, ou par l’illusion libérale, la thèse que les diverses religions sont des traductions légitimes d’expériences originales, ou des moments nécessaires de l’universel devenir, ou des expressions égales en droit de la sincérité religieuse, s’est vue justement condamnée par Pie IX, spécialement dans l’encyclique Qnanto conficiamur mœrore, de 1863. Denzinger-Bannwart, n. 1677(1529) sq., et dans le Syllabus, de 1864, prop. 15-19, ibid., n. 1715 (1562) sq. ; mais le pape a pris soin de distinguer les droits de la sincérité des droits prétendus de l’erreur, la charité pour les personnes de l’indifférentisme pour les dogmes, et s’est refusé à déterminer les limites de la condescendance divine pour les cas d’ignorance invincible : quis iantum sibi arroget, ut hujusmodi ignorantiæ designare limites queat ? Allocution du 9 décembre 1854, Denzinger-Bannwart, n. 1047 (1504). Pie X a renouvelé cette proscription, contre le modernisme, dans l’encyclique Pascendi. DenzingerBannwart, n. 2082, 2083.

Modernisme.

L’appel plus explicite de cette

hérésie à l’expérience interne a déterminé, dans ce dernier document, un exposé plus détaillé et une réfutation plus précise.

Le pontife signale la valeur qu’elle attribue aux intuitions du cœur au détriment de l’intelligence, Denzinger-Bannwart, n. 2081, le rôle fondamental qu’elle leur reconnaît, comme source des conceptions de la foi et des formules de foi, n. 2078, 2079 ; cf. n. 2039 sq., comme aussi de la tradition et de la prédication, n. 2083, et des Livres saints qui en ont consigné l’expression temporaire, n. 2090. Dans un aperçu rapide, il dénonce les principales erreurs d’une telle théorie et suggère les chefs de réfutation les plus importants : préjugé agnostique qui l’inspire, n. 2106, physiologie fautive, car le sentiment n’est pas intuition, mais réaction sous la détermination de l’intelligence ou des sens, ibid. ; danger moral, car on risque de rendre prépondérante la vie d'émotion, ibid. ; insuffisance logique, .car l’impression affective ne peut rien préciser des vérités absolues, indispensables à baser la vie religieuse, ibid. ; péril connu d’illusion, n. 2107 ; conflit des évidences, et notamment de l’expérience catholique qui les condamne, ibid. ; aberration surtout de remettre au sentiment et à l’expérience seuls une enquête qui ne peut aboutir, sans le contrôle de la raison, ibid. ; aboutissement fatal à l’athéisme, comme l’expérience faite, l’histoire, est là pour en témoigner, n. 2109 ; cf. n. 2082. Maintenant la thèse traditionnelle de la présence de Dieu en toute âme, n. 2087, il interdit seulement les interprétations qui la déforment.

De l’ensemble du système il prononce qu’il est le rendez-vous de toutes les hérésies, omnium hæreseon coUcctum, n. 2105 ; qualification que la thèse de l’expérience peut revendiquer pour une large part, vu son rôle dans l’organisme moderjiiste. Tout de même, au début de la Piéforme, Suarcz dénonçait l’appel au sens privé — et c'était même chose au fond : — radix est liœresum et magna schismatum occasio, Defensio fidei, 1. I, c. XI, 4 « raiio, Venise, 1749, t. xxi, p. 37 ; est jere

seminarium omnium crrorum. De fuie, disp. III, sect. m, n. 9, t. XI, p. 24.

Conclusion. — En somme, à rencontre des thèses luthériennes et calvinistes qui exagèrent la déchéance de la nature humaine, et des thèses criticistes qui sont venues leur prêter une justification pliilosophique, l'Église n’a cessé de défendre les droits de la raison et de la volonté.

