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EXORCISME


elle ajouta : Sors de cette créature de Dieu, esprit immonde, et que le Seigneur Jésus-Christ te réprimande. Et le démon de répliquer : Je ne puis la quitter ; pourquoi me maltraites-tu ? Où irais-je ? Euphrasie lui dit : Dans les ténèbres extérieures, au feu éternel, dans les tourments infinis, préparés pour toi, pour Satan, ton père, et pour ceux qui font sa volonté… Et tout d’un coup, le démon, écumant, en produisant un bruit strident et en poussant un grand cri, sortit de cette femme, qui ainsi se trouva guérie. »

Comme l'Église latine, l'Église orientale a connu et utilisé la puissance des fidèles sur les démons. Ici encore les témoignages abondent. Je n’en citerai qu’un petit nombre, parmi les plus saillants. Les rapprochements avec ceux qui précèdent s’indiqueront presque toujours d’eux-mêmes.

Origène, Contra Celsum, 1. VI, n. 4, P. G., t. xi, col. 1425-1426, fait ce raisonnement : « Si la Pythie, quand elle rend ses oracles, est hors d’elle-même, sî elle ne se possède plus, quel est donc l’esprit qui obscurcit son intelligence et sa raison ? Est-il d’une autre espèce que ces démons que la plupart des chrétiens expulsent des énergumènes, et cela sans le secours de vaines pratiques magiques et d’idcantations, par des prières seulement et par de simples adjurations, dont l’homme le moins cultivé est capable ? De fait, ce sont des ignorants, le plus souvent, qui font cela. Ainsi, la grâce de Dieu inhérente à notre religion met à nu la déplorable faiblesse des démons, puisque, pour les vaincre, les éloigner, les faire fuir du corps et de l'âme de l’homme, il n’est point nécessaire d'être un sage ou un esprit très versé dans les vérités de la foi. »

Saint Athanase, De incarnalionc Verbi, n. 47, P. G., t. XXV, col. 179-180, écrit : « Autrefois, tout était plein des artifices des idoles et des superstitions humaines. Les oracles de Delphes, de Dodone, de Bcotie, de Lycie, de Libye, d’Egypte, ceux des Cabires étaient universellement admirés. Mais maintenant, depuis que le Christ a commencé à être prêché partout, ces insanités ont complètement cessé et l’on ne rencontre plus de devins dans le paganisme. Jadis, les démons abusaient les hommes par des apparitions de diverse nature ; embusqués auprès des sources ou des fleuves, dans des arbres, dans des rochers, ils séduisaient les insensés par leurs prestiges ; mais depuis la venue du Christ-Dieu ces tromperies ont pris fin. Désormais, par un simple signe de croix, toutes les fourberies des démons sont repoussées. » Le même Père, Episl. ad Marcellinum, n. 33, P. G., t. xxvii, col. 43-46, signale et condamne les travers de quelques exorcistes : « J’ai appris, disait un vieillard, de la bouche d’hommes instruits que jadis, chez les Israélites, par la seule lecture de l'Écriture sainte, on mettait les démons en déroute et l’on écartait les embûches dressées par eux au genre humain. D’où il concluait combien étaient repréhensibles ceux qui, négligeant cette méthode, se servaient, pour exorciser, de phrases élégantes, puisées ailleurs. Agir de la sorte, c’est plutôt s’amuser et s’exposer à la risée des démons, ainsi qu’il advint à ces Juifs, fils de Scéva, qui essayèrent une semblable manière d’exorcisme. Aussi bien, lorsqu’ils entendent ces formules recherchées, les démons se moquent de ceux qui les emploient. Les paroles des saints, au contraire, ils les redoutent, et Ils sont incapables d’y résister ; car, dans les paroles de l'Écriture ils retrouvent ce Seigneur qu’ils ne pouvaient supporter et à qui ils criaient : Je l’en prie, ne me tourmente pas avant le temps ; tant, rien qu'à voir le Seigneur présent, ils se sentaient brûler t C’est en suivant cette règle que Paul commandait aux démons impurs, c’est grâce à elle que les démons étaient soumis aux disciples… Maintenant encore donc, si quelqu’un veut du bien à des malades, qu’il emploie ce langage, et il soulagera gran dement ces malades, tout en prouvant la vérité et la fermeté de sa propre foi. »

