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EXPÉRIENCE RELIGIEUSE


divine ne peut espérer une connaissance profonde du divin, [AT, xaOaprT) yàp xaÔapoO éaaTrTcffÔai où 6£[X'.TÔv r, . Platon, Phédon, c. xii, 67 c ; cf. c. x-xiv.

Le mot de l'Écriture : « Bienheureux les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu, » Matth., v, 6, orientait les Pères dans la même voie. Ils s’y sont engagés de telle sorte qu’on s'étonne vraiment de l’oubli dans lequel leur thèse est tombée.

Nous rappellerons brièvement son histoire, avant de montrer le parti qu’on en peut tirer.

Ébauchée dans saint Justin, col. 1816, elle est reprise par Théophile d’Antioche : les vices sont à l'âme ce que les ténèbres sont aux yeux, Ad Aalolyc, 1. I, n. 2, P. G., t. VI, col. 1025, 1028 ; et développée par Clément d’Alexandrie : la pureté de vie, en nous rendant semblables à Dieu, nous permet seule de le connaître, car la connaissance véritable n’est pas une science de mots, c’est une lumière qui se répand dans l'âme par l’observation de la loi. Slrom., III, c. v, P. G., t. vii, col. 1145, 1148 ; cf. Piolrept., c. ix, col. 197. Voilà le culte en esprit et en vérité. Slrom., V, c. xi, t. ix, col. 101 sq. Origène s’en explique plus sommairement. Contra Celsum, 1. VI, n. 69, P. G., t. xi, col. 1404 ; I. VII, n. 33, col. 1468.

lie L'âme pure, observe saint Athanase, contemple dans son verbe intérieur le Verbe à l’image de qui elle est faite, et dans le Verbe le Père, Oral, contra génies, n. 2, P. G., t. XXV, col. 5, 8 ; la voie qui mène à Dieu n’est donc pas loin de nous, ou hors de nous, mais en nous, n. 30-35, col. 60 sq. Cf. De incarnalionc Vcrbi, n. 57, col. 196, 197.

La théorie est plus approfondie chez les Pères cappadociens. En détruisant ou en restaurant la ressemblance avec Dieu, les mœurs, dit saint Basile, permettent ou interdisent à l'âme de le connaître, en se connaissant. Homil. in Attende tibi, n. 7, P. G., t. XXXI, col. 213 sq. ; De legendis ycntilium libris, n. 7, col. 581 sq. ; Epist., ccxxxiii, t. xxxii, col. 864 sq. Ce qui est impur, dit saint Grégoire de Nazianze, après Platon, ne peut entrer en relation avec ce qui est pur. Oral. IheoL, i, c. ii, P. G., t. xxxvi, col. 13 sq. ; ii, c. i, II, col. 25 sq. Comme Clément d’Alexandrie, il montre dans la pratique des préceptes l'école providentielle de cette spiritualisation, Oral., xxxix, c. viii, col. 344, 345, et condense ses enseignements dans une formule prégnante : le fondement de la spéculation, c’est l’action, Tippi ; y^P èTTt’oairiç Œiopiaç. Oral., xx, c. XII, t. XXXV, col. 1080.

Nul n’a insisté sur ces principes autant que saint Augustin. Voir Augustin, 1. 1, col. 2332 sq. Il convoit le mouvement du retour à Dieu comme une intériorisation de l'âme vers l’absolu immanent en elle, par une purification croissante de la vie : non enim ad cum qui iibique prsesens est locis movemur, sed bono studio bonisque moribus. De doctrina christiana, 1. I, c. X, t. XXXII, col. 23 ; in illo enim vivimus et movemur et sumus. De Trinilale, 1. VII, c. iii, n. 5, t. xlii, col. 950. C’est donc affaire moins dialectique que pratique : non oculo sed corde quserendus est ; scd quemadmodumsi solem… videre vellemus, oculos corporis purgaremus…, volentes videre Deum, oculum quo Deus videri potest, purgemus. In Episl. I Joa., tr. VII, n. 10, t. XXV, col. 2033. Cf. De moribus manicltœorum, 1. II, c. VII, n. 10, t. xxxii, col. 1349 ; Episl., CLXXxvii, c. V, n. 17, t. xxxiii, col. 838. Le véritable principe d’assimilation, c’est l’amour. In Episl. I Joa., tr. X, n. 9, t. xxxv, col. 2051 ; en modelant l’un sur l’autre ces deux termes, immanents par nature, il les rend présents l’un à l’autre par recherche consciente. Ibid., tr. X, n. 4, col. 2057 ; De Trinilale. 1. VIII, c. IV, n. 6, t. XLii, coi. 951 ; c. x, col. 960. De là son rôle considérable dans la vie religieuse : amore pclitur, amore quæritar, amure pulsutur, amore rcvela tur, amore denique in eo quod revelalum (uerit permanetur. De moribus Ecclesiæ, 1. I, c. xvii, n. 31, t. XXXII, col. 1321. En conséquence, il ne saurait y avoir ni connaissance éminente, ni jouissance intense qu’au prix de la sainteté : nemo invenil nisi purgalus. Soliloq., 1. I, c. I, n. 3, ibid., col. 870. Cum [Deo] autem est, quando purissime intelligit et lola charilale quod intelligit diligil. De vera religione, c. xxxi, n. 58, t. xxxiv, col. 148.

