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EXPÉRIENCE RELIGIEUSE


la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance. » Gal., v, 22. Sans doute, on les rencontre ailleurs, à quelque degré. Nous avons dit pourquoi. Mais aussi on ne les rencontre que dans le catholicisme, associés de la sorte et portés à ce point. Voir Fruits du Saint-Esprit.

Avec pleine confiance, nous convions le lecteur qui en veut la preuve à étudier de près et à fond des pratiquants convaincus, appartenant à des religions diverses, ou à comparer avec le même scrupule d’analyse la vie des saints catholiques avec celle des « saints » soit de la philosophie, soit d’autres religions. Qu’il laisse de côté, s’il veut, leur thaumaturgie, qu’il néglige leur ascèse, qu’il considère seulement, en cherchant à pénétrer la psychologie des uns et des autres, où se révèlent ces fruits rares que l’apôtre a énumérés. De cette enquête, s’il cherche Dieu « en esprit et en vérité » , le résultat n’est pas douteux.

VIII. Documents ecclésiastiques ; conclusion. — Nous résumerons les conclusions dogmatiques de cette étude en commentant brièvement les documents ecclésiastiques qui s’y rapportent.

Thèses luthériennes.

Dès le début de la Réforme,

l'Église a censuré les thèses qui devaient amener le mouvement antiintellectualiste et pragmatiste dont nous constatons aujourd’liui les ravages. Léon X condamne les propositions de Luther sur la corruption radicale de l’homme, prop. 2, 3, 31, 35, 36, DenzingerBannwart, n. 742 (626) sq., sur la nature de la pénitence, prop. 5-9, sur la justification par la foi, prop. 10-16, sur ]a. valeur de l’excommunication, prop. 23, 24. C'était atteindre, avec les premières, la racine des doctrines nouvelles, avec les autres, leurs caractéristiques et leurs conséquences principales.

Le concile de Trente reprit la question. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, Montrouge, 1844, t. ii, 1. VIII, c. IV sq., spécialement, c. ix sq., p. 244 sq. ; A. Theiner, Acta genuina, Agram, 1874, t. i, p. 216, 335, 358, 362 sq.

1. Il proscrit la notion de la justification comme d’un acte par lequel nous croirions fermement à la rémission de nos fautes, sess. VI, c. ix, xii, xiii ; can. 12-17, Denzinger-Bannwart, n. 802 (864) sq., 822 (704) sq. ; ne rejetant d’ailleurs qu’une certitude de foi, et réservant aux théologiens de déterminer avec quel degré de certitude inférieure on pouvait s’estimer en grâce avec Dieu. Voir Justification. Admît-on qu’il est possible d’atteindre à une certitude morale, voire même à une certitude de foi, aliquos in aliquo casu, comme Lainez le jugeait probable, Disputationes Tridenlinse, édit. H. Grisar, Inspruck, 1886, t. ii, p. 192, note 1, la définition expresse du concile ccrlitudine riDEi cui non possil subesse falsum sufiirait à marquer une différence considérable entre les caractéristiques de la conversion et de la vie protestantes ou catholiques. Cf. Mœhler, La symbolique, trad. E. Lâchât, 2e édit., §20, 1. 1, p. 2 : i)sq. — 2. Le concile affirme la nécessité des œuvres, soit préparatoires à la justification, soit conséquentes, sess. VI, c. vi, xi, xvi ; can. 9, 18 sq., Denzinger-Bannwart, n. 798 (680), 804, 809, 819 (701), 828 (710) sq., déniant ainsi cette scission, plus accusée encore dans le calvinisme que dans le luthéranisme (grâce au dogme de l’inamissibilité du salut), entre la religiosité et la moralité. Mœhler, ibid., § 25, p. 284 sq. — 3. A rencontre des prétentions du sens privé, il proclame, à côté des droits de l'Écriture, le rôle normatif de la tradition, parole de Dieu au même titre qu’elle, tanquam vel oretenus a Christo vel a Spiritu Sanclo [dictalam]. Sess. IV, Denzinger-Bannwart, n. 783 (666), 786 (668). — 4. Bien que les Pères aient abordé le dogme de la chute, sess. V, ibid., n. 787 (669), on ne voit pas qu’ils aient porté un remède adéquat aux assertions protestantes : si

l’existence du libre arbitre est revendiquée, les justes proportions de la déchéance originelle ne sont pas strictement déterminées ; tout spécialement les droits de la raison, blessés par le nominalisme et l’agnosticisme de Luther, ne sont pas directement défendus.