Des abus similaires sont visés par le pseudo-Clément dans sa première lettre Ad virgines, qui est du iiipou du ive siècle. L’auteur avait d’abord, op. cit., c. x, P. G., t. I, col. 401-402, blâmé ces hommes vains et oisifs qui « circulent par les monastères de religieux ou de religieuses sous prétexte de visites, de lecture de l'Écriture sainte, d’exorcisme ou d’enseignement ; » il revient ensuite, ibid., c. xir, col. 407-410, aux exorcismes, qu’il loue, mais dont il rappelle certaines règles : « C’est chose convenable, et bonne, et décente à ceux qui sont frères dans le Christ, de visiter ceux qui sont tourmentés des mauvais esprits, pour faire sur eux des prières et des conjurations utiles et agréables à Dieu. » Puis, après avoir protesté contre la tendance de plusieurs à prodiguer les belles phrases pour paraître savants et éloquents, il conclut : <i Allons donc trouver le frère ou la sœur malade ; visitons-les de la manière qui convient, simplement, par pure charité désintéressée, sans bruit ni bavardage… Qu’après avoir jeûné et prié, on les exoKcise, sans formules élégantes et recherchées, mais en agissant comme des hommes qui ont reçu du ciel le charisme des guérisons, avec confiance et en vue de la gloire de Dieu. »

Saint Grégoire de Nysse, De vila Ephrsemi, P. G., t. xLvi, col. 845-848, raconte la façon expéditive et simple dont Éphrem, à son lit de mort, guérit un possédé. Il s’agissait d’un malheureux dont le démon s'était emparé, après l’avoir fait consentir intérieurement à des intentions d’avarice. Amené auprès du vieillard mourant, et « encouragé par ses paroles, il avoua le dessein qu’il avait conçu à part soi de ne point se conformer aux instructions du saint (pour l’emploi d’une somme d’argent). Devant son aveu, Éphrem, plein de bonté, se sentit ému de compassion ; et aussitôt, se mettant à prier et lui imposant les mains, il le délivra de son infirmité, lui rendit sa première santé, et ajouta cet avertissement : Faites, mon ami, ce que vous avez promis depuis longtemps. » S. Épiphane, Hser., xxx, n. 8, P. G., t. xxx, col. 557-558, rapporte le cas d’une femme à laquelle des magiciens prétendaient inspirer une passion impure, mais contre laquelle ils s’acharnèrent en vain trois nuits durant, parce qu’elle se fortifiait « par le secours de la foi et par le signe du Christ. » Ce a signe du Christ » est évidemment le signe de la croix, dont Athanase vantait déjà la vertu invincible et que saint Grégoire de Naziunze, Carm. adv. iram, v. 415-420 ; De expulsione dsemonum et invocat. Cliristi, P. G., t. xxxvii, col. 841842, 1389, assure « être redoutable à tous les ennemis et lui avoir toujours fourni contre eux aide et protection. Il Saint Jean Chrysostome, De incomprehensibiii Dei natura, homil. iii, n. 7 ; iv, n. 4, P. G., . t. XLVii, col. 727, 733, atteste que, de son temps, pendant la célébration des saints mystères, « un diacre introduisait les démoniaques dans l'église et leurordonnait de courber la tête. » Ils devaient ainsi prier par leur attitude même, et, en outre, par le spectacle de leur misère et de leur humble silence, exciter les autres fidèles à prier avec eux, et pour eux.

Un peu antérieur à Grégoire de Nazianze, à Chrysostome et à Épiphane, saint Cyrille de Jérusalem est sans doute celui des Pères grecs qui a parlé le plus souvent des exorcismes. Il a surtout en vue les exorcismes qui étaient déjà en usage pour le baptême solennel, et il comprend sous cette dénomination, outre la conjuration proprement dite, l’ensemble des cérémonies préparatoires au sacrement, dont il s’attache à exposer le sens et les avantages. Procat., n. 9, P. G., t. XXXIII, col. 347-350, il dit : « Recevez les exorcismes avec dévotion. Qu’on vous exorcise ou qu’on soufïle sur vous, c’est pour votre bien. Imaginez-