Conçue de ce point de vue tout moral, la purgation de l'âme n’a rien à faire de l’apparat rituel des « mystères « ethniques et de la théurgie néoplatonicienne. De cii’ilate Dei, 1. X, c. ix, t. xli, col. 286 ; De Trinilale, 1. VIII, c. VII, n. 11, t. XLII, col. 957 ; Episl., ccxxxv, n. 2, t. xxxiii, col. 1032. Mais notre docteur se garde bien de confondre avec ces recettes humaines les règles de pensée et d’action que Dieu pourrait avoir révélées, pour conduire l’homme, par une pédagogie intégrale, à l’assimilation parfaite. La voie qu’il indique est celle de la soumission complète à ces dogmes et préceptes. Soliloq., 1. I, c. vi, n. 12, t. xxxii, col. 875 sq. ; De Trinilale, 1. I, c. i, n. 3, t. xlii, col. 821 ; 1. VIII, c. IV, n. 6, col. 951 ; Serm., cclxi, c. iv sq., t. xxxviii, col. 1204 sq. On le voit par ce sommaire, la théorie de la y.âôaptrtç a été abordée par.ugustin sous tous ses aspects, psychologique, critériologique, ascétique. Nous aurons à préciser sa pensée, voir col. 1838, 1852.

Pour comprendre son apport personnel au problème psychologique, il convient de se souvenir que, comme toute perception de vérité est, dans sa philosophie, participation de la vérité incréée, tout mouvement de charité est participation de celui qui s’est défini la Charité. Cf. In Episl. I Joa., tr. VII, n. 4, t. xxxv^ col. 2031. El quo nisi Deo plenus est qui plenus est dileclione. De Trinilale, 1. VIII, c. viii, n. 12, t. xlii, col. 957, 958 ; Confess., 1. XIII, c. xxxi, t. xxxii, col. 865 ; In Episl I Joa., tr. VIII, n. 12, t. xxxv, col. 2043. A chaque stade du mouvement ascensionnel qui ramène à Dieu, et à proportion de la similitude acquise, nous sommes donc portés vers Dieu par Dieu lui-même : la communauté de nature devenue plus étroite est plus exigeante d’une union plus accomplie. Il est visible toutefois que l’attention du saint docteur s’est portée beaucoup plus vers l’influence de l’action sur la spéculation, que sur la corrélation entre l’action et l'émotion.

La remarque serait à répéter au sujet de saint Bernard, voir col. 1838, et de saint Thomas, voir col. 1841> qui tous deux ont magistralement exploité cette thèse. La pensée des Pères attend donc de nouvelles précisions. S’ils ont admis une connaissance par sympathie, pseudo-Denys, De divinis nominibus, c. ii, § 9, P. G., t. iii, col. 673, ou comme parle saint Thomas, per quamdam affinilatem addivina. In IV Sent., I. III, dist. XXXV, q. ii, a. 1, sol. 1° : per quamdam unionem addivina, ibid., sol. 3° ; per quamdam connaturalilatem, Sum. IheoL, IIa-IIæ , q. xlv, a. 2 ; il reste à montrer comment des appréhensions vagues préparent ces idées claires, comment, à chaque degré de la purification intérieure, correspondent des appétits et des émotions plus ou moins purs.

Sans faire appel aux habilus surnaturels, ni aux grâces actuelles de la théologie, il est hors de doute, en effet, que l’habitude de la chasteté, de la tempérance, bref, des diverses vertus, développe en nous, non précisément des tendances expresses au Dieu de l’ordre surnaturel, ni même au Dieu de l’ordre naturel, mais vers les voies ascendantes de l’ordre moral, qui toutes vont aboutir à ce terme. La vie affective en est transformée d’autant.

3. Action immanente de Dieu.

En fait, au cours de cette évolution, lame ne reste pas livrée à ses