Elle a défini, contre l’agnosticisme, la possibilité de connaître Dieu avec certitude, non cependant par des concepts propres et de manière adéquate. Voir Agnosticisme, t. i, col. 603 sq. ; Analogie, col. 1146 sq. Il en résulte que l’expérience interne ne peut, sans erreur dans la foi, être présentée comme le critère exclusif des choses religieuses. Par contre, reste pleinement licite toute manière d’agir qui respecte cette hiérarchie des facultés et les droits du magistère extérieur, soit : 1° dans la prédication, l’apologétique et l’ascèse, le soin d’amener le sujet à observer en lui les illuminations et les invites de la grâce, voir Discernement DES ESPRITS, col. 1375 sq. ; 2° dans la démonstration de l’existence de Dieu, ou dans la préparation de la foi, l’appel aux faits internes et aux preuves psychologiques, voir P. de Broglie, Les preuves psychologiques de l’existence de Dieu, Paris, 1905, et art. Immanence ; 3° dans l’explication psychologique de la vie du dogme, l’analyse délicate des virtualités incluses dans la conscience obscure de l'Église, d’où affleurent, dans sa conscience claire, les notions dogmatiques qu’elle précise au cours des âges. Voir Dogme, t. iv, col. 1641 sq.

Elle a défini de même l’existence du libre arbitre, et elle a condamné toute doctrine qui tendrait à restreindre, au profit d’une passivité particulièrement suspecte chez les âmes communes, l’initiative de l’homme ou le contrôle raisonné de sa conduite ; mais elle n’a cessé de proclamer la coopération gratuite de Dieu à tous les actes surnaturels, voir Grâce, et cette immanence naturelle qui le rend en nous plus présent que nous-mêmes. Voir Immanence.

Reconnaissant donc que l’Infini besogne au cœur de tous, et qu’il est le premier et immédiat stimulant d’un besoin qu’il peut seul satisfaire, elle reconnaît du vrai et du bon dans toutes les religions et dans toutes les expériences, mais elle prétend seule posséder la vérité sans admixtion d’erreur, et détenir seule dans leur intégrité les promesses que Jésus-Christ est venu apporter au monde. Voir Église, Indifférentisme. A ce titre, elle se prétend, elle est, comme lui et en lui, « la voie, la vérité, et la vie. » Joa., xiv, 6.

La question présente, sous son triple aspect (psychologique, critérlologique, ascétique), touche à tant de problèmes qu’on ne peut songer à tenter ici une bibliographie complète. Le lecteur voudra bien consulter celle des articles connexes : Ascétisme, Contemplation, Dieu (Connaissance de). Discernement des esprits, Extase, Fidéisme, Foi, Modernisme, Mystique, Pragmatisme.

I. Études historiques. - — Une histoire complète des théories en cause deTait fouiller avec soin les annales de toutes les sec < s panthéistes ou illuministes, M. Menendez Palayo, Historia le lo.- ; helerodoxos espanoles, 3 in-S°, Madrid, s. d. ; N. Terzago, Tlieologia Itislorico-niyslica, iii-fol., Venise, 1764, presque reproduit dans les Analecta juris pontificii, Rome, 1863, t. vi b, col. 1561 sq. Pour la période moderne, voir les notes de l’aperçu historique, col. 1787 sq On trouvera une revue sommaire dans Hodge, Petran, Wolf, cités plus loin, et, parmi les catholiques, des indications précieuses dans Dœllinger, La Reforme ; Mœhicr, La symbolique ; Goyau, L’Allemagne religieuse, le protestantisme.

II. Études plus spécialement psychologiques. — 1° Auteurs ucalholiques.

E. S. Ames, The psgchologij o/

religious expérience, in-S", Londres, 1010 ; A. Binet, Les altérations de ta personnalité, 2e édit., in-16, Paris, 1892 ; E. Boirac, La crijptopsycliie, dans la Revue philosophique, Paris, 1907, p. 113 sq. ; H. Bois, Quelques réflexions sur la