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EXPERIENCE RE LICxIEUSE


dine ad ccrtiludinem. In Gal., iv, 6, t. xl, p. 578, 579. C’était restaurer l’activité de la nature dans l’acte même de la justification et transformer l’expérience passive en une autosuggestion méthodiquement cultivée. Nous verrons les partisans de la mind-cure revenir à ce procédé. En fin de compte, le contrôle de la vie religieuse se trouvait transporté de la raison à l’expérience affective.

Si l’on recherche les sources de cette doctrine, on peut indiquer avec sûreté Occam, cf. Denifle, op. cit., p. 591 sq. ; Grisar, op. cit., t. i, sect. iv, p. 102 sq., et Pierre d’Ailly, cf. Salembier, Petrus de Alliaco, Lille, 1886, p. 353 : leur nominalisme l’acheminait à l’agnosticisme et à la conception de la justification extrinsèque. Il conviendrait d’insister ensuite sur l’influence du petit livre qu’il édita, dès 1516, la Théologie germanique. Il y trouvait, avec des vues mystiques, une dépréciation excessive de la volonté libre, une tendance soutenue vers la passivité et l’annihilation en Dieu. Il faut enfin mentionner, puisqu’il s’est expressément réclamé d’eux, Tauler et saint Bernard.

En réalité, si Tauler semble exagérer parfois la passivité, Homilise operaque…, Cologne, 1553, Domin. infra oct. Epiplh, p. 110 6 ; in Parasccv., serm. ii, p. 185 b, il est clair qu’il parle pour des âmes déjà élevées dans les voies spirituelles, car il proteste ailleurs contre les illusions d’un faux quiétisme. In domin. i Quadrag., p. 1536, 156a ; in Pentec, serm. ii, p. 260 6 ; in domin. X post Trinit., p. 363a. Il enseigne qu’aucun état de sainteté ne peut dispenser des commandements. In domin. I Quadrag., serm. i, p. 157a ; Instif., c. xviii, p. 605 b. S’il demande la confiance du salut, c’est comme milieu entre le désespoir et la présomption, In domin. xv post Trin., p. 387 ti ; et pour ruiner les thèses luthériennes, il suffirait des règles qu’il indique pour le discernement des mouvements de la nature et de la grâce. Institut., c. iii, iv, xviii, p. 565 6, 569a sq. Cf. Denifle, op. cit., p. 566, 742 sq. ; Grisar, op. cit., t. i, p. 132-146.

Un passage de saint Bernard mérite une attention spéciale, car les réformateurs le citent à l’envi. Il te faut croire, dit le saint, que tout nous est possible par Dieu, pardon, mérite, vie éternelle. Utique quod factum est non potest non fieri ; ipso tamen non imputante, eril quasi non fuerit. Mais cette foi à la possibilité générale de la rémission est insuffisante, ^ ! elle n’en vient à une application personnelle : Verum hœc… non omnino sufpciunt ; sed magis initium quoddam et velut fundamentum fidei sunt habenda… Adde adhuc ut et hoc credas, quia per ipsum tuji peccata donantur. iioc est

TESTIMONIUM QUOD PEUIllBET IN COUDE TUO SPfRITUS

Sanctus dicens : Dimissa sunt libi peccata tua. Sic enimarbitratur opostolus cnATis.ruSTiFicvni uominem PBf ! FiDEM. In fest. annunt., serm. i, P. L., t. clxxxiii, col. 383, 384. L’analogie verbale est frappante, mais ce que Bernard entend d’une rémission par justification intrinsèque, d’une certitude morale en dépendance de la foi, d’une gratuité qui appelle encore notre libre coopération, les novateurs l’interprètent d’une justification extrinsèque, d’une foi stricte au salut personnel, sans révélation individuelle, d’une gratuité qui exclut la collaboration humaine. Les mêmes mots couvrent deux doctrines.

Voir Luther, Conim. in Gai, i, 14, dans Werke, t. ii, p. 458 ; Calvin, Instiliition chrHienne, I. III, c. ii, n. 41, édit. de Baumgartner, p. 272 ; Mélanchthon, Confess. doctr. saxonic. Ecclesiariim, Corpus relormaloriim, t. xxviii, p.388, 389 ; Loci llieoogici, c. viii, ibid-, t. xxi, p. 748, etc. ; Théodore de Bèze, Confessio clirist. ftdei, c. iv, dans Traclaliones theologicæ, Paris, 1582, t. I, p. 6. Pour la discussion du texte, voir Bellarmin, De controversiis, Ingolstadt, 1593, t. III, De/ds/ ; /., 1. I, c. iv, p. 940 ; 1. III, c. x, p. 1136 sq.