Baianisme et jansénisme.

Baius et Jansénius

provoquent des précisions nouvelles sur les notions de naturel et de surnaturel, conséquemment sur les suites du péché d’Adam. Denzinger-Bannwart, n. 1001 (881) sq., 1092 (966) sq. Ici encore le rôle de la grâce et de la volonté libre s’en trouve plus élucidé que le pouvoir de la raison.

Molinosisme et quesnelianisme.

Cette dépréciation excessive de la nature déchue est encore poursuivie par Innocent XI et Clément XI chez Molinos,

Denzinger-Bannwart, n. 1221 (1088) sq., et chez Quesnel, n. 1351 (1216) sq. : la gratuité des dons primitifs — qui a pour conséquence l’intégrité essentielle des facultés, après le châtiment — est vengée des subtilités de Quesnel, prop. 34-38 ; est condamnée l’exagération de la passivité dans la vie religieuse, comme si l'âme n'était plus libre sous l’action de la grâce, ne devait prendre l’initiative d’aucune œuvre, ou même ne s’arrêter à aucune pensée définie, Molinos, prop. 1-27, 31-59, 61-65 ; Quesnel, prop. 1-25, 30, 38-41, 42-70 ; de même le mépris de l’autorité ecclésiastique, si naturel à qui s’estime non seulement sollicité de manière habituelle par la grâce, comme l'Église l’enseigne, mais mû et déterminé par elle, Molinos, prop. 59-60, 65-68 ; Quesnel, prop. 90-95, 96-101 ; enfin l’impuissance prétendue de la raison naturelle. Quesnel, prop. 39, 41 ; cꝟ. 42, 48. Cette dernière erreur, la plus grave en l’espèce, puisque seule la déchéance de la raison excuserait peut-être la primauté du sentiment, ne sera l’objet d’un décret solennel que lorsque les excès du fidéisme et du piétisme protestants d’une part, du traditionalisme catholique d’autre part, auront rendu le péril plus pressant.

4° Traditionalisme, piétisme, fidéisme. — L’aptitude de la raison à atteindre le vrai, et à prouver les présupposés de la foi, après avoir été imposée à la signature de Bautain et de Bonnetty, DenzingerBannwart, n. 1622 (1488) sq., 1649 (1505) sq., est enseignée de manière solennelle par le concile du Vatican. Il définit : 1. la possibilité pour elle de connaître Dieu avec certitude, naturali humemie rationis luminee rébus crcatis certo cognosci posse, sess. III, en, Denzinger-Bannwart, n. 1785 (1634), 1806 (1653), la députation de la foi ayant préféré cette expression plus bénigne (phrasim mitiorem), quamvis aliquatenus certo cognoscere et demonstrare sil unum idemque, Acta et décréta, Collectio lacensis, t. vii, p. 132 ; mais le Motu proprio Sacrorum anlistilum est venu insister sur la relation des deux termes, en imposant au serment cette déclaration, Deum… per visibilia creationis opéra… certo cognosci, adeoque demonstrari eliam posse, Acta aposlolicæ sedis, 1910, p. 669 ; 2. la notion précise de la foi, qu’il déclare un assentiment intellectuel, fondé sur l’autorité de la révélation, Denzinger-Bannwart, n. 1789 (1638), 1811 (1658) ; 3. conséquemment, la nécessité de preuves rationnelles qui permettent de vérifier ses titres, et notamment la valeur des critères externes qui l’authentiquent, miracles et prophéties, signa cerlissima et omnium inteltigenliee accommodata, et transcendance de l'Église, motivum credibililalis cl divinx suse legationis testimonium irrefragabile, ibid., n. 1790 (1639) sq., 1812 (1659) ; 4. enfin la valeur normative de la tradition et du magistère ecclésiastique, n. 1788 (1637), 1792 (1641), 1798 (1645), et cela non pour un temps, comme s’il ne leur revenait que le droit de sanctioauier la formule ou le symbole les plus opportuns pour l’instant, mais de manière à