Il serait plus important de savoir si la source originale de ces thèses n’est pas l’expérience religieuse de Luther lui-même, puisque l’évolutionnisme religieux n’admet plus d’autre révélation que ces impressions affectives dans la conscience des grands initiateurs.

De toute évidence, sa psychologie explique la genèse et les variations de sa doctrine. Dcillinger, op. cit., t. iii, p.’^, 170 sq. ; Denifle, op. cit., p. 620 sq. ; Grisar, op. cit., t.i, sect. iii, n.3, p.99 sq. Lui-même l’a déclaté", en*" avouant ses tentations et ses angoisses dans le cloître, en prônant sa thèse du salut inconditionné, comme la seule qui pût établir les âmes dans la paix. Il convient seulement de n’admettre que sous réserves une description de sa vie monastique plus acerbe, non au lendemain de la crise qui le libère, mais à mesure que croît sa haine et son opposition contre Rome. Denifle, p. 759 sq. Quant à voir dans cette évolution intérieure une révélation immanente de l’Esprit, on ne le peut faire qu’à charge d’expliquer les terreurs de ses dernières années, Dôllinger, t. iii, p. 240 sq. ; Denifle, p. 781 sq., ses variations qui vont jusqu’à la contradiction, ses hésitations sur la valeur de sa mission, et ses efforts laborieux pour se convaincre le premier de sa doctrine : Causa justiflcationi<i lubrira est… id quod ego ipse ssepe experior… Quanquam vehementissime decertaverimus, adhuc salis tamen sudabimus. In Gal., I, 12, t. xl, p. 129, 130. Cf. In Gai, i, 16, p. 141 ; II, 14, 17, 19, 20, p. 209, 251, 271, 298 ; iii, 2, 23, p. 345 sq., 526 ; iv, 3, p. 557, 563 sq.

Bref, ce que révèle la psychologie de Luther, autant que sa biographie permet de la restituer, c’est le besoin impérieusement senti par sa nature passionnée d’une rédemption sans condition — voilà le « donné » — d’où naît l’affirmation intransigeante et l’autosuggestion volontaire de la solution désirée, avec proscription méthodique de tout contrôle capable de la contredire, œuvres, hiérarchie. Écriture — voilà le « construit » .

2. Calvin.

Entre les mains de Calvin, la théorie garde ses caractéristiques essentielles, mais réalise un progrès de systématisation, qui en augmente singulièrement la séduction. La foi du salut et la foi des dogmes sont mises en rapport plus étroit et rattachées à l’action du Saint-Esprit, de qui le rôle mystique est décrit avec beaucoup d’ampleur et de charme.

Le point de départ est toujours la corruption foncière de l’homme : Quicumque ex Adam nascimur, omnes Dci ignorantes sumus et expertes, perversi, corrupti omnisque boni inopes… siquidem nemo est nostrum qui aul velil ca quæ sunt ofjicii sui facere, aut posait. Inslilulio christ, relig., 1536, p. 44 sq. ; Corpus reformatorum, 1. 1, p. 28, 29. Aussi Dieu nous enseignct-il par sa parole ; il nous réconforte par ses sacrements, nous illumine par son Esprit, par qui deviennent cfficaces et la parole et les sacrements, 1536, c. iv, p. 206 ; Corpus, t. I, p. 104. Cf. c. ii, p. 136 ; Corpus, t. i, p. 72 ; 1539, c. iv, p. 137 ; Corpus, p. 536 sq. ; 1560, 1. III, c. i ; Corpus, t. iv, p. 1 sq. C’est donc abus du papisme de détourner au bénéfice de l’Église les promesses d’assistance faites à chaque fidèle : « Nous confessons donc (comme la vérité est) que le Seigneur éternellement assiste aux siens, et qu’il les conduit de son Esprit : que cest Esprit n’est pas d’erreur, ignorance, mensonge ou ténèbres : mais de révélation, vérité, sapience et lumière : duquel ilz puissent sans tromperie apprendre quelles choses leur sont données de Dieu. I Cor., ii, 12… Mais comme ainsi soit que les fidèles reçoyvent seulement quelque goust et commencement de cest Esprit en ceste cluir, mesmes ceux qui par dessus les autres sont pleins de richesses et grâces de Dieu : il ne reste rien meilleur, sinon qu’en recognoissant leur imbecilité, ilz se contiennent soigneusement sous les termes de la parolle de Dieu. » Institu-